Ces dernières années, Gilles Duceppe a répété sur plusieurs tribunes que
le Canada ne veut rien entendre des revendications du Québec. Pour lui, les
portes sont scellées et l’indépendance est la seule option pour le peuple
québécois.
Devant ce constat, des penseurs organiques au PQ ont estimé qu’une
gouvernance souverainiste qui déploierait un bouquet de revendications
pourrait susciter un sursaut en faveur de la souveraineté du Québec. Aussi
ont-ils suggéré de mettre de côté toute démarche sécessionniste, quitte à y
revenir lorsque la ferveur souverainiste serait à la hausse.
Au dernier congrès du PQ, Gilles Duceppe est revenu à la charge et a
poursuivi sur cette lancée à l’occasion des dernières élections alors que
la cheffe du PQ maintenait le cap sur une gouvernance souverainiste et un
échéancier en 2020.
Jack Layton a alors compris qu’une ouverture aux revendications du Québec
lui vaudrait un appui, le PLC et le PCC n’étant plus dans la mire du peuple
québécois. Le 2 mai 2011, s’il a gagné au Québec, Gilles Duceppe et le BQ,
lessivés, virent leur pronostic se réaliser : l’ouverture du NPD fut
refermée par la vague bleue qui déferla sur le Canada.
Le support octroyé au NPD par les Québécois et Québécoises se transforma
très vite en un mirage. Dès le lendemain, sur Youtube, Twitter, Facebook,
l’indépendance était le point central et plusieurs jeunes électeurs et
électrices découvrirent que ce projet est leur affaire tout autant que
celle des générations qui les précèdent.
***
Là se trouve la principale incidence de cette élection. Elle ne peut pas
ne pas avoir d’impacts sur les partis politiques prônant l’indépendance, le
PQ, QS et le BQ, comme le parti qu’entend créer le tandem Legault-Sirois.
Voire sur l’ADQ et le PLQ. S’il est prématuré d’avancer des scénarios, il
est indiqué d’imaginer deux horizons : l’un de repli, l’autre d’affirmation
politique.
Le repli, qui sera provincial, reçoit déjà l’aval des fédéralistes
québécois (PLQ et ADQ). Peut l’accentuer le parti à créer par le tandem
Legault-Sirois. Chose certaine, si cet horizon s’irradie, il y aura exode à
la hausse des jeunes, emprise du milieu des affaires sur les politiques du
Québec et hausse des conflits entre groupes sociaux et culturels, le bien
commun étant dévalorisé.
Avec cet horizon, le PQ s’affichera encore plus ethnoculturel, le BQ
deviendra superflu et QS occupera plus d’espace, ce qui lui permettra
d’entretenir le rêve qu’a alimenté le NPD sans pour autant prendre le
pouvoir au Québec. Avec le temps, ce rêve s’avèrera un cauchemar, le NPD,
parti fédéraliste aux politiques centralisatrices, ne pouvant livrer la
marchandise au Québec comme parti d’opposition, parti majoritaire ou parti
membre d’une coalition canadienne.
L’affirmation politique, le deuxième horizon, nécessite, pour se
concrétiser, une coalition, à inventer, entre des partis, existants (PQ et
QS) ou à créer (celui du tandem Legault-Sirois), qui mettent l’épaule à la
roue pour faire l’indépendance. Ici, la promotion des intérêts supérieurs
du Québec par le BQ reprend vie, mais dans l’arène québécoise, l’arène
canadienne devenant une zone d’observation.
En régime démocratique, des coalitions de ce genre s’expriment lorsque
l’enjeu est de créer un pays. S’y associent alors des promoteurs du pays
indépendamment de leurs positionnements à gauche, au centre ou à droite.
Depuis le 2 mai 2011, les forces de gauche ont pris du gallon alors que
celles du centre et de la droite en ont perdu. Toutes, cependant, sont
maintenant à la remorque du gouvernement Harper. Aussi les forces en
présence découvriront très vite qu’elles ont un intérêt commun.
***
Le 2 mai 2011 est un point tournant parce que peut s’exprimer maintenant
des coalitions valorisant autant un repli que l’affirmation de la nation
politique du Québec. Dans cette perspective, QS et le parti qu’entend créer
le tandem Legault-Sirois peuvent pousser dans l’une ou l’autre direction.
S’ils privilégient le repli, ils deviendront des courroies canadiennes
ayant contribué à éradiquer le projet de faire du Québec un pays. S’ils se
coalisent avec le PQ et le BQ, ils seront des bâtisseurs du pays du
Québec.
Le repli ne nécessite pas une coalition. Il est en cours avec le PLQ et ne
peut que s’accélérer si le tandem Legault-Sirois s’associe à l’ADQ. Par
contre, une coalition pour créer un pays implique une plate-forme commune
pour préparer l’indépendance ou pour la réaliser à la suite d’une élection
décisionnelle lors de laquelle ses promoteurs reçoivent un support
majoritaire. À moins d’une vague suscitée par la coalition, la préparation
me paraît un passage obligé.
Dans ce cas, la plate-forme doit mettre l’accent sur une refonte du projet
de pays, des retouches au régime parlementaire pour renforcer le contrôle
du peuple sur les lois votées, des politiques visant à resserrer les liens
entre les Québécois et les Québécoises et le Québec avec le monde, par
exemple un TGV Québec-Montréal-New York, une entente avec le Canada sur les
règles référendaires et des projets circonstanciels.
Une telle plate-forme aura un effet d’entraînement. Plutôt que de
s’investir encore à chercher à déverrouiller les portes scellées du Canada,
le peuple québécois s’agitera enfin à ouvrir celles qui lui permettront de
se doter d’un pays et d’entrer en lien avec le monde.
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Claude Bariteau, anthropologue
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --
Gilles Duceppe avait raison : les portes du Canada sont scellées
S’il est prématuré d’avancer des scénarios, il est indiqué d’imaginer deux horizons : l’un de repli, l’autre d’affirmation politique.
Chronique de Claude Bariteau
Claude Bariteau49 articles
Claude Bariteau est anthropologue. Détenteur d'un doctorat de l'Université McGill, il est professeur titulaire au département d'anthropologie de l'Université Laval depuis 1976. Professeur engagé, il publie régulièrement ses réflexions sur le Québec dans L...
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Claude Bariteau est anthropologue. Détenteur d'un doctorat de l'Université McGill, il est professeur titulaire au département d'anthropologie de l'Université Laval depuis 1976. Professeur engagé, il publie régulièrement ses réflexions sur le Québec dans Le Devoir, La Presse, Le Soleil et L'Action nationale.
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1 commentaire
Serge Charbonneau Répondre
13 mai 2011«les portes du Canada sont scellées»
Enfin !
On va peut-être commencer à s'occuper de chez-nous !
Serge Charbonneau
Québec