L’industrie des gaz de schiste peine à gagner la confiance des Québécois et elle n’a qu’elle à blâmer pour cette situation, selon une récente étude.
Un rapport du Groupe de recherche interdisciplinaire en développement durable des HEC conclut que les entreprises impliquées dans cette filière au Québec se fondent sur des principes de responsabilité sociale volontaires et non homogènes, sont peu enclines à mettre en place des mesures de précaution et sont chiches quand vient le temps de donner des informations sur elles-mêmes.
Emmanuel Raufflet, responsable de l’étude menée dans le cadre des évaluations stratégiques du ministère de l’Environnement, estime que le départ raté de l’industrie du gaz de schiste au Québec tient sans doute au fait que les entreprises ont failli à bâtir la confiance du public. « Les entreprises ont mal communiqué. Nous avons fait une recherche assez générale pour savoir qui étaient ces entreprises et nous avons eu du mal à trouver l’information. C’est comme vous demander de me faire confiance, mais en me cachant derrière des paravents ! Ce ne sont pas des conditions gagnantes pour la création de la confiance », a-t-il expliqué.
Au moins un joueur de l’industrie reconnaît que l’opacité de certaines entreprises a miné toutes les autres. « Ce que j’ai appris ces dernières années, c’est que de parler et expliquer rend les choses meilleures. Aucun système ni personne n’est parfait. Mais si l’on reconnaît ce que nous sommes et où sont les risques, les gens nous font davantage confiance que lorsqu’on se cache », a avancé Michael Binnion, président et chef de direction de Questerre Energy, une entreprise qui s’en tire plutôt bien dans l’étude du professeur Raufflet.
Ce document soutient que 30 % des entreprises étudiées ont mis en place des mesures de précaution comme la construction de puits en ciment et métal pour éviter les fuites, des tests d’intégrité des puits avant fracturation, la maintenance des installations et la formation des employés afin d’éviter les erreurs humaines.
Sur les 24 entreprises qui ne publient aucune information sur leur responsabilité sociale, 22 mènent des activités au Québec.
En ce qui concerne les pratiques de développement, seulement 5 des 26 entreprises qui détiennent des permis d’exploitation dans la province publient de l’information. Il s’agit de Corridor, Gastem, Questerre, Suncor et Talisman (cette dernière a toutefois retiré toutes ses billes de la filière du schiste depuis la publication de l’étude).
Moratoire total
L’étude précise que le faible niveau de divulgation, tant sur les aspects généraux de l’entreprise que sur ses engagements environnementaux, n’est pas de nature à créer « des conditions gagnantes d’acceptabilité sociale ».
Michael Binnion réfute cependant l’hypothèse d’un développement improvisé. Il admet qu’il y a d’importantes variations dans les façons de faire des entreprises, mais il attribue aussi à tout un chacun une part de responsabilité.
Les données colligées par les chercheurs des HEC suggèrent par ailleurs un élément culturel au Québec où, par tradition, l’exploitation des ressources naturelles n’a pas l’habitude de passer par le pôle pétrolier et gazier, ce qui aurait pu susciter une certaine méfiance. La persistance de la perception, pour une partie de la population, que le gouvernement était davantage rangé du côté de l’industrie que de l’environnement n’a pas aidé à faire baisser cette méfiance, ajoute le chercheur. « On pourrait refaire l’histoire, avec d’autres joueurs, avec des entreprises aux processus plus solides, ça se serait peut-être mieux passé », a affirmé M. Raufflet.
Ces éléments ont plombé le développement de cette industrie, qui par ailleurs n’a pas su démontrer sa volonté d’assumer sa responsabilité sociale, toujours selon l’étude des HEC. On y mentionne que l’Association pétrolière et gazière du Québec a bel et bien élaboré des principes directeurs, mais sans toutefois en faire une obligation contraignante.
Québec a convenu d’un moratoire total sur l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste, mais cette trêve n’est toujours pas en vigueur. Le ministre de l’Environnement, Yves-François Blanchet, doit déposer au cours des prochaines semaines un projet de loi pour instaurer ce moratoire.
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