François Legault aura-t-il des atomes crochus avec Doug Ford?

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Une alliance conservatrice contre Ottawa

Coup sur coup, Justin Trudeau a perdu deux alliés dans les deux provinces les plus populeuses. L'Ontario vit maintenant sous le gouvernement conservateur de Doug Ford; le Québec entre dans l'ère de François Legault. Ces deux premiers ministres voudront unir leurs forces face au gouvernement fédéral. Sur quoi vont-ils s'entendre?


Le soir de l’élection québécoise, Doug Ford a rapidement félicité au téléphone le chef de la CAQ, François Legault, pour sa victoire et a promis de travailler avec lui afin de renforcer les liens historiques entre les deux provinces.


« On s’est tout de suite bien entendus lors de notre conversation téléphonique », a dit Doug Ford.



Doug Ford@fordnation


Just spoke with Quebec’s Premier–Designate @FrancoisLegault to congratulate him on his victory. I look forward to working with Quebec to improve the lives of all Canadians, and to continue strengthening the historic relationship between our provinces. Félicitations !





François Legault et Doug Ford pourraient s'entendre comme larrons en foire sur les sujets économiques et fiscaux. Mais peut-être un peu moins sur les questions environnementales et sociales. Et pas nécessairement pour les raisons auxquelles on pourrait s’attendre.


Défendre l’industrie agricole


Le Québec et l’Ontario pourraient d’abord faire front commun dans le dossier du nouvel accord commercial entre le Canada, les États-Unis et le Mexique (AEUMC). Tant Doug Ford que François Legault ont promis de défendre les intérêts des agriculteurs et de protéger la gestion de l’offre.


Les deux hommes devraient aussi unir leurs voix pour exiger des compensations financières pour leurs industries laitières respectives, qui risquent de souffrir en raison des nouvelles règles d’exportation plus permissives.


Énergie et taxe sur le carbone


Les deux premiers ministres souhaitent par ailleurs resserrer les liens entre les deux provinces relativement à l'énergie, un travail entamé par leurs prédécesseurs libéraux. Le chef caquiste entrevoit notamment la construction de nouvelles lignes de transport vers l'Ontario pour y augmenter les exportations hydroélectriques.



J'ai l'intention de lancer des discussions pour forger une alliance avec l'Ontario et avec les provinces atlantiques : l'Alliance énergétique, afin d’exporter plus d’électricité et donc, d'enrichir les Québécois.


François Legault, premier ministre désigné du Québec


Par contre, si Doug Ford termine une tournée dans l’Ouest canadien pour appuyer ses cousins conservateurs dans leur lutte contre la taxe sur le carbone de Justin Trudeau, il ne trouvera pas une oreille attentive à ce sujet à Québec. La CAQ n’a pas l’intention d’imiter l’Ontario et de se retirer de la Bourse du carbone ni de lutter contre la taxe fédérale.


Immigration


Québec et Toronto voudront toutefois continuer de faire front commun pour qu’Ottawa leur rembourse les centaines de millions de dollars que coûte l’accueil des demandeurs d’asiletraversant la frontière canado-américaine de façon irrégulière.


Cela dit, François Legault ne trouvera pas un allié en Doug Ford dans sa bataille pour réduire les seuils d’immigration ni dans son plan de renvoyer du Québec les immigrants qui échoueraient à leur test de français.


Si les conservateurs ontariens sont prêts à blâmer les libéraux fédéraux pour le flot « d'immigrants illégaux », ils ne demandent pas un meilleur contrôle pour choisir ou réduire le nombre de ces immigrants.


Il faut rappeler que Doug Ford a gagné l’élection grâce aux banlieues de Toronto, où un électeur sur deux est né à l’extérieur du pays. François Legault n’a gagné que quelques sièges sur l'île de Montréal, où sont majoritairement concentrés les immigrants.


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Cannabis


L’approche de l’Ontario au sujet du cannabis sera beaucoup plus permissive que celle du futur gouvernement du Québec. Doug Ford vient de privatiser la vente de cannabis, l’âge légal sera le même que celui de l’alcool (19 ans) et fumer en public sera légal là où le tabac est déjà permis.


C’est une position aux antipodes de celle de François Legault, qui prévoit conserver le modèle de société d’État, interdire le cannabis dans les lieux publics et rehausser l’âge minimum à 21 ans.


Conservatisme fiscal


Les deux hommes d’affaires partagent certaines idées du point de vue fiscal et économique, comme réduire la taille de l’État, recourir à la privatisation, et remettre de l’argent dans les poches des contribuables.



François Legault veut réduire la paperasserie administrative, réduire les impôts et stimuler l’économie. Nous avons des objectifs communs.


Doug Ford, premier ministre de l’Ontario


À ce chapitre, François Legault aura peut-être une plus grande marge de manœuvre que son voisin ontarien; le Québec semble en meilleure posture budgétaire que l’Ontario, qui traîne encore un déficit.


La disposition de dérogation


François Legault, comme Doug Ford avant lui, brandit le spectre de la disposition de dérogation de la Charte canadienne des droits et libertés, cette fois-ci dans le dossier du port des signes religieux chez les employés de l’État en position d’autorité, comme les policiers et les enseignants.


En Ontario, Doug Ford ne l’a finalement pas invoquée pour réduire de moitié la taille du conseil municipal de Toronto, au grand soulagement d’une majorité de son caucus et de son conseil des ministres, même si plusieurs n’osent pas l’avouer publiquement.


En Ontario, Justin Trudeau n’avait pas jugé bon d’intervenir dans le débat. Devant la déclaration de François Legault, il répond pour le moment la même chose qu’il a dite à Doug Ford.



Le recours à la clause ne devrait être fait qu'en des moments exceptionnels et après beaucoup de réflexion et beaucoup de considérations profondes sur les conséquences.


Justin Trudeau, premier ministre du Canada


Le premier ministre a ajouté « que supprimer, ou éviter de défendre les droits fondamentaux des Canadiens » est « une chose à laquelle il faut faire très attention ».


Si le gouvernement caquiste va de l’avant, Justin Trudeau devra toutefois reconsidérer sa position de non-ingérence. Contrairement à la taille du conseil municipal de Toronto, le droit des minorités religieuses d’être traitées sans discrimination est un enjeu fondamental qu’Ottawa veut protéger. La pression pour que le premier ministre Trudeau intervienne dans le débat qui se dessine au Québec sera beaucoup plus forte.


Il y a quatre mois à peine, les gouvernements libéraux de Kathleen Wynne et de Philippe Couillard travaillaient main dans la main dans plusieurs dossiers, et souvent au diapason avec leurs cousins fédéraux à Ottawa. Avec Doug Ford et François Legault au pouvoir, ces accords demeurent, mais tout ne se fera pas à l’unisson.