Certains commentaires reçus après mes textes sur une possible démarche d’indépendance m’ont incité à lire sur l’accession à l’indépendance du plus meilleur pays au monde, le Canada. Peut-être y trouverons-nous matière à réflexion sur notre propre démarche. Comme tous les écoliers de ma génération, je savais que l’indépendance du Canada remontait au Statut de Westminster de 1931, que nous y avions acquis le droit de faire nos Lois (à l’exception de la Constitution), et que nous y avions conservé la monarchie britannique, sans plus. Intrigué, j’ai lu sur ce statut, et ma lecture m’a procuré quelques surprises que j’aimerais partager.
Tout d’abord, le nom officiel du Statut est : Loi visant à donner effet à des résolutions adoptées lors des conférences impériales de 1926 et 1930. C’est moins juteux que les alias utilisés par John James Charest ou Samer Hamad-Allah, mais ça laisse entendre un certain nombre de choses. Premièrement, qu’il s’agit d’une démarche entre représentants des exécutifs de l’Angleterre et de certains de ses dominions. Ensuite, que les populations de l’Angleterre et de ses colonies n’en ont pour ainsi dire jamais entendu parler avant que le Parlement de Sa gracieuse majesté britannique ne l’adopte.
Plusieurs territoires étaient visés par le statut, le Canada de l’époque, Terre-Neuve, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, etc.. En dépit de son titre pompeux, il était loin de faire l’unanimité dans les colonies. Par exemple, les Néo-Zélandais voulaient demeurer citoyens britanniques. Ce n’est qu’en 1977 qu’il y a eu une citoyenneté néo-zélandaise. Comme d’habitude, la palme des petits comiques revient aux terre-neuviens, qui ne l’ont jamais ratifié et ont obtenu sa révocation pour eux en 1934.
Les fétichistes référendaires, les Stéphane Dion, Claude Morin et tutti quanti (dont certaines vedettes de Vigile) vont devoir rester sur leur appétit. Aucun référendum, plébiscite ou autre machin du genre n’a précédé ou même suivi l’adoption de cette loi ou les conférences préliminaires. Impossible donc de s’inspirer de leurs questions, il n’y en a pas eues. (Je me vois forcer de mettre au pluriel le mot question, un authentique fétichiste référendaire en prévoit généralement plusieurs avant d’aboutir, sur toutes sortes de sujets, question sans doute d’assouvir son vice). Ceux qui favorisent une démarche ouverte sont quand même plus avancés. J’entends par démarche ouverte un référendum uniquement si sa validité démocratique est garantie, démarche précédée par une élection où le parti victorieux a gagné en proposant une démarche alternative s’il ne peut obtenir ces garanties d’Ottawa, ce qui ressemble à ce que certains appellent une élection référendaire ou décisionnelle. Car une leçon essentielle se dégage de la démarche du Canada à l’indépendance.
Quelles leçons en effet tirer de l'adoption sans référendum du Statut de Westminster, cette belle page de notre patrimoine, injustement oubliée par les Robert-Guy Scully de ce monde ? La plus évidente illustre le pouvoir des parlements en démocratie britannique. Ils peuvent faire une journée à peu près tout ce qu’ils veulent sauf changer un homme en femme, et le défaire le lendemain. Ils ont toute légitimité pour agir, sans en avoir nécessairement le mandat de leur population. Je rappelle que c’est pour préserver ces parlements et ce mode démocratique que lors de la deuxième guerre mondiale, des Québécois ont payé de leur vie, ce n’est pas rien. Affirmer aujourd’hui que ces parlements et ces modes démocratiques sont dépassés et impuissants est non seulement dépourvu de tout fondement historique ou légal sérieux, mais constitue une véritable insulte à leur mémoire.
Le fétichisme référendaire doit absolument être remis en question si on veut réaliser l'indépendance. Comment un pouvoir québécois peut-il aspirer à son exercice complet s'il n'utilise pas le pouvoir qu'il a déjà en régime parlementaire britannique.
Louis Champagne, Ing.
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6 commentaires
Archives de Vigile Répondre
15 septembre 2010`
Nous n'avons pas à nous casser la tête pour chercher des précédents puisqu'il y en a plein à Londres, avec l'histoire de la formation et du démantèlement de l'Empire britannique. Tous les statuts refondus surgissent comme autant de reconnaissances de nouveaux États que le gouvernement impérial ne peut pas ignorer. Un autre précédent est la reconnaissance des États Unis.
JRMS
Louis Champagne Répondre
15 septembre 2010Vous m’avez bien compris, M. Barberis
L’Assemblée nationale constitue un Parlement au sens où la tradition britannique l’entend. Il ne s’agit pas d’un gouvernement municipal, d’une commission scolaire ou d’une fabrique. Notre Assemblée nationale peut faire des lois, est nominalement dirigée par Sa gracieuse majesté et peut créer des mandataires de Sa majesté du chef de la Province, comme Hydro-Québec. Il s’agit donc d’un vrai Parlement. Quand nos adversaires racontent que nous aurions un Parlement de seconde catégorie, ils font référence au droit du parlement canadien de défaire toute loi d’une province. Il n’a jamais utilisé ce pouvoir au Québec pendant nos campagnes référendaires. S’il s’avisait de le faire après une élection portant précisément sur une démarche d’accession à l’indépendance, avec un Gouvernement élu démocratiquement pour le faire, il révélerait sa véritable nature de colonisateur au monde entier, et légitimerait ainsi une déclaration unilatérale d’indépendance faite par l'Assemblée nationale du Québec.
Le Parlement d'Ottawa a pu déclarer son indépendance unilatéralement, de même qu’approuver sa Constitution en 1982, sans avoir jamais reçu le mandat de sa population de faire ça.
Donc un parlement d'Ottawa qui a utilisé ses pouvoirs sans autorité populaire viendrait dire à un autre Parlement de Québec légitimé par une démarche démocratique que la démocratie est sans valeur. Non seulement il nous révélerait sa vraie nature de colonisateur, mais il n’irait pas bien loin au niveau international !
Louis Champagne, ing.
Jean-Yves Durocher Répondre
15 septembre 2010Intéressant, mais un peu rapide.
Je vous invite à sortir votre bilingual dictionnary et lire ce wiki:
http://en.wikipedia.org/wiki/Independence_of_New_Zealand
Qui est intéressant puisqu'on y retrouve Lord Durham, qu'il faudra bien un jour cesser de démonisé à outrance, il représentait le progressisme anglais du temps et sa vision des choses était assez juste : http://en.wikisource.org/wiki/Report_on_the_Affairs_of_British_North_America
Il faut aussi voir Westminster avec la perspective de l’Irlande.
Ce qui m’intéresse dans votre propos, c’est qu’il ramène sur le tapis ce qu’est l’indépendance et comment elle s’obtient dans un régime britannique et elle amène de fait les deux questions toujours esquivées du débat :
Si le Bas-Canada (ou avant le Canada) avait été reconnu colonie indépendante et que par la suite nous serions devenu naturellement un pays indépendant (majoritairement francophone) serions-nous devenu une république ou serions-nous encore une monarchie?
Si ce que Durham souhaitait, que nous devenions des « progressistes » (selon sa lunette d’approche) et que nous soyons devenus des anglophones, le Quebec (il n’y aurait pas d’accent bien sûr) devrait-il être un pays indépendant?
La première se répond d’elle-même, nous serions l’anachronisme du Commomwealth avec l’Île Maurice (où l’anglais est la langue juridique mais le français la langue d’usage) qui est devenue une république longtemps après son accession à l’indépendance. Mais nous aurions des institutions de types britanniques et sans doute encore la Couronne comme Souverain.
La seconde est anathème pour plusieurs qui ne voit que le fait français, comme Durham. Mais il faut alors référer à Papineau qui s’opposait à lui sur ce fait : la Révolution des Patriotes n’était pas « ethnique » elle visait l’octroi du « self government », à l’Américaine en prime.
Lisez le wiki sur la Nouvelle-Zélande et vous verrez que jamais elle n’a fait l’indépendance, elle se l’est appropriée au fils des ans.
Dans un régime de droit et de législation britannique, le parlement, la voix du peuple, décide par le vote de ses députés. Pas des partis, une invention très moderne, par le vote des députés. Si, par un vote majoritaire de ceux-ci, le Parlement du Québec adopte une loi fort simple, courte :
En date du … Sa Majesté la Reine en droit du Canada s’assume dans la Province de Québec comme Reine en droit du Québec.
En date du… les lois et règlements du Parlement du Canada deviennent lois et règlement du Québec.
Il faut noter que Sa Majesté est Reine en droit du Québec présentement.
C’est plutôt simple n’est-ce pas.
Pour le reste, je vous invite à lire ceci :
http://www2.parl.gc.ca/Sites/LOP/AboutParliament/Forsey/intro_01-f.asp
C’est d’Eugene Forsey, un grand canadien, sur le site du Gouvernement du Canada, donc la version officielle. Il me semble que son propos est clair et que par extension on pourrait dire que si le bateau ne vas pas où on désire aller, on en change.
Jeannot Duchesne Répondre
15 septembre 2010Entièrement d'accord, aux prochaines élections il faut que P.Q. soit élu comme parti séparatiste et qu'il adopte en première loi la déclaration d'indépendance du Québec pour engager les pourparlers de la sécession.
Nous n'avons pas besoin de référendum et de questions abracadabrantes. S'il y en a qui ignore encore le but premier du P.Q. alors les campagnes de peur des fédéralistes leur apprendront comme elles l'ont toujours fait.
Vive le Québec libre!
J.D.
Archives de Vigile Répondre
14 septembre 2010Selon le Petit Robert, le fétichisme est une admiration exagérée et sans réserve. Le fétichisme référendaire serait donc une admiration exagérée et sans réserve du référendum comme mode d'expression démocratique de la volonté du peuple.
En médecine, il s'agit d'une perversion sexuelle qui incite l'individu à rechercher une satisfaction sexuelle par le contact ou la vue de certains objets normalement dénués de signification érotique comme un pied ou une chaussure. Le fétichisme référendaire consisterait à chercher un orgasme collectif à travers ce genre de consultation populaire qu'est un référendum au détriment du plaisir qu'il y a à gagner une élection qui conduit à la formation d'un gouvernement en régime parlementaire britannique, un gouvernement qui gouverne, il faut recourir à cette tautologie tellement le fétichisme référendaire nous a intoxiqués.
La leçon d'histoire qui provient du Statut de Westminster, j'ai essayé de la donner avec l'exemple de la constitution de 1982. Trudeau n'en a jamais demandé le mandat au peuple canadien ni dans une élection ni dans un référendum.
Je souhaite que l'Assemblée nationale qui résultera des prochaines élections québécoises conduise à la formation d'un gouvernement qui aura toute légitimité pour agir dans l'intérêt du peuple québécois, un peuple qui doit avoir sa citoyenneté, la prépondérance marquée de la langue française, l'égalité homme-femme qui passe avant la liberté de religion, la laïcité dans la fonction publique, tout cela dans une Constitution québécoise.
Les fétichistes référendaires semblent nous dire que le Parlement de Londres et que le Parlement d'Ottawa sont de vrais Parlements et que le Parlement de Québec n'est pas un vrai Parlement, mais un parlement provincial, le Parlement d'une "province", "the province of Quebec." Selon eux, le régime parlementaire britannique vaut pour Londres et Ottawa et pas pour Québec.
Vous ne semblez pas partager leur opinion, M. Champagne. Est-ce que je me trompe?
Robert Barberis-Gervais, Vieux-Longueuil, 15 septembre 2010
L'engagé Répondre
14 septembre 2010Merci pour la leçon d'histoire et de politique.