Le parti qui mange ses chefs en aura dévoré un autre. Avis aux intéressés à sa succession, le Parti québécois a toujours autant de mal à apprendre de ses erreurs. Comme de toujours attacher son chef avec un programme rigide qui ne lui donne que très peu de marge de manœuvre.
Sauf que, cette fois-ci, les erreurs sont encore récentes et la défaite a laissé des plaies qui sont encore trop vives pour ignorer les leçons du passé. La première de ces leçons, c’est qu’on n’impose pas un programme à un nouveau chef, que c’est le chef qui doit avoir la possibilité de définir un programme qu’il sera à l’aise de défendre.
Ce qui a fait mal à André Boisclair tout au long de son mandat comme chef du Parti québécois, c’est de devoir vivre avec le programme adopté au congrès de juin 2005, lors du congrès qui a conduit à la démission de Bernard Landry.
Pendant toute la course au leadership, ni M. Boisclair, ni les autres candidats au leadership n’ont voulu prendre leurs distances avec ce programme. M. Boiclair le qualifiait souvent de «formidable».
Le seul ennui, c’est qu’il avait été adopté en plein effervescence souverainiste, avec un gouvernement Charest impopulaire et une option fédéraliste dont l’image était ternie par le scandale des commandites. Les sondages donnaient la victoire au Oui, et le seul débat entre les candidats au leadership était de savoir qui irait le plus vite sur l’autoroute de la souveraineté.
Un an et demi plus tard, on a vu comment l’électorat réagissait à ces propositions quand il ne s’agissait plus de répondre à un sondage mais d’élire un gouvernement pour les quatre prochaines années.
Qu’il le veuille ou non, le PQ devra revenir à une nouvelle version des «conditions gagnantes», soit de ne pas promettre un référendum à tout prix, mais un référendum seulement s’il est certain de le gagner. Les résultats du 26 mars dernier ne laissent aucune autre alternative.
Même si cela devait refroidir – ou même faire fuir – certains de ceux que l’on appelle les «purs et durs», il est clair que la très grande majorité des militants péquistes reconnaissent que la promesse d’un référendum obligatoire ne permettra plus de gagner une élection dans un avenir prévisible.
Mais le débat de fond qui doit être entrepris touche beaucoup plus que la méthode d’accession à la souveraineté. Elle touche l’option elle-même. Il est clair que depuis le référendum de 1995, c’est l’option souverainiste elle-même qui est en perte de vitesse. C’est l’idée que la souveraineté politique est la meilleure solution à tous les problèmes du Québec qui ne fait plus recette.
Le PQ devra se demander si son projet politique – qui est encore très proche de la souveraineté-association imaginée par René Lévesque à la fin des années 1960 – est encore la meilleure pour le Québec des années 2010.
Le PQ devra aussi retrouver ses racines réformistes. Ce qui a fait la réputation du PQ, c’est aussi sa capacité de proposer des solutions concrètes aux problèmes immédiats des Québécois. Le PQ ce n’est pas seulement le parti de l’indépendance et de la Loi 101, c’est aussi celui des recours collectifs, de l’assurance-automobile, du zonage agricole et des garderies à 5$.
La feuille de route présentée par le PQ pendant la dernière campagne était remarquablement déconnectée des problèmes bien concrets des citoyens, qui, en masse, ont déserté le PQ pour une ADQ qui leur semblait plus proche de leurs préoccupations.
Ce sont ces deux éléments essentiels qui manquaient dans le programme qu’a dû défendre André Boisclair. Avec son départ, les péquistes n’ont plus le choix, ni de bouc émissaire commode : ils devront se poser les questions qu’ils ont soigneusement évité depuis des années.
Avant de s’aventurer dans une course au leadership, nul doute que les divers prétendants voudront d’abord s’assurer que ces questions seront débattues. Sans quoi le prochain chef connaîtra inévitablement une carrière aussi courte que celle d’André Boisclair.
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