Duceppe et Marois se déclarent la guerre

PQ - succession de Boisclair


Tommy Chouinard - Une guerre de titans éclate au Parti québécois. Et déjà, les couteaux volent bas. Le chef bloquiste Gilles Duceppe a engagé les hostilités, hier, en annonçant le premier, par un simple communiqué, qu'il se lance dans la course à la succession d'André Boisclair.
Prise de court par cette sortie précipitée, ce «coup chien» selon son entourage, l'ancienne ministre Pauline Marois a aussitôt confirmé qu'elle briguait aussi la direction du PQ pour la troisième fois de sa carrière.
Les clans se forment déjà. En quelques heures seulement, huit députés péquistes ont confirmé à La Presse qu'ils se joignaient à l'équipe de Mme Marois, tandis que deux se sont rangés du côté de M. Duceppe. Pour le moment, le vent semble un peu plus favorable à Mme Marois dans la base militante du PQ, mais M. Duceppe jouit du soutien de bien des députés bloquistes.
«Dans le meilleur intérêt du mouvement souverainiste, j'estime qu'il est temps de mettre fin au suspense. J'annonce donc que je serai candidat à la direction du Parti québécois», a affirmé Gilles Duceppe dans un communiqué diffusé à 12h52.
Quelques minutes plus tard, des membres de l'entourage de Pauline Marois confirmaient la candidature de l'ancienne ministre. Devant les bureaux de TVA, Mme Marois a affirmé qu'elle avait été «prise de court» par la sortie de M. Duceppe. Ils s'étaient entendus pour se rencontrer aujourd'hui avant d'annoncer publiquement le résultat de leur réflexion. La rencontre devait en principe déterminer qui des deux se lancerait dans la course. Cette tentative de rapprochement a échoué.
Gilles Duceppe savait bien que Pauline Marois allait tenter sa chance une nouvelle fois. L'ex-ministre des Finances affirme avoir pris sa décision «officiellement» hier matin, mais elle s'était déjà fixée avant, dit-on. Le chef bloquiste, qui était déterminé à faire le saut à Québec, l'a appelée juste avant d'envoyer son communiqué aux médias. La manoeuvre n'a pas dissuadé Pauline Marois.
Des mouvements de troupes ont suivi les deux annonces. Le député de Marie-Victorin et ancien journaliste Bernard Drainville s'est empressé de vanter les états de service de Pauline Marois, qu'il avait invitée, dès le lendemain de la démission d'André Boisclair, à se porter candidate. Selon lui, Mme Marois a du «courage», «du chien», pour briguer à nouveau la direction du PQ. «Elle représente non seulement l'expérience et la compétence, mais c'est une femme à l'écoute des gens. Je serais très content que le PQ soit le premier parti qui donne aux Québécois leur première femme première ministre», a-t-il expliqué.
Sans surprise, Lorraine Richard (Duplessis) et Marie Malavoy (Taillon) appuient également Pauline Marois, comme en 2005. «Si elle y va, c'est qu'elle sait déjà qu'elle aura des appuis importants. C'est comme si Mme Marois était quelqu'un que tout à coup, sous pression, en quelque heures, on se met à désirer. Les circonstances font qu'on se met à désirer Mme Marois», a expliqué Marie Malavoy. Elle a rappelé que Pauline Marois n'a pas obtenu les appuis qu'elle voulait en 2005 au sein du caucus, alors que seulement huit députés sur une quarantaine s'étaient joints à son clan.
D'ex-supporters de Boisclair appuient Marois
Des députés qui s'étaient rangés derrière André Boisclair en 2005 sautent maintenant dans le camp de leur ancienne adversaire. C'est le cas de Claude Cousineau (Bertrand) et de Danielle Doyer (Matapédia). Le député de Dubuc, Jacques Côté, appuie également Pauline Marois.
Ce mouvement des anciens supporteurs d'André Boisclair vers Pauline Marois se manifeste également hors du caucus. L'ancienne ministre Linda Goupil, candidate défaite dans Lévis le 26 mars, appuie maintenant Pauline Marois après l'avoir boudée en 2005. «Il nous faut reconnaître les grandes qualités de Mme Marois», a affirmé celle qui avait préféré M. Boisclair il y a un an et demi.
Pauline Marois fait également des gains chez les nouveaux élus. «Je suis tellement ravie que mon idole se présente!» a lancé Johanne Morasse (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), mère de six enfants et détentrice d'un doctorat en foresterie. Denis Trottier (Roberval) s'est prononcé hier en faveur de l'ancienne ministre des Finances. D'anciennes députées - dont Jocelyne Caron, Lucie Papineau et Nicole Léger - appuieront probablement Pauline Marois, comme en 2005.
Dans cette course à deux pour le moment, le président du PQ pour la Montérégie, Stéphane Jolicoeur, se range derrière l'ancienne députée de Taillon. C'est une prise importante pour Mme Marois, car la région regroupe 18 circonscriptions. «Je ne me réjouis pas de la venue de Gilles Duceppe. Ça m'inquiète, car on a aucune idée de sa vision», a affirmé M. Jolicoeur.
Parmi les députés du PQ, seul Maxime Arseneau, des Îles-de-la-Madeleine, est monté au front pour défendre la candidature de Gilles Duceppe. «J'ai la conviction que pour le meilleur du mouvement souverainiste, on a besoin de Gilles Duceppe au Parti québécois», a-t-il affirmé, soulignant «la popularité et les qualités de leader» de son favori.
Son collège de Richelieu, Sylvain Simard - le seul député à avoir souhaité un couronnement, celui de Gilles Duceppe - est «injoignable pour les quatre prochains jours», a-t-on dit à La Presse.
Dans la base militante, les présidents régionaux du PQ Claude Lachance (Chaudière-Appalaches) et Réjean Bergeron (Saguenay-Lac-Saint-Jean) ont manifesté plus tôt cette semaine très peu d'intérêt à la venue éventuelle de Gilles Duceppe à Québec.
Plusieurs députés n'ont pas encore choisi leur camp, mais ils se réjouissent qu'un couronnement soit évité. Gilles Duceppe peut déjà faire une croix sur Camil Bouchard (Vachon) et Pascal Bérubé (Matane). Ils ont déjà affirmé publiquement, en des termes on ne peut plus clairs, que le chef bloquiste ferait mieux de rester à Ottawa. Danielle Doyer avait fait le même genre de sortie et se trouve maintenant dans le camp Marois. Rosaire Bertrand, dans Charlevoix, a refusé de prendre position pour le moment, mais il a pris soin de rappeler qu'il souhaitait que Gilles Duceppe demeure à la barre du Bloc en raison de l'excellence de son travail aux Communes.
Toujours en réflexion, François Legault, dont l'entourage est particulièrement influent, pourrait bien devenir le «kingmaker» de cette course. Le député de Rousseau réunit ses proches aujourd'hui à sa résidence pour déterminer la position du clan.
Le débat sera animé. Le vice-président du PQ, François Rebello, tentera de convaincre le groupe de se ranger derrière Gilles Duceppe. Le conseiller politique de M. Legault, Martin Koskinen, plaidera en faveur de Pauline Marois. Plusieurs officiers importants du PQ seront présents, dont les présidents régionaux Éric de la Sablonnière (Laurentides), Éric Drouin-Laurendeau (Mauricie) et Étienne Vézina (Estrie). Donald Martel et Patrick Lahaie, militants influents, tous deux candidats défaits le 26 mars, participeront à la rencontre.
Louise Harel partagée ?
Une autre décision importante sera celle de Louise Harel. La députée d'Hochelage-Maisonneuve devra choisir entre deux amis. Elle n'a pas rappelé La Presse hier. Des péquistes l'ont soupçonnée de travailler en sous-main pour faire la promotion de la candidature de Gilles Duceppe avant même l'annonce du départ d'André Boisclair.
Dans son communiqué, Gilles Duceppe a soutenu qu'il avait «une bonne connaissance des militants du PQ car ce sont souvent les mêmes qu'au Bloc québécois». «Je suis régulièrement allé les rencontrer et les écouter sur le terrain, dans les différentes régions du Québec, et je suis bien au fait de leurs aspirations. Je sais que comme moi ils ont à coeur la réalisation de la souveraineté du Québec», a-t-il fait valoir. M. Duceppe rencontrera les médias lundi à Québec.
Au cours de sa rencontre impromptue avec la presse, Mme Marois a dit souhaiter que le PQ soit capable de se «reconnecter avec la population», car le parti a rencontré «un problème important» le 26 mars. La candidate tiendra une conférence de presse demain, à Longueuil.
Pierre Curzi songe toujours à briguer la direction du PQ. Sous le couvert de l'anonymat, un collaborateur a affirmé qu'il lui conseillera ce week-end d'attendre une prochaine fois. Mais plusieurs péquistes se disent surpris de l'intérêt que manifestent bien des militants pour l'ancien président de l'Union des artistes. Ce dernier devrait afficher ses couleurs la semaine prochaine.


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