Faut qu’on se parle? Vraiment?

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«Faut qu'on se parle» : une malhonnêteté intellectuelle flagrante

Je n’ai pas la prétention d’être particulièrement brillant ni dotée d’une sagesse particulière. Mais voilà, je réponds à l’appel de l’initiative «Faut qu’on se parle» sans me restreindre aux 140 caractères auxquels on est contraint sur le web. Rappelons d’abord que l’une de nos plaies nationales, c’est la division, notamment chez les indépendantistes et plus encore chez ceux de gauche, grosso modo ma famille. Or si les cinq moineaux à l’origine du projet tiennent à être crédibles, ils auraient intérêt à apporter quelques changements à leur démarche. Nous y gagnerions assurément tous car l’idée de base est loin d’être mauvaise.

Jean-François Lisée, lors de son discours de victoire, relevait une citation de Jean-Martin Aussant : «Pour intéresser les jeunes, il faut être intéressant». J’ajouterais que pour y parvenir, les cinq, du moins avec les ambitions qui sont les leurs, n’avaient certainement pas besoin d’opérer un tri aussi étrangement sélectif des enjeux d’intérêt. Me semblent également nuisibles : les procès d’intention et la «disqualification» de pans entiers de la population.

Première chose qui gosse : la procédure. Roméo Bouchard, toujours au front pour qu’aux peuples soit redonnée la parole, fut l’un des premier à y voir un truc quelque peu foireux. C’est lui qui, après s’être lâché sur Facebook, a attiré mon attention sur cet article de Pierrot Péladeau, chercheur et conseil en informatique, intitulé «’Faut qu’on se parle’ mieux que ça!» Je vous le recommande.

Autre poil à gratter : le tri des enjeux d’intérêt. Exit la langue française, les femmes (soit la moitié de la population), les LGBT, la laïcité et j’en passe. Pas très gourmand non plus en matière d’environnement. Peut-être qu’avec une sixième tête d’affiche, un biologiste… Et pourquoi pas une septième? Une lesbienne, question de garder équilibré le sexe-ratio pour la photo… Nos cinq amis m’ont l’air d’avoir zappé pas mal de questions quand ils nous ont bricolé leur petite affaire. Et en pleine campagne à la chefferie péquiste s’il-vous-plaît. Drôle de timing.

Enfin, le 2ème «constat» des cinq sur la question de l’indépendance n’en est pas un : La stratégie identitaire repousse certaines communautés à coup de charte des valeurs et participe à créer une division artificielle entre “eux” et “nous”.

Contrairement aux faits et chiffres, forts pertinents, que nos cinq lascars proposent quant à la discrimination raciale, ces derniers propos relèvent du procès d’intention. Une prise de position qui sape la crédibilité de l’intention mise de l’avant par le groupe, à savoir nouer le dialogue avec les citoyens et prendre acte des malaises et des irritants. Or les intrusions religieuses ainsi que l’intolérance (homophobe ou misogyne) et l’obscurantisme scientifique qui en émanent irritent et interpellent au Québec. En témoigne l’appui manifeste d’une majorité des Québécois à la mal nommée Charte des valeurs. Il n’y a plus qu’un pas pour que fusent les insupportables quolibets constamment vociférés par la gauche régressive, véritables affronts à l’intelligence et, bien souvent inconsciemment, mépris de la populace : «raciste, islamophobe, identitaire, nationaliste ethnique, etc.»

Ce faux constat du groupe tourne en dérision des personnalités intellectuelles remarquables, dont Guy Rocher (qui inscrivait avec brio le projet de laïcité dans l’histoire et l’évolution du Québec moderne), les signataires du manifeste pour un Québec laïque et pluraliste et bien d’autres individus notoires, dont certains, carrément héroïques. On peut certes questionner la gestion foireuse du dossier de la laïcité par la gang de Marois, mais présenter les choses ainsi est d’une malhonnêteté intellectuelle navrante.

Génial et inspirant à plein d’autres niveaux, Gabriel Nadeau Dubois ne manque jamais de me consterner sur la question de la laïcité, car forcément il y a beaucoup de ce garçon derrière le procès d’intention adressé aux «non-inclusifs». On connaît ses sorties sur le sujet et on sait qu’elles s’inscrivent dans les vieilles fixations d’une clique d’indépendantistes tièdes logeant chez Québec Solidaire. Aussant me déçoit aussi pour avoir souscrit à cela. Je ne savait pas trop où il se situait sur cet enjeu. Mais en regard d’un tel fouillis, peut-on réellement déduire que c’est là qu’il se campe? Comment ces «têtes d’affiche» indépendantistes ont-elles pu avaliser de telles lacunes et de telles énormités dans l’espoir de rassembler la Nation Québécoise?

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Aprilus8 articles

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Globe-trotter, technicien en santé animale, biologiste, enseignant (du pré-scolaire aux adultes, en passant par le Cégep) et «illustrateur maraîcher» - Aprilus est un autodidacte dont l'originalité du vécu ponctue copieusement les coups de crayon. Par dessus tout, ce sont les animaux et autres créatures d'inspiration animalières qu'il préfère représenter de son trait nerveux pimenté d'humour. Il a œuvré dans l’illustration jeunesse, dans le cadre de l’art communautaire, en tant que conférencier et a co-produit un spectacle à saveur satirique mariant dessin en direct, conte et musique (festival des Grandes gueules de Trois-Pistoles). En amateur d’humour grinçant, Aprilus, libertaire de gauche, croque volontiers l’absurdité du monde et affectionne les thèmes liés à la laïcité, aux sciences, à l’environnement et à l’indépendance du Québec. Ses dessins éditoriaux et satiriques ont été publiés dans la revue satirique Le Taon, L’aut’ Journal, le site du PCQ, Vigile Québec, le mensuel À Bâbord! et le journal Le Québécois. De cette dernière tribune, il a été censuré, en raison de sa critique sans compromis de la gauche régressive.





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