Le site de la Canadian Forest Oil, situé à Saint-Denis-sur-Richelieu.
Photo: David Boily, Archives La Presse
Denis Lessard La Presse (Québec) C'est à l'aveuglette que le Québec s'est lancé dans le développement des gaz de schiste. Le commissaire au développement durable, Jean Cinq-Mars fait un bilan très critique du cheminement de ce dossier controversé depuis un an, dans un rapport qui vient d'être déposé à l'Assemblée nationale.
D'abord, les ministères des Ressources naturelles et de l'Environnement «ne sont pas encore parvenus à s'organiser adéquatement pour encadrer l'industrie», déplore le commissaire.
Aussi, les interventions des ministères «n'assurent pas le développement de la filière du gaz de schiste s'effectue de façon durable». Par exemple, on ne prend pas suffisamment compte des intérêts des communautés locales, on oublie vite que «la société québécoise est propriétaire de cette ressource non renouvelable».
Le commissaire constate l'absence de connaissances précises quant à l'impact environnemental de l'exploitation des gaz de schiste. Aux États-Unis, l'EPA, l'agence nationale de protection de l'environnement, a commandé une vaste étude dont les résultats préliminaires sont attendus l'an prochain.
Selon le rapport, Québec n'a pas appliqué le principe de «précaution» et n'a pas fait preuve de prudence «lorsque toutes les réponses ne sont pas disponibles». Or, «ce type d'opération comporte plusieurs éléments inconnus, notamment la composition exacte du mélange de produits chimiques injectés dans le sous-sol pour extraire du gaz, la capacité de traitement des eaux (utilisées pour extraire le gaz) par les usines municipales ainsi que l'impact de leur éventuel rejet dans l'environnement».
Le commissaire n'est pas surpris du ressac dans la population, les permis pour l'exploration n'ont pas été soumis à un processus de consultation, les documents synthèses des ministères ont été «élaborés tardivement pour susciter le débat public».
Pour le commissaire, Québec et l'industrie n'ont toujours pas démontré l'avantage à long terme de cette exploitation. Ils ont encore beaucoup de gestes à poser pour atteindre l'acceptabilité sociale nécessaire pour le développement harmonieux de cette ressource. Le commissaire observe au passage que le développement anarchique de cette industrie s'appuie sur une loi qui remonte au XIX siècle. Les droits exigés par Québec, 10 cents par hectare par année représentent des recettes de 200 000 $ pour le Québec. Pour ces mêmes droits adjugés par encan, la Colombie-Britannique encaisse 2,4 milliards $. Pour le gaz de schiste, «le principe de l'efficacité économique n'est pas encore intégré à la réalité québécoise», observe le commissaire. La réglementation sur les droits n'est pas appliquée rigoureusement et le commissaire se demande si les redevances obtenues éventuellement sur le gaz extrait «parviendront à compenser les faibles revenus liés à la délivrance des permis et aux travaux d'exploration». Pour le commissaire, les problèmes d'évaluation quant aux coûts-bénéfices de cette exploitation sont identiques à ceux soulevés en 2009, pour l'ensemble du secteur minier, un secteur encadré par la même loi qui relève du ministère de Nathalie Normandeau.
Dans ses commentaires, le commissaire observe aussi que le gouvernement est très peu exigeant en matière de responsabilité civile. La responsabilité des compagnies en cas de catastrophe reste limitée à 1 million $ une «exigence minimaliste» quand on considère que les forages se font dans des zones habitées, peuvent être effectués jusqu'à 100 mètres d'une habitation. Québec a déjà sur les bras une facture potentielle de 1,8 milliard $ pour des terrains contaminés, rappelle M. Cinq-Mars.
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