Est-ce parce que les Québécois sont des individus égoïstes qu'ils s'opposent souvent à des projets de développement majeurs, comme l'exploitation de gisements miniers et gaziers? N'est-ce pas plutôt parce qu'en l'absence de données exhaustives et crédibles, et faute d'un niveau de confiance élevé à l'endroit des élus, ils ont raison de craindre que ces projets vite autorisés ne leur causent un préjudice sérieux?
Alors que la commission parlementaire chargée d'étudier la refonte de la Loi sur les mines reprend ses travaux à Québec, un groupe de Sept-Îles opposé à l'exploitation de l'uranium a symboliquement payé ses droits miniers pour établir son campement devant le parlement.
Dimanche, dans les Cantons-de-l'Est, une centaine de citoyens de Dunham ont, quant à eux, manifesté pour demander l'abandon d'un projet d'inversion du flot pétrolier dans l'oléoduc Portland-Montréal enfoui sous terre depuis soixante ans. Parce que le pétrole a toujours circulé dans une même direction, ces citoyens et leur maire craignent que l'inversion du débit sous pression n'altère l'étanchéité de la tuyauterie et ne provoque des fuites qui contamineraient l'eau potable.
Mais c'est sur la rive sud du Saint-Laurent, entre Montréal et Lévis, qu'un dossier encore plus chaud est en train d'empoisonner la vie de milliers de citoyens: celui de l'exploitation du gaz de schiste pour lequel cinq MRC ont déjà demandé un moratoire. La ministre des Ressources naturelles, Mme Nathalie Normandeau a refusé, jugeant qu'«il y a là, pour le Québec, un rendez-vous qu'il ne peut pas manquer».
Peut-être, mais pour le moment, nous manquons dramatiquement d'études objectives pour l'affirmer!
L'extraction du gaz de schiste exige une technique de forage profond à la verticale, puis à l'horizontale, pour libérer le gaz à l'aide de millions de litres d'eau additionnée de sable et de solvants. Cette énorme quantité d'eau contaminée doit ensuite être ramenée à la surface, ce qui pose d'autres risques de contamination.
Qui plus est, une même compagnie doit creuser des dizaines de puits sur autant de sites pour tirer le maximum de son gisement. Mme Normandeau et l'industrie trouvent peut-être que c'est le prix à payer pour l'autosuffisance du Québec en gaz naturel, mais combien de puits est-elle elle-même prête à recevoir sur ses terres en échange d'un vulgaire droit de passage?
Selon l'ancien président d'Hydro-Québec, aujourd'hui conseiller de la société gazière Junex, on creusera au moins 300 nouveaux puits par année dans la zone visée d'ici quelque temps, ce qui créera 7500 emplois. Un chiffre peu impressionnant et pourtant très contesté. Alors, à qui profitera ce développement à part aux actionnaires des sociétés d'exploitation, dont le géant albertain Talisman Energy? À l'État québécois qui accorde des crédits d'impôt toujours plus généreux que les redevances?
Comme dans tous les cas de projets majeurs susceptibles d'avoir un impact sur la qualité de vie des citoyens et sur leur environnement, des études exhaustives et des consultations sérieuses doivent impérativement précéder la délivrance de permis d'exploitation. Sans un tel processus, nos dirigeants politiques n'ont pas la compétence, et encore moins la confiance des citoyens, pour donner le feu vert aux promoteurs.
Voilà pourquoi, dans le cas du gaz de schiste, Québec doit confier au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement le mandat de procéder à une étude générique et rigoureuse du dossier. Les citoyens sont inquiets. Ils ont raison de l'être.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé