Faut-il tirer la ligne sur l'indépendance du Québec?

Voltaire avait raison : il n'est pas facile d'affranchir ceux qui vénèrent leurs chaînes.

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La Nation - bilan et stratégie


(Photothèque Le Soleil)

L'année politique 2007 tire à sa fin. Le Parti libéral a été réélu, minoritaire, en mars dernier. L'Action démocratique, contre toute attente, est devenue l'Opposition officielle à l'Assemblée nationale. Le Parti québécois, éclopé, désarticulé, au programme émasculé, a glissé dans le poulailler du parquet du Salon de la race. C'était prévisible. Le chef n'était pas à la hauteur de l'emploi.
Le Parti libéral a repris du poil de la bête. Il est constamment sur l'offensive et sur tous les fronts. Ses dossiers sont étoffés, défendus avec âpreté. Il semble avoir retrouvé un deuxième souffle et bien des observateurs qui, à peine quelques mois, le voyaient tomber au prochain scrutin, sont bien obligés de penser autrement.
L'Action démocratique du Québec est désorganisée. Elle offre une méconnaissance totale de certains dossiers. Elle questionne sur tous les sujets et frappe dans toutes les directions, souvent dans le vide. Elle semble fragmentée, dépourvue, incohérente et dispersée. Mario Dumont ressemble à un jeune professeur à ses débuts. Il dirige une classe qui veut bien réussir mais semble ne pas avoir les éléments qu'il faut «pour briller parmi les meilleurs».
Le Parti québécois, suite à sa défaite crève-coeur du printemps dernier, a éjecté son jeune chef André Boisclair. Plus précisément, le chef s'est éjecté lui-même. Le nouveau leader a une bonne expérience politique, mais il est à deux cents années-lumière des préoccupations des gens ordinaires et à mille années-lumière des chauds partisans de l'indépendance du Québec. Déchiré entre le pouvoir à reconquérir et la vision d'un Québec souverain mal dessinée, le nouveau chef exécute la ritournelle habituelle : faut-il prendre le pouvoir afin de faire la promotion de l'indépendance nationale ou bien faire la promotion de l'indépendance nationale en espérant que, majoritairement, les électeurs portent le parti au pouvoir afin de réaliser possiblement l'indépendance du Québec?
La thèse de Lucien Bouchard, de Bernard Landry...
Le nouveau chef péquiste a choisi la première option. Elle est revenue, à pas feutrés, à la thèse de Lucien Bouchard, à celle de Bernard Landry. Elle attend que le peuple lui donne le signal pour sonner le tocsin. Madame la générale, au lieu de donner l'ordre de continuer le combat, se glisse dans la fainéantise des troupes délabrées et se conforme à tous leurs caprices. Pendant ce temps, la presque totalité des membres semblent assoupis, pour ne pas dire résignés. Les circonscriptions comptent parfois plusieurs centaines de membres — selon la direction du Parti, la mienne (Matane) en enregistre 2200, mais combien sont-ils en règle ?—, mais n'attirent plus de monde à l'assemblée générale annuelle. Chez moi, on vient d'élire un nouvel exécutif avec moins de cent personnes dans la salle. Moins de 5% des membres. Les discours officiels appellent cela de la démocratie.
Entre-temps, Pauline parle de l'urgence de sauvegarder les valeurs communes. Elles les résument à une ou deux : la protection de la langue française et l'égalité des sexes. Des lieux communs. Ce n'est pas avec un tel matériel que l'on bâtit une société distincte, un pays souverain. Depuis quelques jours, elle parle d'aller plus loin. Elle ne dit pas où et dans quelle direction. Propos vagues de politicienne expérimentée. Avec de tels propos, la somnolence gagne davantage les troupes. Le chloroforme fait son effet.
L'histoire politique démontre que les mutations profondes émergent des revendications de la jeunesse. Elles sont habituellement soutenues par son enthousiasme, sa ténacité, son ardeur à défendre une idée, une cause. A première vue, l'indépendance du Québec n'empêche plus les cégépiens et les universitaires de dormir. Ils sont tous occupés à acquérir rapidement un diplôme. Ils espèrent rapidement trouver un emploi, faire un peu de fric et fonder doucement une petite famille.
Les baby-boomers ont échoué
La polarisation fédéraliste souverainiste à tout crin ne les intéresse plus. Ils l'étudient sur le banc d'école pour expédier un travail commandé par le professeur, mais ne veulent plus perpétuer ces combats stériles et ennuyeux. Les baby-boomers ont échoué dans la tentative de faire du Québec un pays libre. Et qui plus est, ils ont laissé, à cette génération fascinée par la pensée planétaire, une dette significative et cette nouvelle génération le sait bien, dénatalité aidant, que le poids de cet énorme fardeau va entraver la marche normale de toute leur existence. Les jeunes de la nouvelle génération n'ont pas le goût de se battre pour une cause commune. Ils ont le goût de lutter uniquement pour eux-mêmes, en vue de leur épanouissement personnel.
Les sujets de conversation des jeunes générations ne tournent plus autour du pays à faire. Ils tournent autour de l'Internet, des voyages planétaires et interstellaires, des multiples emplois qu'elles devront cumuler durant leur vie, des bouleversements climatiques qui menaceront possiblement la vie de leurs enfants. Elles n'ont plus le courage de voir autrement ce qui est déjà là; elles en ont déjà assez d'essayer de comprendre ce qui s'en vient.
Alors? Faut-il tirer la ligne sur l'indépendance du Québec? La jeunesse, il me semble, a déjà répondu massivement à la question nationale. Individualiste, elle n'a plus la piqûre des changements nationaux drastiques, des bouleversements imprévisibles, des aventures onéreuses, des visions floues et imprécises. Elle opte pour une sécurité naïve, empreinte d'une tranquillité qui ressemble drôlement à celle des anciennes générations.
Qui se promène dans les milieux d'enseignement collégiaux et universitaires, peut se rendre compte que la souveraineté du Québec ne stimule plus tellement la jeunesse actuelle. Si celle-ci ne suit plus, si la dénatalité augmente et se perpétue dans nos milieux, si l'immigration reste aussi démesurée, à quoi peut bien servir l'accession à l'indépendance d'un peuple qui ne rallie plus ses éléments les plus dynamiques et qui a davantage le goût de vivre plus que de survivre?
Le décompte est facile. Que restera-t-il des francophones d'Amérique dans quelques décennies? Il est à parier qu'ils seront happés par la mer anglophone qui les entoure, non pas à cause de la force de l'attraction de celle-ci, mais à cause de l'inconscience et de l'indifférence qui les auront fait disparaître dans ces quelques arpents de neige. Voltaire avait raison : il n'est pas facile d'affranchir ceux qui vénèrent leurs chaînes.
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Nestor Turcotte
Matane
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