La commission parlementaire sur le projet de loi 103 qui a pris fin hier aura confirmé les prédictions: il ne s'est trouvé personne, si ce n'est un réseau d'écoles privées, pour appuyer la démarche gouvernementale. Pourquoi alors aller de l'avant avec une solution bancale, qui ne tient compte ni des leçons de l'histoire, ni de la démographie du Québec, ni de la latitude que donne la Constitution canadienne?
La ministre Christine St-Pierre, responsable de l'application de la Charte de la langue française, avait bien tort hier de s'en prendre avec véhémence aux «solutions radicales» de la Coalition contre la loi 103, qui réclame le recours à la clause dérogatoire. «Un chef de parti qui prône la suspension des libertés individuelles, je trouve ça pas mal gênant», a lancé la ministre en visant particulièrement la chef du Parti québécois Pauline Marois.
Ce n'est pas la première fois que la ministre fait une telle sortie. Mais des mots aussi chargés apparaissent encore plus «gênants» en cet octobre qui approche et qui renvoie à un moment de notre histoire qui a bel et bien vu la suspension des libertés fondamentales des Québécois, et pas par le Parti québécois! Certaines expressions doivent être manipulées avec soin. Protéger le français au Québec n'a rien d'une attaque contre les libertés.
C'est aussi rendre un bien mauvais service au Québec que de continuer à démoniser le recours à la clause dérogatoire, bel et bien prévue par la Constitution canadienne à la demande, il convient de le rappeler, des provinces de l'Ouest. Depuis, cette clause s'est ajoutée à l'arsenal du ROC pour blâmer le Québec quand il ne veut pas marcher à l'unisson des desiderata de la fédération. Mais le Quebec bashing fait partie du jeu politique de ce pays, comme on l'a vu ces derniers jours avec le Maclean's: il ne faut pas pour autant tomber dans ce piège quand il s'agit de défendre la collectivité québécoise.
Or, dans le cas de la langue, particulièrement de la langue d'enseignement, c'est exactement ce dont il s'agit. Tous les gouvernements du Québec ont pour responsabilité de couper court aux finasseries que certains peuvent inventer pour contourner ce souci collectif légitime qu'est la protection du français. Les écoles passerelles relèvent d'une telle tricherie.
L'Assemblée nationale avait, à l'unanimité, trouvé une solution à ce problème en 2002. Celle-ci n'a pas plu à la Cour suprême, qui a renvoyé le gouvernement à sa table de travail, avec une date butoir de surcroît. Or les exigences de la plus haute cour du pays se butent à la réalité: elles obligent à revenir au désastreux scénario du cas par cas que le Québec a déjà connu sous Robert Bourassa. Avec le projet de loi 103 qui, après trois ans de fréquentation d'une école privée en anglais et sur la base de certains critères, ouvre la porte pour tous au système public anglophone, c'est le bourbier garanti.
D'une part, ce projet de loi permet de s'acheter un droit, ce qui est pis que «gênant» et bien inacceptable dans une société démocratique (et ce, même si des élèves pauvres peuvent compter sur la générosité d'oncles ou d'amis, comme l'avait curieusement indiqué en juin la ministre Michelle Courchesne, alors ministre de l'Éducation).
D'autre part, les critères qui permettront de juger si ceux qui normalement n'y auraient pas droit peuvent quand même fréquenter l'école anglaise seront de toute évidence contestés au moindre refus. Et qui devra gérer les tensions? Le gouvernement, pas les juges.
Pour que cessent les tours de passe-passe, pour s'assurer du respect de lois linguistiques essentielles pour le Québec, il n'y a en fait qu'une solution logique: celle d'étendre les dispositions de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, comme le recommande le Conseil supérieur de la langue française. Cela fera sourciller le ROC, mais il n'a de toute manière que des récriminations à nous offrir. Toutefois, croire qu'un tel exercice d'affirmation collective nous clouera au pilori de la communauté internationale, comme le dit le gouvernement, relève de la fabulation. D'autant que, et il l'a déjà démontré, le premier ministre Charest a tout le talent pour expliquer à la face du monde pourquoi le Québec doit défendre ce qu'il est.
C'est pourquoi, en dépit des propos ministériels, il est encore temps de reculer pour éviter de s'enliser, encore, dans des contestations juridiques éprouvantes pour notre société.
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