Au fil de départ

Élection québécoise 2012 (3)

Tribune libre

Note: Un contre-temps m'a retardé dans mon suivi de l'élection. Pour plusieurs d'entre vous qui suivez l'actualité avec régularité, un compte-rendu de l'événementiel de la campagne pourra prendre des allures de redite. Mais, il y a quand même utilité à poursuivre, ne fût-ce qu'au plan historique. Les travailleurs d'élections et politiciens qui pourraient, par exemple, vouloir revenir sur la campagne 2012 à des fins d'analyse et de préparation à une prochaine élection y trouveraient une source d'information unique et cumulative fort utile. En fait, c'est pour vous éviter l'impression de déjà vu que j'ajoute des commentaires personnels à mon compte-rendu. Autrement, je serais beaucoup plus objectif que je le suis dans les textes que j'inclus à cette série. Mon plan initial était : Au fil de départ, Semaine 1, Semaine 2....Au fil d'arrivée. Espérons que je serai au fil d'arrivée en même temps que les candidats.
F) Économie et Plan Nord
D'élection en élection, le PLQ joue la carte de l'économie et, généralement, cela le sert bien. Alors, pourquoi renoncer à une formule gagnante? En 1970 Robert Bourassa promettait 100 000 emplois en lien avec le projet de la Baie James. Une quarantaine d'années plus tard, Jean Charest en promet 250 000 dans le cadre du Plan Nord. Il était manifeste depuis près d'un an que le «Projet d'une génération» dégageait de fortes odeurs électorales. Malgré tout, le PQ a choisi d'articuler sa campagne autour du thème de l'intégrité, oubliant par là que les populations ne se préoccupent de corruption que lorsque les choses vont particulièremment mal. Or, cela n'est pas le cas à l'heure actuelle. En fait, les trois partis dominants semblent globalement d'accord avec le Plan Nord. Le PQ augmenterait le taux des redevances perçues et s'efforcerait d'encourager la transformation du minerai en sol québécois. À la CAQ, on ne parle pas de transformation, mais on appliquerait les redevances au paiement de la dette. Le malheur, c'est que le Plan Nord pourrait l'augmenter la dette.
D'abord, il faut comprendre que la Chine à elle seule compte pour 60 % de la consommation de fer au monde (D-7-8-12, p., B-1). Son économie repose à 50 % sur les investissements en capital, ce qui est insoutenable. En 2007-08, sa capacité industrielle était utilisée à 80 %. Elle ne l'est plus qu'à 60 %. (D-26-7-12,p., B-3). À cela s'ajoute le fait que les ménages chinois ne consomment pas; car, ils n'en a pas les moyens. Et si le consommateur américain peut le faire, c'est en bonne partie en raison du fait que la Chine achète les bons du Trésor américains. La Réserve fédérale en achète elle aussi,...probablement plus qu'il ne le faudrait. Or, la dernière fois qu'une telle chose s'est produite, c'était dans les années 1920, alors que les États-Unis jouaient le rôle de puissance émergente vedette. L'économie américaine était plus ou moins autarcique. Elle reposait à 31 % sur les investissements en capital, contre à peu près 15 % en Angleterre . Et, les États-Unis finançaient la consommation européenne. En Europe, d'ailleurs, on était en pleine...austérité, en raison du retour à l'étalon-or. Puis, les taux d'intérêt ont monté, en partie afin de stopper la spéculation à Wall Street. Les Bourses se sont effondrées. Les Américains ont coupé le crédit aux Européens. Et, il y eut la Grande Dépression. Les salaires ont baissé. Les prix ont baissé. Mais les dettes contractées lors des...«années folles» sont restées au même montant qu'avant la Dépression. Il est loin d'être certain que l'économie mondiale est à l'aube d'une longue période de grande prospérité. (Vous avez là le genre de paragraphe qui ne serait pas apparu dans mon texte si je n'avais pas voulu vous éviter l'impression de déjà-vu)
S'il est un flanc, donc, sur lequel le PLQ est vulnérable, c'est bien le Plan Nord. Voilà en effet que l'on nous propose de mettre Hydro-Québec et l'État québécois à contribution pour un montant globalement évalué à 47 milliards $ afin d'intéresser les multinationales au sous-sol du Nord québécois. On veut même leur construire des ports en eaux profondes afin de leur permettre d'exporter le minerai à l'état brut. (D-7-7-12,p., B-1).
Le professeur Jacques Fortin des Hautes Études Commerciales ne donne manifestement pas une note AAA au plan du gouvernement:
«Un plan d'affaires, c'est beaucoup plus que ça. Quelles seront les retombées? On ne peut pas dire, à partir des données disponibles, si ce sera payant ou non. Et le langage politique est extrêmement dangereux, parce que dans 90 % des cas, il se solde par des déficits. On est jamais capable d'équilibrer un budget.» (D-7-7-12,p., B-1).
À propos des 47 milliards $ d'Hydro-Québec, il ajoutait ceci:
«Ce sont des investissements faramineux. C'est peut-être une ambition pharaonique, mais ce sont les gens qui nous suivront qui vont devoir payer. Tout ça fait que l'équilibre du budget du Québec est à mon avis menacé. (D-7-7-12,p., B-1)
Or, l'histoire est du côté du professeur Fortin. Dans les années 70, on avait initialement budgété le projet de la Baie James à 5 milliards $. À la livraison, dans un format légèrement réduit par rapport aux plans de départ, il portait une étiquette de prix montrant 15 milliards $. Or, il y avait un marché pour l'électricité de la Baie James. Y-en-a-t-il réellement un pour le minerai du Nord québécois? Un Australie, on a commencé à réévaluer les projets d'infrastructures minières en raison du ralentissement chinois (D-7-8-12, p., B-1)
À tout événement, sur l'échelle de la Baie James, on parle d'investissements de 141 milliards $ pour Hydro-Québec et l'État québécois dans le cadre du Plan Nord. Et, la société d'État serait déjà dangereusement en situation de surproduction (S-2-8-12,p., p., 26). Ce la ne l'empêche cependant pas d'additionner les barrages, d'exporter son électricité à prix d'aubaine, d'acheter de l'énergie privée à fort prix, d'approvisionner les alumineries à perte et de vouloir en faire autant avec les minières multinationales. Heureusement que le consommateur québécois est captif.
Malheureusement, il risque de l'être encore plus lorsque les coûts du Plan Nord viendront s'ajouter à l'expiration de l'entente poule aux oeufs d'or avec Terre-Neuve dans quelques années. Ne vous surprenez pas si un jour les bailleurs de fonds du Québec exigent la privatisation d'HQ. Et, les Québécois n'auront alors qu'eux-mêmes à blâmer.
Plus troublant encore, le PLQ parle d'associer la Caisse de dépôt...au «projet d'une génération» (D-27-7-12, p., A-7). À ce chapitre, il faut bien admettre qu'il ne rencontre pas beaucoup d'opposition de la part des partis dominants comme le PQ et la CAQ. On semble de toutes parts prendre la Caisse pour une rivière de richesse éternelle. François Legault, à la CAQ voudrait s'en servir afin d'aider nos entrepreneurs et garder chez-nous nos grands «fleurons» économiques:
«Les Québécois doivent être maîtres de leur économie...
Les francophones n'ont pas une longue tradition d'affaires. Aujourd'hui, au Québec, il n'y a pas dix familles qui sont capables d'écrire un chèque d'un milliard de dollars. Donc, de penser qu'on a plus besoin de la Caisse de dépôt pour garder nos sièges sociaux, ça n'a plus de bons sens.» (D-2-8-12,p., A-1)
Dernièrement, on a laissé entendre que la Caisse devrait être mise à contribution dans le but de contrer l'offre de Lowe's visant l'acquisition de Rona. Au PLQ, le ministre des Finances Raymond Bachand a semblé hésitant face à cette hypothèse, estimant que la Caisse était libre de ses décisions. (D-1-8-12,p., B-1; D-2-8-12,p., B-1) Il faut espérer que le ministre Bachand pense ce qu'il dit et que madame Marois, au PQ, dise ce qu'elle ne pense pas. Elle serait en effet elle aussi favorable à l'intervention de la Caisse pour garder chez-nous nos grands «fleurons». Ce qu'il faut comprendre, c'est que les étrangers en ont, eux aussi, des «fleurons« et qu'ils sont en général plus gros que les nôtres. Les ventes de Lowe's s'élèvent à 50 milliards $ annuellement, ce qui signifie environ 30 % des actifs de la Caisse...après le facteur Henri-Paul. Vouloir constamment mettre la Caisse en guerre contre ces mastodontes étrangers, c'est l'exposer à devoir faire des acquisitions à fort prix, alors qu'elle devrait en fait chercher à mettre la main sur ses investissements au meilleur prix possible. Vous demanderez à Warren Buffett ce qu'il penserait de la stratégie de mettre la Caisse en concurrence avec les étrangers sur le marché des fusions et acquisitions. Cela devrait pourtant être évident pour quiconque aspire à devenir premier ministre du Québec...Mais, il semble bien que ce ne le soit pas... Malheureusement.
La Caisse devrait avoir un mandat et un seul: rechercher un rendement susceptible d'assurer un revenu de retraite acceptable aux retraités québécois, dans un environnement de risque compatible avec cet objectif stratégique. Point, à la ligne. Ce n'est pas sans motif qu'à l'origine, ses placements étaient en grande partie limités aux obligations.
Et, si Pauline Marois veut protéger les grands «fleurons» québécois, elle devrait parler de l'outil le plus approprié à cette fin, une loi de tamisage des investissements étrangers. Évidemment, il s'agit d'une compétence fédérale. Mais, madame Marois est indépendantiste ou elle ne l'est pas...: «Vous le voyez tous aujourd'hui, on a même pas les moyens de protéger notre économie. Tout ce qu'il faut pour ça est au fédéral. Puis, c'est est une des raisons, ça, pour lesquelles je veux en sortir du Canada...» Elle pourrait d'ailleurs rencontrer le même mur avec sa Banque de développement économique. À tout événement, pas question d'avoir peur de se faire traiter de république de bananes, monsieur Trudeau lui-même a donné l'exemple avec son Foreign Investment Review Act dans les années 70...
Quoiqu'il en soit, il faut saluer la promesse caquiste de soumettre la caisse et les autres sociétés d'État aux examens du Vérificateur-général. (D-3-8-12,p., A-8). Hydro-Québec en aurait probablement besoin.
En fait, tous les chefs devraient s'engager à en faire autant. Il faudrait peut-être en faire une question lors des débats.
G) Les débats
Depuis les années 60, il y a rarement une élection sans qu'il n'y ait un débat entre les chefs en lice. Et, la campagne québécoise de 2012 ne fera pas faux bond à la tradition. Il y aura donc un débat à Télé-Québec et à Radio-canada le 19 août prochain, au cours duquel Françoise David, Pauline Marois, Jean Charest et François Legault se mesureront les uns aux autres. Puis, les 20, 21 et 22 août suivants, les affrontements se déplaceront à TVA où Pauline Marois, Jean Charest et François Legault échangeront sur l'économie, la gouvernance, la politique sociale et la question nationale. (D-2-8-12,p., A-5). Monsieur Charest aurait rejeté l'idée d'un forum citoyen proposée par monsieur Legault. (D-2-8-12, p., A-1). QS estime avoir été exclu du débat organisé par TVA en raison de ses prises de position concernant le conflit de travail au Journal de Montréal et l'amphithéâtre du maire Labeaume. (D-3-8-12,p., A-5)
Questions pour monsieur Charest
*S'engagerait-il à mettre sur pied une commission d'évaluation de la place faite au Québec dans les grandes politiques économiques fédérales au cours des soixante dernières années? (Même question à tous les chefs)
S'engagerait-il à soumettre annuellement toutes les sociétés d'État à un examen rigoureux de la part du Vérificateur-Général? Même question à tous les chefs)
Estime-t-il que les politiques économiques et budgétaires fédérales sont sans effet sur les politiques sociales du Québec? Et si la tendance actuelle se maintient, pourraient-elles éventuellement nuire à ces politiques?
Est-il d'avis que l'on puisse continuer d'entreprendre la constructions de nouvelles infrastructures au rythme où nous le faisons, sans nous soucier d'avantage de l'état des infrastructures existantes? Pensons aux vieux barrages d'HQ, par exemple. (Même question à tous les chefs)


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