Pétrole

Gisement de classe mondiale à Anticosti

Pétrolia : les citoyens ne lâcheront pas



Les droits concernant les permis sur l'île d'Anticosti ont été cédé par la division Pétrole et gaz d'Hydro-Québec à l'entreprise Pétrolia en 2008, en échange d'une «redevance prioritaire» jamais rendue publique par le gouvernement Charest ou par l'entreprise.
À retenir
Consultez la carte de la compilation pétrolière et gazière à l'île d'Anticosti élaborée par Pétrolia (PDF)

Alexandre Shields - Non seulement l'île d'Anticosti pourrait bien renfermer des dizaines de milliards de barils de pétrole, mais il semble aussi que le sous-sol de la plus grande île de la province se classerait parmi les gisements de classe mondiale. C'est du moins ce qu'a expliqué au Devoir le président de l'entreprise Pétrolia. Et si cet or noir est un jour exploité, les pétrolières devront probablement recourir à la fracturation hydraulique, une méthode qui n'a jamais été utilisée au Québec.
En fait, Pétrolia et son partenaire Corridor Resources ont fait analyser de nouveau une «carotte» de sol déjà prélevée dans un puits situé dans la partie est de l'île. Cette nouvelle étude aurait démontré une bonification significative de «la capacité de récupération» d'or noir dans le cas d'une éventuelle exploitation. «C'est très substantiel comme amélioration», a souligné le président de Pétrolia, André Proulx, sans préciser davantage. «On n'a pas encore défini [le taux de récupération], mais on semble respecter les critères recherchés» par les leaders de l'industrie. On ne peut habituellement pas récupérer tout le pétrole qui se trouve dans un gisement, mais plus le taux de récupération est élevé, plus sa valeur commerciale est grande.
«La quantité de pétrole en place est la même», a ajouté M. Proulx. Mais elle est déjà très importante. Selon la plus récente évaluation disponible, le sous-sol situé sous les permis détenus par Pétrolia et Corridor Resources pourrait renfermer pas moins de 30 milliards de barils de pétrole. Les deux entreprises paient un total de 61 956,40 $ par année pour conserver leurs droits d'exploration — qui couvrent la plus grande partie de l'île —, selon ce qu'on peut constater dans le registre des permis du ministère des Ressources naturelles du Québec. Quant aux permis détenus par Junex sur Anticosti, ils pourraient contenir pas moins de 12,2 milliards de barils de pétrole. Au total, le sous-sol renfermerait donc plus de 40 milliards de barils, selon une estimation préliminaire.
André Proulx a d'ailleurs souligné que le gisement semble très bien se classer à l'échelle internationale. «Je ne suis pas un spécialiste, mais ce que je peux vous dire, c'est qu'on entre dans le calibre de gisements internationaux qui sont recherchés. La roche-mère qui est là répond aux critères de certaines grosses sociétés.» En plus d'une roche-mère, donc productrice d'hydrocarbures, le sous-sol semble contenir des zones propices à les retenir.
Dans un communiqué diffusé récemment, Pétrolia soulignait que les indices laissent croire que la formation géologique de Macasty, où se trouverait le potentiel pétrolier sur Anticosti, serait même aussi prometteuse qu'une formation qu'on retrouve dans l'État américain de l'Ohio, «où plusieurs compagnies pétrolières sont actives».
Il reste toutefois beaucoup d'étapes avant de préciser le potentiel commercial, a tenu à préciser André Proulx. Mais les résultats de plus en plus intéressants facilitent la recherche d'investissements pour poursuivre l'exploration, a-t-il ajouté. Déjà, Pétrolia espère retourner sur l'île l'été prochain pour continuer ses recherches.
Et si l'entreprise décide d'aller de l'avant, il se pourrait bien qu'elle doive recourir à la fracturation hydraulique. «On n'est pas rendus à cette étape, mais si on regarde sur Anticosti, pour l'instant, la seule possibilité qu'on voit, c'est de procéder par fracturation», a réitéré
M. Proulx. Cette technique d'extraction non traditionnelle est bien connue dans le cas du gaz de schiste. Elle n'a jamais été tentée au Québec dans le secteur pétrolier et requiert des quantités importantes de fluides qui doivent ensuite être traités. Aucune installation de ce genre n'existe sur Anticosti.
Mauvaise cible
C'est la division Pétrole et gaz d'Hydro-Québec qui a cédé, au début de 2008, ses droits sur les permis qu'elle détenait à l'entreprise Pétrolia en échange d'une «redevance prioritaire» jamais rendue publique. Le gouvernement Charest a toujours refusé de publier quelque information que ce soit à ce sujet, tout comme l'entreprise.
Un silence que dénonçait récemment l'ancien premier ministre Jacques Parizeau, en entrevue au Devoir. «Est-ce qu'on peut savoir si on a vendu notre droit d'aînesse pour un plat de lentilles? demandait-il. Qu'est-ce qu'il y a dans le contrat? On nous dit qu'on ne dévoile pas d'informations pour des raisons commerciales, pour protéger les éléments de concurrence. Même si on savait combien on a vendu les droits pétroliers sur l'île d'Anticosti, qu'est-ce que ça changerait sur le plan de la concurrence dans le commerce pétrolier mondial? Je ne sais pas.»
Chez Hydro-Québec, on a toujours soutenu que les travaux menés avant 2007 n'avaient rien donné. Pourquoi est-ce que la société d'État, qui a pourtant investi des millions de dollars en travaux d'exploration sur l'île, n'a jamais pu déceler le moindre potentiel pétrolier? La faute en incombe au choix de la formation géologique ciblée, expliquait plus tôt cet automne un ancien dirigeant de l'exploration de la division Pétrole et gaz de la société d'État.
«En 2005, la focalisation de tous les acteurs de l'industrie sur l'île [d'Anticosti] était sur la formation géologique de Trenton Black River, qui est en dessous du Macasty. On savait que le Macasty était la roche-mère où les hydrocarbures étaient générés, mais ce n'était pas l'objet de l'exploration à l'époque», expliquait en octobre dernier Peter Dorrins, maintenant président et chef des opérations de Junex, en marge de l'assemblée annuelle de l'Association pétrolière et gazière du Québec.
«Dans l'exploration, poursuivait M. Dorrins, les idées évoluent avec le temps. Quand il y a plus de technologies pour sortir le pétrole ou le gaz, on va s'adapter. C'est justement le cas pour Anticosti. Donc, à l'époque, on ciblait quelque chose d'autre.» Il rappelle toutefois que les travaux menés à l'époque, notamment par la société d'État, avaient permis de détecter des «indices» de la présence d'hydrocarbures dans la formation désormais très prometteuse.


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