l'affaire TECSULT

Financement illégal des partis: l'ADQ réclame une enquête du DGE

L’ADQ demande une enquête du Directeur général des élections sur l’affaire des contributions illégales de la firme d’ingénierie Tecsult aux caisses du PLQ et du PQ, entre 1993 et 1996.

Financement des partis - l’affaire Tecsult



Martin Pelchat - « On doit permettre au DGE de faire la lumière sur cette situation et ce qu’on exige, nous, à l’ADQ, c’est que le PQ et le PLQ collaborent entièrement et qu’ils soient francs dans leurs divulgations, dans le respect des institutions », lance le président de l’Action démocratique, Tom Pentefountas. « Nous, on va être vigilants pour assurer les Québécois que les deux vieux partis collaborent et divulguent entièrement ce qui est arrivé. »
Le président de l’ADQ estime que le public ne sera pas moins affligé par cette histoire parce qu’elle date de plusieurs années. « Je ne sais pas quelle était la nature des contacts entre cette firme et les gouvernements en place à l’époque, mais ça ajoute à un certain malaise que la population vit par rapport à notre système politique et à des techniques qui sont utilisées depuis des années par les partis qui gouvernent le Québec depuis 1970. »
Une bataille judiciaire mettant aux prises Tecsult et le ministère du Revenu, dont Le Soleil faisait état hier, a pris sa source dans un stratagème mis en place de 1993 à 1996 par l’ex-président de la firme, alors la deuxième société d’ingénierie au Québec, pour contourner l’interdiction faite aux entreprises de contribuer aux partis. C’est pour préserver ses contrats avec le gouvernement et se positionner pour en obtenir de nouveaux que la firme garnissait les caisses du PLQ et du PQ. « Bon an mal an », l’ex-président réussissait ainsi à inciter de 30 à 40 de ses cadres à donner de 2000 $ à 3000 $. La firme remboursait ensuite ses employés. On peut ainsi évaluer qu’en quatre ans, de 240 000 $ à 480 000 $ ont illégalement abouti dans les caisses des deux partis. Le fisc a découvert la manœuvre en 1997, mais il n’en a pas avisé le DGE, qui ne l’a su qu’en 2002, soit trop tard pour sévir contre Tecsult.
Tant au PQ qu’au PLQ, on assurait hier ne jamais avoir eu connaissance de ces manœuvres de Tecsult. Le Parti québécois ne voit d’ailleurs pas pourquoi il devrait rembourser les contributions qui se sont révélées illégales. « Ce n’est pas à nous de rembourser, ce n’est pas nous qui avons violé la loi, lance le porte-parole du parti, Manuel Dionne. Ce n’est pas nous qui avons demandé aux gens de se faire rembourser. »
« On n’a absolument rien à se reprocher là-dedans, ajoute-t-il. On respecte la loi. Quand on reçoit des contributions, c’est fait à titre personnel, ce sont des chèques personnels, qui ne dépassent jamais 3000 $. On présume de la bonne foi des gens. On ne peut pas aller faire des vérifications par en-dessous pour savoir si l’employeur les a remboursés. On n’en sortirait plus. »
« On a appris cette histoire dans votre journal ce matin », dit de son côté le porte-parole du PLQ, Michel Rochette. « Nous, on respecte la loi. On ne reçoit que des chèques personnels et on refuse systématiquement tout financement d’entreprise. Nos livres sont ouverts et sont vérifiés systématiquement chaque année. »
Contrairement au PQ, les libéraux n’écartent toutefois pas de rembourser des sommes si le DGE devait le leur demander. « Dans le cas où quelqu’un déciderait de contourner la loi, si on est informés par le DGE, évidemment on collabore et si le DGE nous le demande, preuves à l’appui, on rembourse quand il le faut », dit M. Rochette. « C’est le DGE qui a le pouvoir de vérifier et d’enquêter, c’est leur rôle, c’est leur devoir. »
Blanchet agira après les tribunaux
Le Directeur général des élections, Marcel Blanchet, a fait savoir hier qu’il attendrait la fin des procédures judiciaires opposant Tecsult et le ministère du Revenu avant de décider s’il mettrait en œuvre une enquête dans cette affaire.
« Aussitôt que la Cour suprême va avoir tranché le débat, on va voir ce qu’on fait, résume le porte-parole du DGE, Denis Dion. Mais on va demeurer extrêmement attentifs à tous les développements. »
M. Blanchet réserve sa décision compte tenu du fait qu’il attend habituellement que les tribunaux aient disposé d’une affaire avant de s’en saisir, explique le porte-parole. De plus, même s’il ne peut plus poursuivre Tecsult pour cause de prescription, le DGE n’a pas de limite de temps pour récupérer des partis politiques des contributions illégales.
L’affaire s’est retrouvée en cour parce que le fisc, jugeant qu’il s’agissait d’un avantage imposable, a cotisé des employés de Tecsult ayant reçu en 1994 de la compagnie le remboursement de leurs contributions politiques. Revenu Québec a aussi exigé de Tecsult quelque 11 000 $ à titre de contribution d’employeur à différents régimes. Ces cotisations ont été contestées devant la Cour du Québec, qui a donné raison au fisc en 2001. Mais en juillet dernier, la Cour d’appel a renversé cette décision. Revenu Québec vient de demander à la Cour suprême l’autorisation d’en appeler de ce dernier jugement.
Le président de l’Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec, Michel Gagnon, a de son côté réclamé hier que l’Ordre des ingénieurs et l’Association des ingénieurs-conseils, du Québec instituent une enquête « pour s’assurer qu’il n’y a pas d’autre affaire Tecsult ». « On est en droit de se demander si le système Tecsult n’est pas la réponse à nos questions sur la politique très généreuse du gouvernement en regard de la sous-traitance », lance M. Gagnon, en notant qu’un ingénieur-conseil dans le privé coûte près de trois fois plus cher qu’un ingénieur du gouvernement.
Ni l’Ordre des ingénieurs du Québec, ni l’Association des ingénieurs-conseils n’ont voulu commenter cette affaire hier.
Une pratique courante, plaide l'ex-président de Tecsult
L’ex-président de Tecsult, Guy Fournier, estime que la firme n’était pas la seule dans le monde de l’ingénierie à contourner la loi électorale en donnant aux partis politiques, au début des années 90.
« Les gens qui sont dans ce milieu, si vous communiquez avec eux autres, s’ils sont assez francs, ils vont dire la même chose que moi j’ai dite », a laissé tomber M. Fournier lorsque joint par Le Soleil hier.
Retraité depuis 1999, Guy Fournier a présidé les destinées de Tecsult pendant 20 ans. Quand la compagnie a entrepris une bataille contre le fisc en Cour du Québec, elle l’a fait entendre comme témoin. Toujours président à l’époque, il a expliqué qu’au cours des années 1993 à 1996, Tecsult incitait des cadres à donner aux deux partis.
« Après une rencontre avec les autorités des différents gouvernements, du solliciteur en question, moi, je déterminais là, à mon bureau, le nombre de personnes, des cadres principalement autour de moi, à qui je pourrais demander de faire des contributions politiques pour maintenir notre bonne réputation vis-à-vis les donneurs d’ouvrage et aussi, principalement, pour être considérés dans les contrats futurs », avait expliqué M. Fournier. Sur les revenus annuels de 70 millions $ de l’entreprise, de 60 à 65 % provenaient alors de contrats des gouvernements fédéral, provincial et des municipalités.
Soulignant que pendant les 20 ans où il a présidé Tecsult, « le bureau a progressé », l’ex-président affirme aujourd’hui que cette affaire n’a rien eu à voir avec son départ à la retraite. « Je suis parti parce que j’avais l’âge de 63 ans. Il y a des gens qui voulaient acheter mes actions. J’étais fort heureux de dire oui, parce qu’un moment donné, quand on atteint un certain âge, il faut penser aux autres. »
Après la vente de 75 % de ses parts, il est demeuré président du conseil pour deux ans à mi-temps avant de prendre une pleine retraite en 1999. « Je ne suis pas impliqué du tout depuis ce temps-là », dit-il, refusant de revenir plus longuement sur l’affaire des contributions illégales.
« J’espère que Tecsult va continuer à gagner ses causes », dit M. Fournier.
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La bataille judiciaire met aux prises Tecsult et le ministère du Revenu (photo). Ce dernier a découvert des manœuvres douteuses de la part de la firme en 1997, mais il n’en a pas avisé le DGE. (Photothèque Le Soleil)
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