En attendant la fin

1caf3152ec21fbac6602a4f0a266abea

Bombardier a tort sur un point : la mort des baby-boomers ne veut pas dire la fin de la souveraineté

Rien ne nous sera épargné dans l’insupportable agonie du Parti québécois. Tous les vieux militants se retirent en bafouillant des explications anecdotiques, qui ne tiennent pas la route. Car c’est par l’usure qu’ils quittent le parti et la plupart sont dans le décompte de leur propre vie. Ils ont lutté, ont connu des exaltations, mais leur cœur doublement déchiré en 1980 et 1995 souffre désormais d’arythmie.


Si les Québécois furent incapables de voter oui aux référendums quand René Lévesque, puis Jacques Parizeau, ces hommes politiques de stature inégalée, incarnaient ce rêve, personne ne pouvait plus rallumer la flamme par la suite. Jean-François Lisée doit donc être dédouané de l’échec actuel.


Ce tacticien de la politique a hérité non seulement d’un PQ à l’agonie, mais d’un Québec détricoté. Un Québec où les nouvelles générations « de souche » n’ont plus les yeux fixés sur l’avenir collectif, mais sur leur téléphone intelligent et leur page Facebook. La métropole qu’est Montréal est composée en majorité d’anglophones et d’allophones. Ceux-ci, issus de pays souvent dévastés par des guerres intestines, ne s’identifieront jamais à ce qui reste du nationalisme québécois.


Le PQ d’autrefois


Personne ne devrait se réjouir de la mort imminente du PQ. Le parti a dirigé le Québec avec des équipes exceptionnelles et compétentes. Le gouvernement de René Lévesque réunissait en 1976 un conseil de ministres dont certains membres détenaient un doctorat conféré par les plus grandes universités du monde. Visionnaires, ils étaient réalistes et pragmatiques. Ils représentaient une élite morale et politique.


Nous avons eu peur de les suivre dans l’indépendance. Peur du risque dans un réflexe humainement compréhensible, mais politiquement dommageable. Et nous avons dit non, incapables de surmonter notre réflexe de minoritaire complexé et frileux.


Nous avons aussi dit non, par un attachement que l’on aurait dû prévoir à ce Canada qui a été d’abord notre propre pays français. Comme disait ma vieille tante fédéraliste, agacée par le mot « Québécois » surgi au début des années 1960 : « C’est nous les Canadiens, c’est pas les Anglais. On ne va pas leur laisser notre pays ».


« French Power »


Paradoxalement, c’est aussi ce qu’exprimait le messianisme de Pierre Elliott Trudeau et ses amis, qui, avec le « French Power », souhaitaient s’emparer du Canada en imposant le bilinguisme. À leur façon, ces Québécois doués et arrogants exprimaient leur nationalisme canadien-français, quoi qu’en disent les souverainistes purs et durs.


« Est-ce difficile d’avoir 90 ans ? », ai-je demandé un jour à ma belle-mère. « Oui, parce que je vois tous mes amis mourir. » À la femme d’un politicien éminent, j’ai posé la question : « Pourquoi votre mari continue-t-il de se battre pour l’indépendance ? » « Parce que s’il abandonne, il va mourir plus vite », a-t-elle répondu.


C’est à une mort que nous assistons. La mort d’une espérance, d’une époque, d’une génération, d’une vision du Québec. Les regrets ne sont d’aucun recours. L’avenir sera défini par les jeunes formés ni dans la foi ni dans l’espérance. Leurs rêves d’un monde meilleur reposent sur des algorithmes et sur l’instant devenu sacré. Pour le meilleur et pour le pire.