Duchesneau veut enquêter sur Hydro

La société d'État comptait 1000 chantiers en 2010 pour un investissement de 4 milliards

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Kathleen Lévesque - Jacques Duchesneau souhaite que l'élargissement du mandat de l'Unité anticollusion lui permette d'avoir dans sa mire les contrats accordés par Hydro-Québec.
Lors d'un court entretien mardi avec Le Devoir, M. Duchesneau a dit qu'il serait «intéressant» de prévenir la collusion dans le processus d'octroi de contrats à la société d'État, qui accorde annuellement des milliards de dollars pour des biens et services de toutes sortes.
Comme maître d'ouvrage, Hydro-Québec investit massivement dans le développement et la modernisation de son réseau. En 2010 seulement, on comptait 1000 chantiers en activité correspondant à un investissement de près 4 milliards de dollars.
Jacques Duchesneau a déjà pris les devants avec sa proposition pour qu'Hydro-Québec fasse partie de son mandat. «Mais on me regarde avec des gros yeux!», a-t-il lancé. M. Duchesneau a refusé de préciser si au cours des témoignages recueillis, il avait eu des échos de problèmes du côté d'Hydro-Québec semblables à ceux détectés au ministère des Transports.
Chose certaine, la société d'État fait très souvent appel à l'expertise privée sans s'embarrasser des appels d'offres publics. Selon une liste de contrats transmise à l'Assemblée nationale l'année dernière, Hydro-Québec a accordé de gré à gré 450 millions de dollars en contrats à des firmes de génie-conseil, entre 2002 et 2010, pour le seul projet Eastmain-1-A-Sarcelle-Rupert. À travers ce déluge se trouve un contrat de 295 millions accordé sans appel d'offres à Énergie gérance, un consortium formé des firmes BPR, Dessau, Groupe SM et Axor.
Une rencontre de travail est prévue cette semaine entre l'Unité permanente anticorruption (UPAC) et le Conseil du trésor afin de déterminer quelles seront les nouvelles cibles gouvernementales d'enquête de M. Duchesneau. Le commissaire de l'UPAC, Robert Lafrenière, a précisé la semaine dernière au Devoir qu'«il y a d'autres types de contrats que le transport pour lesquels cela vaut la peine de regarder en amont les stratagèmes de collusion qui ont pu être mis en place». Il a mentionné les contrats informatiques qui relèvent du ministère des Services gouvernementaux.
M. Duchesneau n'est pas le seul à vouloir mettre un pied dans la cour d'Hydro-Québec. Depuis plus de dix ans, le vérificateur général réclame de pouvoir examiner la gestion de la société d'État. Le gouvernement lui refuse l'accès aux livres d'Hydro-Québec, ce qui permettrait de savoir si l'argent des contribuables est bien utilisé.
Commission parlementaire
C'est mardi prochain que Jacques Duchesneau sera entendu devant la Commission de l'administration publique de l'Assemblée nationale. Il bénéficiera de 30 minutes pour faire une présentation, à la suite de laquelle s'engagera une période d'échanges avec les élus.
Comme il l'a déclaré au Devoir, M. Duchesneau a hâte d'expliquer son rapport. Il entend d'ailleurs mettre les points sur les i. «Il faut qu'ils [les parlementaires] comprennent que le problème est plus grave qu'on pense», a-t-il dit. Pour ce qui est de la suite des choses, il s'agit de la seule prérogative des élus, a-t-il ajouté.
Jacques Duchesneau a toutefois quelques pistes de solution à soumettre. On en retrouve d'ailleurs dans son rapport, dont l'embauche de fonctionnaires pour éviter le recours systématique au privé ainsi que la réduction de l'ampleur des contrats.
«Il faut briser les gros contrats et donner la chance aux petites firmes de fonctionner. La fusion des firmes d'ingénieurs a éliminé la saine concurrence. [...] C'est la même chose du côté des entrepreneurs, qui ont fait de l'intégration verticale», a indiqué M. Duchesneau. «Tu contrôles tout: l'agrégat, le ciment, l'asphalte, les poteaux. Quand ton compétiteur te demande un prix parce qu'il veut soumissionner, tu lui vends le matériel les yeux de la tête. [...] En bout de ligne, c'est toujours les mêmes qui gagnent les contrats», a-t-il raconté.
Mais d'ici à ce qu'il puisse donner sa version des faits en commission parlementaire, M. Duchesneau rencontrera demain le ministre des Transports, Pierre Moreau, de qui il relève. M. Duchesneau a été nommé par la ministre Julie Boulet, responsable des Transports en février 2010, et il a remis son rapport à Sam Hamad qui a changé de ministère depuis.
L'opposition s'est inquiétée de la situation. Le député de Richelieu, Sylvain Simard, craint que Pierre Moreau cherche à convaincre le patron de l'Unité anticollusion de taire certaines informations. Cette rencontre devrait être reportée, selon le député péquiste, après l'audition de M. Duchesneau en commission parlementaire «pour maintenir des apparences de transparence dans le dossier».
Le député de Shefford, François Bonnardel, abonde dans le même sens. «Je souhaite qu'on n'impose pas une loi du silence à M. Duchesneau comme on se plaît à le faire chez les libéraux», a affirmé le député de l'ADQ.
Motivation politique
Pour ce qui est des rumeurs circulant sur les ambitions politiques de M. Duchesneau, qui seraient la véritable motivation du brasse-camarade actuel, le principal intéressé a tout nié. «Je n'ai pas l'intention de faire de la politique dans quelque parti que ce soit. C'est encore une manoeuvre pour me discréditer», a-t-il affirmé.
M. Duchesneau a précisé n'avoir «jamais, jamais» rencontré François Legault ou une personne de son entourage au sein de la Coalition pour l'avenir du Québec.
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Avec la collaboration de Robert Dutrisac


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