Ford recule… un peu

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L'université francophone mise à la poubelle

Après une semaine de contestation, le gouvernement Ford a jeté du lest en fin de journée vendredi. Certains services aux francophones seront ainsi rétablis… mais pas le très attendu projet d’université francophone à Toronto.


« Clairement, les francophones se sont fait entendre, a rapidement commenté la ministre fédérale des Langues officielles, Mélanie Joly. Mais pour nous, il s’agit de mesures qui visent essentiellement à calmer la grogne. Il faut continuer à exercer de la pression. »


C’est que les gains sont partiels, pour la communauté franco-ontarienne. Concernant le Commissariat aux services en français, le gouvernement maintient son abolition. Sauf qu’il créera en contrepartie un poste de commissaire aux services en français au sein du Bureau de l’ombudsman.


La différence ? Le commissaire travaillera désormais « sous les auspices » de l’ombudsman — alors qu’il était jusqu’ici pleinement indépendant. Il « veillera au maintien de l’indépendance des enquêtes et formulera des recommandations visant à améliorer la prestation des services en français et à appuyer la conformité à la Loi sur les services en français ».


Deuxièmement, le gouvernement Ford remettra en place le ministère des Affaires francophones. Le premier ministre l’avait aboli à son arrivée au pouvoir, l’été dernier, pour créer un Office des affaires francophones. La ministre Caroline Mulroney, qui était jusqu’ici déléguée aux Affaires francophones, sera nommée aux commandes de ce nouveau-ancien ministère. On ignore de quels budgets elle disposera.


Finalement, le « cabinet du premier ministre retiendra les services d’un conseiller principal en politiques responsable des affaires francophones », précise le communiqué diffusé par Queen’s Park. Cette semaine, la seule députée franco-ontarienne de son caucus, Amanda Simard, avait vivement dénoncé la décision d’amputer les services aux francophones.


En soirée, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) a salué « l’ouverture » du gouvernement Ford. « Je vois ça comme un pas dans la bonne direction », a mentionné son président Carol Jolin.


Mais les mesures annoncées sont nettement insuffisantes « pour protéger nos acquis », a-t-il insisté.


Carol Jolin s’est dit « stupéfait » d’apprendre que le rôle de chien de garde des services en français sera relégué à l’ombudsman. « L’indépendance du Commissariat ne sera aucunement rétablie », a-t-il tonné.


Jean Johnson, président de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), a également déploré la « mise sous tutelle » du commissaire. Une décision difficile à comprendre, puisque le gouvernement ne réalise aucun « gain financier en le maintenant en otage » au sein du Bureau de l’ombudsman, a-t-il souligné.


« Mais c’est une victoire dans le sens où l’AFO a réussi à établir un dialogue avec M. Ford », a mentionné M. Johnson. Carol Jolin et Doug Ford devraient d’ailleurs se rencontrer prochainement.


Le commissaire aux services en français de l’Ontario, François Boileau, n’a pas voulu faire de commentaire dans l’immédiat.


L’université attendra


« Les Franco-Ontariens ont des valeurs fortes qui sont profondément ancrées dans l’histoire de notre province, soutient M. Ford dans son communiqué. Ils ont oeuvré pendant des générations pour promouvoir et préserver leur belle culture et leur langue en Ontario, et?poursuivent?leurs?efforts?aujourd’hui. »


Il semble que Doug Ford soit « enthousiaste à l’idée de rencontrer sur une base plus fréquente les membres de la communauté franco-ontarienne et leurs organismes, dans le but d’établir un dialogue constructif qui mettra en avant le dynamisme de la francophonie ontarienne ».


Cela dit, les annonces du gouvernement ontarien laissent en plan le projet de mise sur pied d’une université francophone. Discuté depuis des décennies, celui-ci avait été lancé officiellement par le précédent gouvernement il y a tout juste un an. Les premiers étudiants devaient y entrer en 2020.


La ministre Mulroney a dit attendre « avec impatience le jour où l’état des finances publiques nous permettra d’aller de l’avant avec des projets comme celui de l’université de langue française », qui contribuent selon elle à « unifier la communauté et à protéger notre langue et notre culture ».


Si « la réalité de la situation financière de [la] province ne permet pas la création » de cette Université de l’Ontario français, Mme Mulroney a promis de « rester une ardente défenseure de cette université, pour et par les francophones, de sorte que, dès que nous serons en mesure d’en entreprendre la construction, le projet pourra être amorcé ». L’Ontario est actuellement aux prises avec un déficit de plus de 14 milliards.


De son côté, l’AFO s’est dite « inquiète » d’entendre la ministre Mulroney évoquer à nouveau des arguments financiers « pour enlever ou même retarder l’ouverture de notre université francophone ». Pour maintenir la pression, l’AFO tiendra comme prévu une journée provinciale de mobilisation des Franco-Ontariens le 1er décembre. Une quarantaine de manifestations se tiendront dans la province.


> La suite sur Le Devoir.



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