GRÈVE ÉTUDIANTE

François Blais veut des sanctions

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Blais est atteint du syndrome de Bolduc

Le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, François Blais, a plongé dans la controverse en recommandant aux recteurs d’expulser quelques étudiants perturbateurs tous les jours de grève afin qu’ils servent d’exemple.

Lors d’une entrevue accordée mardi à Dominic Maurais sur les ondes de CHOI 98,1 FM, de Québec, François Blais, tout en affirmant qu’il ne voulait pas mettre « de l’huile sur le feu », a déclaré qu’« expulser deux ou trois personnes par jour refroidirait les ardeurs de certains » et « ferait réfléchir les autres ».

Mercredi, le ministre a tenté de nuancer ses propos. « Je n’ai pas proposé de quotas, surtout pas [de quotas] d’expulsions », a-t-il dit au sortir de la réunion du Conseil des ministres.

Depuis le déclenchement des grèves étudiantes, François Blais, un ancien doyen de la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval, répète que les recteurs, tout comme les directeurs de cégeps, disposent de moyens pour faire respecter l’ordre dans les campus. Il estime qu’il est important « qu’ils puissent appliquer des sanctions, surtout quand il y en a qui dépassent les bornes par rapport aux biens et par rapport aux personnes ».

François Blais a ajouté qu’il avait « une gradation dans les sanctions » que pouvaient appliquer les universités, à commencer par une comparution devant le comité de discipline et la signification d’un avertissement. Mais les recteurs doivent agir, selon le ministre, parce qu’il y a « un message à envoyer aux étudiants ».

Ce sont les éléments perturbateurs qui sont visés, pas simplement les étudiants qui bloquent pacifiquement l’entrée des établissements, « compte tenu de l’histoire que nous avons », a-t-il dit. Ainsi, le ministre reconnaît qu’il existe « une culture de la grève étudiante depuis 50 ans » et que les grèves — et il en a été témoin, a-t-il mentionné — « peuvent se faire de façon assez correcte et respectueuse ». Mais François Blais défend le droit d’étudier et juge que le droit de grève des étudiants n’existe pas.

À la demande des recteurs

Le ministre a révélé que les recteurs voulaient entendre de sa voix la position du gouvernement libéral sur les grèves étudiantes alors qu’en 2012, les péquistes, qui ont formé le gouvernement, avaient pris parti pour les étudiants, recrutant même « deux vedettes de ce conflit », Martine Desjardins et Léo Bureau-Blouin.

Lors de l’entrevue avec le ministre, Dominic Maurais avait dressé la table en affirmant : « Il y a encore des crottés qui bloquent les portes de l’UQAM. » L’animateur de cette radio ouvertement contre l’action étudiante a approuvé à plusieurs reprises les propos du ministre, livrés sur un ton parfaitement calme. Pour le ministre Blais, « c’est assez inacceptable ce qui s’est passé à l’UQAM ».

Ça fait plus de 20 ans que François Blais s’oppose au droit de grève des étudiants. « J’étais un peu marginal à l’époque quand j’ai commencé. Mais aujourd’hui je pense qu’il y a de plus en plus de gens qui se joignent à moi. Personne n’a le droit d’empêcher une autre personne d’étudier. C’est un droit fondamental. Malheureusement, depuis 50 ans au Québec, il y a des gens, beaucoup de personnes, et des gens parfois de qualité, des gens que je respecte, qui pensent que dans certains cas, lorsqu’une association prend une décision, de bloquer des cours, c’est un droit qui leur est reconnu. Alors que ce droit-là n’existe pas. »

Devant l’animateur qui buvait ses paroles, François Blais a fait l’analogie avec le père de famille. « On fait ça avec les enfants. Quand on veut corriger leurs comportements, on ne dit pas, du jour au lendemain : “ Va dans ta chambre, tu n’auras pas de souper. ” On commence par leur dire : “ Écoute, il va y avoir une sanction pour ce que tu as dit à ta mère, etc. ” »

François Blais a aussi plaidé pour la neutralité des professeurs dans ce conflit, en rappelant sa propre expérience. « J’ai enseigné les idées politiques pendant vingt ans. Et un des plus beaux compliments que j’ai eus de mes étudiants quand ils ont su que j’allais en politique est que c’est étrange, on ne savait pas de quel côté était François Blais. Est-ce qu’il était fédéraliste ou pas ? Est-ce qu’il était Québec solidaire ou Parti québécois ? »

Réactions

Informés des propos du ministre François Blais en pleine conférence de presse portant sur la brutalité policière et la répression politique du mouvement social, des porte-parole d’organisations présentes ont vivement réagi. « Franchement, ça dépasse l’entendement ! », a dit Nicole Filion, de la Ligue des droits et libertés.

« Je me demande de quel ministre de l’Éducation on peut bien parler lorsque celui-ci essaie de brimer la liberté d’expression d’universitaires et de cégépiens qui essaient de penser et réfléchir au projet de société qu’ils espèrent », a dit Fannie Poirier, des comités Printemps étudiant 2015.

« Ce n’est pas si surprenant quand on pense aux propos du ministre Blais dès le début de la grève, a ajouté Camille Godbout, porte-parole de l’ASSE. Il a véritablement du culot de dire ça, alors que demain, 120 000 étudiants et étudiantes seront en grève et dans la rue. »

Le président de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), Alexis Tremblay, s’est étonné que cet ancien professeur incite « à la répression plutôt qu’au dialogue », tout en tenant des propos « infantilisants ».

La députée péquiste Véronique Hivon s’est demandé si le ministre « ne veut pas attiser la grogne délibérément », qualifiant ses commentaires de « paternalistes » et d’« infantilisants ». La députée de Québec solidaire Manon Massé a affirmé que « les déclarations du ministre Blais sont si maladroites qu’on croirait entendre son prédécesseur », ajoutant qu’il « n’aurait pas pu faire mieux pour envenimer le climat ».

En revanche, le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, trouve que le ministre ne va pas assez loin en recommandant l’expulsion de quelques étudiants par jour. « Tous les étudiants qui bloquent l’accès aux cours devraient avoir des pénalités importantes », estime-t-il.


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