Par Gilbert Paquette,
Ministre dans le Gouvernement Lévesque
Président des intellectuels pour la souveraineté (IPSO)
Depuis quelque temps on parle de la création d’un nouveau mouvement dans la ligne des déclarations de Lucien Bouchard de février dernier et du manifeste des « lucides » de 2005. Joseph Facal, dans un article récent sous le titre « réalisme et responsabilité », épouse cette même tendance à la résignation nationale. Il admet que: « la question nationale reste un immense problème non réglé » et que « la souveraineté demeure la meilleure réponse à ce problème ». Il conclut toutefois à la nécessité d’ouvrir « un nouveau cycle politique ». Le Québec se remettant en mouvement, retrouvera sa confiance et aura « peut-être envie de se reposer ultérieurement la question de son statut politique », pense-t-il à tort.
Et pourquoi ce « remake » du « beau risque » et de l’affirmation nationale du temps de Pierre-Marc Johnson ? Parce que « nous tournons en rond depuis quinze ans », que « le peuple ne veut pas confronter le problème », « qu’il a perdu le goût d’avancer et perdu confiance dans ses dirigeants politiques ». Autrement dit : nous sommes en partie responsables de ce mouvement circulaire; continuons dans la même direction, misons sur la gouvernance provincialiste.
Curieux antidote à ce mal que de proposer au Parti québécois de se comporter en « vire vent », de revenir à l’attentisme des années Bouchard, d’évacuer le problème de notre dépendance nationale, de remiser « pour l’avenir prévisible » (tiens cela me rappelle quelque chose) son option fondamentale. Ce n’est pas le Lévesque du « beau risque » qu’il faut suivre, mais celui qui a osé fonder le parti québécois alors que l’option faisait autour de 15% dans les sondages. À ce compte, pour respecter le peuple, aurait-il fallu ne jamais fonder ce parti ?
La population n’a plus confiance en effet aux politiciens vire vent, y compris à ceux du Parti québécois, heureusement une minorité, qui proposent régulièrement de mettre en veilleuse une indépendance nationale pourtant urgente. Curieuse similitude avec les propos des fédéralistes, comme si notre capacité d'agir n'était pas réduite à sa plus simple expression par notre statut de nation annexée, dépendante politiquement. Ce faisant, on accrédite l'idée que la solution de nos défis de société peut être réalisée avec le demi état que nous avons. C'est de la fausse représentation ! À demi état, demi solutions !
Que ferait de plus un gouvernement « lucide »
Prenons l’exemple de la situation budgétaire du Québec. Que ferait de plus un mouvement ou un parti « lucide » que le gouvernement libéral actuel, lequel a d’ailleurs suivi presque en tous points les recommandations très « lucides » de son comité aviseur au printemps dernier? Même en admettant que rien ne sera facile du côté des finances publiques au cours des prochaines années, examinons les moyens additionnels que nous donnerait un État québécois complet, souverain.
S’il y a une chose qu’a démontrée la crise économique et budgétaire, c’est l’importance de l’État. Sans l’État et ses investissements massifs pour renflouer l’économie, nous allions vers la catastrophe. L’unité et la cohérence de l’action de l’État pour catalyser les moyens d’une société sont primordiales. Un État souverain ayant le double du budget de la Province de Québec aurait une marge de manœuvre plus grande pour faire face aux crises budgétaires et il pourrait le faire en fonction des seules priorités du Québec.
La duplication des services entre les deux paliers de gouvernements, source de dépenses inutiles et incohérentes, était évaluée à 2,7 milliards $ par an dans le rapport Legault de 2005 sur la base des chiffres de 1994-95. Elle s’élève probablement autour de 4 milliards $ maintenant.
Un Québec souverain pourrait aussi réduire les 490 milliards de dollars projetés dans la défense au cours des 20 prochaines années, la part du Québec revenant à quelques 5 milliards $ par année.
Les avantages accordés aux pétrolières de l’ouest ajouteraient d’autres milliards d’économies. L’État québécois retrouverait une unité d’action en fonction des besoins de sa population.
La souveraineté du Québec est "ce tremplin de notre nouveau départ", différent de celui évoqué par Lucien Bouchard. Il n'y en a pas d'autre car il nous faut tous les moyens d'agir, agir pour le français et une société laïque ouverte à ses immigrants; agir pour le développement durable et l'indépendance énergétique du Québec; agir contre les iniquités de la fiscalité, du revenu et de l'emploi; agir pour contribuer à civiliser la mondialisation.
Cap sur l’indépendance
L'indépendance est un projet culturel, économique et social d'essor de notre nation. Ce n'est pas une idée que l'on ressort ou que l'on cache au gré des circonstances, en fonction d’où vient le vent. C'est une idée forte à laquelle adhère tout près d'une majorité des québécois et qui nous amène plus vite qu'on pense vers un renversement de situation.
La seule façon d’atteindre cette majorité est de mettre le cap sur l’indépendance de façon déterminée et persistante, quel que soit le contexte du moment, par un mouvement citoyen qui fait une campagne permanente pour l’indépendance, avec des partis politiques qui sont prêts à donner suite à la volonté populaire. Les rencontres auxquelles je participe ces temps-ci, tant du côté du Parti québécois, du Bloc québécois et de Québec solidaire, que de celui des mouvements indépendantistes, démontrent une volonté et une détermination aptes nous conduire à l’objectif.
Il est triste de voir, au moment où se développe cette convergence du vaste mouvement indépendantiste, alors qu’ils pourraient y contribuer avec tout le talent dont ils sont capables, certains souverainistes songent à s’enfermer, encore une fois, dans la voie sans issue de la gouvernance provinciale, confortant ainsi une certaine apathie et un manque de confiance de la population qu’ils déplorent par ailleurs.
Cap sur l'indépendance
Évacuer le souverainisme "vire vent"
Chronique de Gilbert Paquette
Gilbert Paquette68 articles
Ex-ministre du Parti Québécois
_ Président des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO)
Gilbert Paquette est un chercheur au Centre interuniversitaire de recherche sur le téléapprentissage (CIRTA-LICEF), qu’il a fondé en 1992. Élu député de Rosemont à l’...
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Ex-ministre du Parti Québécois
_ Président des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO)
Gilbert Paquette est un chercheur au Centre interuniversitaire de recherche sur le téléapprentissage (CIRTA-LICEF), qu’il a fondé en 1992. Élu député de Rosemont à l’Assemblée nationale du Québec le 15 novembre 1976, réélu en 1981, Gilbert Paquette a occupé les fonctions de ministre de la Science et de la Technologie du Québec dans le gouvernement de René Lévesque. Il démissionne de son poste en compagnie de six autres ministres, le 26 novembre 1984, pour protester contre la stratégie du « beau risque » proposée par le premier ministre. Il quitte le caucus péquiste et complète son mandat comme député indépendant. Le 18 août 2005, Gilbert Paquette se porte candidat à la direction du Parti québécois. Il abandonne la course le 10 novembre, quelques jours à peine avant le vote et demande à ses partisans d’appuyer Pauline Marois. Il est actuellement président du Conseil d’administration des intellectuels pour la souveraineté (IPSO).
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11 commentaires
Gilbert Paquette Répondre
7 octobre 2010M. Tellier
Exit l'indépendance pour eux, jamais pour nous. On a vécu cela avec le beau risque et Johnson, et avec Lulu en 96 et l'indépendance est toujours à 45% dans la population. Évidemment il y aura une couche de morosité, de peur, de doute de plus à décaper suite à cette défection.
Plusieurs mouvements s'organisent depuis quelque mois pour faire campagne pour l'indépendance, suite à la campagne sur la loi 103.
Je crois en la force d'un mouvement citoyen qui n'attend pas que les partis politiques se branchent.
Archives de Vigile Répondre
6 octobre 2010Le nouveau parti des Lulus : Force Québec
Le nouveau parti «Force Québec» naîtra cet automne.Son chef sera François Legault.Adieu l’idée d’indépendance.
http://videos.lcn.canoe.ca/video/un-nouveau-mouvement-politique-de-centre-droit-est.../627163794001
Gilbert Paquette Répondre
5 octobre 2010Cher GV,
On ne peut tout dire dans un seul texte. En effet, l'indépendance est bien plus qu'un moyen. Elle fonde l'existence politique complète, mais elle donne aussi des moyens.
Sur le site IPSO (www.ipsoquebec.org option WikiQuébec, un Wiki sur l'indépendance du Québec), j'ai écrit ceci: "Le Québec doit accéder à son indépendance pour un grand nombre de raisons, mais tout d’abord pour des motifs existentiels, pour consolider son identité nationale, sa langue et ses valeurs, pour mettre fin aux comportements défensifs et aux attitudes de minoritaires, pour identifier clairement que le Québec français et inclusif est le seul pôle d’intégration qui s’offre aux nouveaux arrivants, avec toute l’ouverture et les moyens requis pour favoriser leur participation à la construction du Québec de demain."
Inutile de dire que les souverainistes vire vent n'en ont cure. Ils veulent attaquer nos défis de société sans la liberté d'action que fournit l'indépendance à tout peuple ayant atteint sa maturité. C'est une voie sans issue et nous avons trop joué dans ce mauvais film. Il est temps d'en sortir.
Archives de Vigile Répondre
4 octobre 2010La fin et les moyens. Encore une fois, M. Paquette comme d'autres, fait l'erreur de réduire l'indépendance aux moyens et la range dans la catégorie des projets. C'est manquer l'essentiel et donner des munitions aux Bouchard et Facal. En se mettant à leur niveau, au niveau des moyens, le maître argument des vire-vents, ces derniers ne se sentent-ils pas justifiés d'employer «d'autres moyens» à leur convenance ?
L'indépendance n'est pas un projet économique et culturel. C'est la quête d'un statut d'État national qui nous donnera la liberté politique. L'indépendance est la seule façon pour la nation québécoise d'accéder à la démocratie intra-nationale. L'indépendance, c'est pour la liberté et la démocratie. Oui, la démocratie, ce concept que beaucoup d'entre nous se chagrinent de ne pas voir assez appliqué ailleurs, disent-ils, sans se rendre compte qu'il fait totalement défaut dans notre propre histoire, dans l'acception nationale.
Mais Facal a tort de renoncer à son souverainisme mou et là-dessus je suis d'accord avec M. Paquette. Mais le genre de souverainisme conjoncturel que pratique M. Facal est si commun chez nous. S'il n'était pas une cause majeure de nos déboires nationaux, il pourrait sembler sympathique tant il nous est familier. Ce souverainisme, que j'appelle souverainisme conjoncturel, dérive d'un manque de conviction profonde du caractère non négociable de l'indépendance pour une nation qui veut vivre. La volonté d'indépendance est consubstantielle de la volonté d'être. L'indépendance n'est pas d'abord un moyen mais une fin en soi, une fin à partir de laquelle une nation peut disposer des moyens dont elle a besoin pour façonner son destin.
Que Facal veuille maintenant mettre en veilleuse l'indépendance pour s'attaquer à des travaux conjoncturels qu'il juge plus urgents montre qu'il n'a jamais compris l'essence de l'indépendance. Il troque une cause politique de grande envergure pour un populisme misérable, il renonce au grand large pour le pré carré. Or, ceux qui ont passé par le moule péquiste peuvent difficilement s'extraire de cette mouvance qui range l'indépendance au nombre des options parmi d'autres. Par conséquent, ils ne tiendront pas rigueur à Joseph Facal d'avoir «évolué». L'option souverainiste, car pour eux ce n'est malgré tout qu'une option, nous aura donné au fil des ans des tonnes de ces souverainistes mous sur lesquels il est impossible de se fier pour mener cette lutte à terme.
GV
Archives de Vigile Répondre
4 octobre 2010Comment ce fait-il que ce ne soit pas en place aujourd'hui encore ?!!!
Archives de Vigile Répondre
4 octobre 2010Nous ne réussisons pas parce que notre sport national est l'aveuglement. On n'a plus le sens de l'auto-critique. On protège sa petite troupe bien engraissée par le système. On voudrait ben...mais on ne veut pas que ça touche à quelques-uns de nos privilèges personnels.
On aime, de plus, démontiser l'autre. La mépris envers un parti politique ne garantit pas que l'autre en face est meilleur. Haït Jean Charest ne nous fait pas aimer Pauline Marois.
Le PQ, à l'heure actuel, est vide. Il sent le vide. Il cultive le vide. Il pue le vide.
NT
Archives de Vigile Répondre
4 octobre 2010En lisant ici et là, les plus grosses critiques concernant Marois et le PQ, c'est qu'ils ont laissé tombé l'idée de la souveraineté. C'est le PQ qui fait dans la gouvernance provinciale. En fait, le PQ n'a pas gouverné depuis 2003 et l'idée de la souveraineté du Québec n'est même plus au menu.
J'ai lu Joseph Facal, et c'est clair pour lui que seule la souveraineté va permettre au Québec de survivre, sa culture et sa langue.
Les "Lulus" sont beaucoup plus à l'écoute du peuple que l'est le PQ.
C'est pour cette raison que lorsque ce parti sera créé, et je le souhaite, que le PQ disparaîtra. Les gauchistes et communistes souverainistes iront chez QS et les centristes et droitistes souverainistes iront dans le nouveau parti. De cette façon l'ADQ va aussi disparaître et le nouveau parti pourra prendre le pouvoir.
Enfin, j'ai l'impression qu'il y a des vieux péquistes qui s'inquiètent pas mal du sort du PQ. Et bien, il y en a plusieurs dernièrement qui ont vu du Marois bashing alors qu'il n'y en avait pas. Ces personnes ne sont pas réalistes, et c'est dommage.
Il y en a plusieurs qui ont écrit dernièrement, qui ont pris la défense de Pauline de toute les façon. Vous avez oublié une chose: la population. Et de toute évidence, dans la population, Pauline ne passe pas. Sondages, analystes politiques, qu'ils soient souverainistes ou fédéralistes, disent que Marois ne passent pas dans la population. Alors, je ne comprends pas leur acharnement à ne pas s'ouvrir les yeux.
Est-ce que c'est juste moi?
La seule chose que Pauline a fait dernièrement, c'est d'aller faire du populisme à la grande marche bleue. Vous croyez que ça va aider à redorer son image? Ça l'a rendue ridicule. Elle aurait pu au moins se vêtir avec le chandail de Nordiques. Mais non, elle a eu l'air de quelqu'un qui y allait juste pour se faire prendre en photo. Et ça, dans la population, ça ne passe plus.
Archives de Vigile Répondre
4 octobre 2010On appelle aussi ça "tourner en rond" :
errer, aller sans suivre un chemin
perdre son chemin
désagrément
sans effet, inefficace
ailleurs
EGO, soi-même, lui-même
s'ennuyer
errer
prendre son temps
(se) déplacer d'une façon non rectiligne
tourner sur soi
arrêter
http://dictionnaire.sensagent.com/tourner+en+rond/fr-fr/
Archives de Vigile Répondre
4 octobre 2010Bonjour Monsieur Paquette,
À vous lire, on pourrait penser que faire de l’accession du Québec à son indépendance, une priorité, est une simple question de point de vue, d'orientation, ou de stratégie chez les indépendantistes. J'aimerais bien qu'il en soit ainsi, mais le problème m'apparaît plus fondamental : il n'y a présentement au Québec, qu'un seul parti indépendantiste, le PI.
Le PQ est un parti "provincialiste" qui s'en tient aux domaines de compétence provinciale. Le BQ est un parti lié au PQ qui s'en tient aux domaines de compétence fédérale. En prime, il se fait le défenseur de la province canadienne de Québec et il contribue au bon fonctionnement du gouvernement ennemi du Canada...
Ces deux partis sont confédéralistes. Il y a bien une minorité d'indépendantistes dans leurs rangs, mais ils sont captifs des modérés, des réalistes qui ont fait de ces partis ce qu’ils sont aujourd'hui. Ainsi qu'on l'a vu lors des deux référendums sur un nouvel aménagement du lien de la province de Québec avec le Canada, ils faisaient de l'union économique avec le Canada ennemi, un pré-requis à l'autonomie du Québec.
Il n'y a rien à tirer de ces deux partis gangrenés, farcis de carriéristes et d'opportunistes politiques. L’urgence n’est pas de réunir les indépendantistes en une myriade de groupuscules sous prétexte que toute attaque des indépendantistes contre les autorités péquistes en place feront le jeu des libéraux, des annexionnistes, mais au contraire, de ne pas faire le jeu du PQ électoraliste, en créant un parti indépendantiste majeur.
Quand donc, vous les indépendantistes sincères, cesserez-vous de vous faire manipuler par les « politicailleurs », quand donc vous déciderez-vous à quitter ces partis pourris ?
Vive l’indépendance du Québec, sans aucune association avec le Canada ennemi.
Michel Rolland
Archives de Vigile Répondre
4 octobre 2010« Plutôt que de miser sur des «leaders héros», les organisations ont besoin de créer un esprit de communauté.
Le leadership doit émaner de la communauté. Sans cela, chacun agira selon ses propres intérêts sans se préoccuper de l'amélioration de l'ensemble de l'organisation.»
citation d’Henry Mintzberg,par Rima Elkouri,La Presse,4 octobre 2010
Le peuple québécois n’est pas encore arrivé à cet objectif d’accomplissement. Aucun encadrement politique pour le quider sur cette route préparatoire à l’indépendance.
Israël l’a réussi cet esprit de communauté.Pourquoi pas nous.
Archives de Vigile Répondre
4 octobre 2010On n'a eu que cela du «souverainisme vire vent» depuis 40 ans...
Le dernier en date est celui de Pauline qui a décidé d'abolir l'article I du programmme de son parti, sans consulter les membres?
Ne serait-ce pas le temps de planter l'éolienne fixe qui tourne au grand vent et qui indique d'où vient le vent?
NT