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Gaz de schiste : la biodiversité laissée pour compte

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Destruction garantie

Des biologistes affirment que l’exploitation du gaz de schiste menacerait à moyen terme la biodiversité dans la vallée du Saint-Laurent, où le déploiement de routes et d’infrastructures industrielles entraînerait la fragmentation des habitats d’espèces animales et végétales et l’introduction d’espèces exotiques envahissantes.

Or cet enjeu crucial, souligne l’Association des biologistes du Québec (ABQ) dans son mémoire présenté la semaine dernière aux audiences du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), a été totalement occulté par le Comité de l’évaluation environnementale stratégique (ÉES) sur le gaz de schiste, dont le rapport de synthèse a été rendu public en février dernier.

« On a beaucoup parlé des enjeux liés aux nappes phréatiques, à la pollution de l’air, aux gaz à effet de serre, et des risques d’accidents et des impacts sur la santé humaine, mais il ne faut pas sous-estimer ceux qu’auront toutes ces infrastructures sur la faune et la flore. On ne doit pas seulement se préoccuper de ce qui se passe dans le sous-sol, mais aussi de ce qui se passera sur la terre ferme. Cet angle-là n’a pas été assez étudié », a insisté mercredi Patrick Paré, vice-président aux communications de l’ABQ.

L’Association a présenté son mémoire dans le cadre des audiences que poursuit le BAPE, depuis le début mai, sur les enjeux liés à l’exploration et à l’exploitation du gaz de schiste dans les basses terres du Saint-Laurent. « L’ÉES doit être complétée en y incluant la problématique [de la biodiversité] pour que le public soit bien informé de toutes les conséquences environnementales de la filière gazière », précise le mémoire.

Fragmentation des habitats

Les biologistes sont particulièrement préoccupés par la fragmentation des habitats que pourrait entraîner le déploiement de routes, de puits de forage ou de gazoducs dans la plaine du Saint-Laurent. Les scénarios présentés jusqu’ici au Comité de l’évaluation environnementale stratégique sur le gaz de schiste estiment qu’environ 1580 plateformes d’un à deux hectares seront requises pour l’exploitation du gaz et des milliers de kilomètres de routes devront être reconstruits pour en assurer le transport.

« Ces infrastructures vont engendrer une importante fragmentation des habitats, avec toutes les conséquences sur les écosystèmes, et ce, particulièrement dans les massifs forestiers actuellement peu fragmentés », lit-on dans leur mémoire.

Ces activités industrielles, ajoutent l’ABQ, pourraient entraîner la rupture de corridors fauniques essentiels au maintien de certaines espèces, notamment des amphibiens, des reptiles et des mammifères.

Même si la superficie affectée par l’implantation de plateformes de forage, de routes d’accès ou de gazoducs ne représente pas une grande portion du territoire, l’impact de la fragmentation pourrait être majeur pour plusieurs écosystèmes. Selon une étude menée dans la région de Lotbinière-Bécancour et citée dans le mémoire, l’exploitation gazière n’entraînerait la perte que de 1 % de l’habitat forestier, mais augmenterait de 20 % le nombre des parcelles créées par la fragmentation.

Bien documenté, le phénomène de la fragmentation des habitats fauniques limite les déplacements et, à terme, la reproduction des espèces. Ces deux effets combinés engendrent une perte de la diversité génétique chez les populations animales cloisonnées dans des parcelles, qui est susceptible de les rendre plus vulnérables, notamment aux maladies.

« L’exploitation du gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent, déjà affectée par l’urbanisation et l’agriculture, décuplerait le nombre de parcelles », affirme Patrick Paré.

Corridors forestiers

Des études d’impact ont été menées dans le parc des Laurentides, lors de la construction de la route 175 reliant le sud du Québec à la région du Saguenay. Une quarantaine de tunnels ont été créés pour limiter l’impact de cette autoroute à quatre voies sur les corridors fauniques. Le minimum serait que de telles études soient faites avant de donner le feu vert à la filière gazière dans la plaine du Saint-Laurent, ajoute ce dernier. « En Montérégie, il reste tellement peu d’espaces naturels qu’il est d’autant plus important de conserver les corridors forestiers existants. Des analyses doivent être faites à tous niveaux, pas seulement au niveau géologique », relance le représentant de l’ABQ.

L’autre phénomène craint par les biologistes est l’introduction d’espèces exotiques envahissantes, que favorise la percée de routes et de plateformes dans les zones boisées. Plusieurs espèces animales et végétales agressives profitent de ces couloirs de prédilection pour rivaliser avec les espèces locales. On compte, parmi ces intrus végétaux, la renouée japonaise et le phragmite commun, deux espèces qui viennent bouleverser l’équilibre d’écosystèmes fragiles et, à terme, la survie de certaines espèces animales.

« Les espèces exotiques envahissantes sont une des principales sources de la perte de biodiversité dans le monde », insiste le mémoire.


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