Ses opposants mal à l'aise au cours d'un débat qui n'a pas levé
Montréal - Libéraux et conservateurs, même corruption : Gilles Duceppe a attaqué dès le départ ses deux adversaires sur l'affaire Option Canada, et le coup a porté.
"Le scandale d'Option Canada", voilà les cinq premiers mots prononcés par le chef du Bloc québécois lors du dernier débat des chefs, hier, à Montréal.
Et la table était mise pour deux heures de débat où les trois leaders anglophones ont souvent paru mal dans leur peau dans un combat qui n'a pas vraiment levé, et où M. Duceppe a finalement eu une soirée relativement facile qui ne menace pas son avance dans les intentions de vote.
"Les libéraux et les conservateurs ne sont pas différents, a dit M. Duceppe. Ils ont délibérément violé la loi de René Lévesque sur la consultation populaire", une attaque directe contre Stephen Harper qui invoquait la veille, comme plus tard dans le débat, la mémoire du fondateur du Parti québécois.
"Lorsque les aspirations du Québec sont en jeu, a-t-il lancé dans sa déclaration d'ouverture, pour les libéraux et les conservateurs, tous les moyens sont bons".
Paul Martin, de son côté, n'a rien dit de sa proposition à la fois surprenante et étonnante de la veille sur l'abolition de la clause dérogatoire pour les lois fédérales jusqu'à ce que l'animatrice Sophie Thibault lui pose la question, après 75 minutes de débat.
Ce qui se voulait le coup d'éclat de sa campagne difficile s'est finalement effiloché après 24 heures, et le chef du Parti libéral n'a fait aucun effort pour vendre sa salade, hier. Cette initiative aura eu son 15 minutes de célébrité, sans plus.
De son côté, après avoir entendu M. Duceppe citer les noms de conservateurs réputés comme Peter White, Michael Meighen, Yves Fortier et le sénateur Pierre-Claude Nolin, M. Harper, sur la défensive, a répliqué que "ce n'est pas un crime de promouvoir le fédéralisme au Québec".
Mais hormis cette sortie, le chef conservateur n'a pu vraiment transmettre son message à son auditoire francophone, et se retrouve finalement à la case départ. Il veut corriger le déséquilibre fiscal et reconnaître la place du Québec sur la scène internationale, mais n'a rien offert de concret.
Ainsi, M. Harper n'a pas expliqué à M. Duceppe que son gouvernement compenserait les 200 millions $ que le Québec perdra à la suite de sa promesse de baisser le taux de la TPS de 7 à 5 % au cours de son mandat.
Belle occasion perdue, puisque son leader québécois, Lawrence Cannon, avait pris cet engagement lors d'une entrevue télévisée une heure avant le débat.
Consolation pour le chef du PCC, toutefois, le premier ministre, Paul Martin, n'a pas écrasé les autres dirigeants fédéralistes comme il aurait dû le faire pour renverser la tendance.
M. Harper a d'ailleurs marqué des points sur la question du bois d'oeuvre, à la défense de l'industrie québécoise, et le hasard du tirage au choix lui a donné priorité sur M. Duceppe qui disait la même chose.
Au total, le chef conservateur s'est dit enchanté par la suite, en point de presse, que son parti "fasse maintenant partie de la scène politique au Québec", surtout devant une "population francophone qui ne comprend pas bien" nos politiques.
À certains moments, après 20 minutes de débat à peine, MM. Harper et Layton avaient d'ailleurs peine à combler leurs 30 secondes de réponses en français. La performance de M. Harper dans ce dernier débat des chefs a montré qu'il ne maîtrise pas vraiment le français, surtout en situation de stress.
Le chef conservateur a même sauté son tour sur les questions de santé, à un certain moment, parce qu'il ne s'attendait pas à un droit de réplique, lire qu'il n'avait pas compris la question.
Et de plus, qui sait ce qu'est "mon table de cabinet", comme il l'a dit au cours du débat ? Réponse, pour les intéressés : c'est le Conseil des ministres. Encore un effort, donc !
Les quatre chefs donnaient d'ailleurs l'impression de s'ennuyer par moments, le débat ne levant pas vraiment du fait que trois d'entre eux sont anglophones.
M. Harper a finalement eu le réflexe de terminer la soirée en disant que "je sais que le français n'est pas ma première langue", un bon point pour lui, au total.
Mais nombre de sujets choisis par les décideurs de Radio-Canada et de TVA comme les drogues douces et l'immigration sont tombés à plat, les chefs n'étant de toute évidence pas personnellement intéressés par des sujets qui n'auront aucun impact sur les résultats des élections au Québec.
Signal concret de la menace conservatrice au Québec, toutefois, M. Duceppe consacre sa première activité politique au lendemain du débat, cet après-midi, à une visite à Bernard Cleary dans la circonscription de Louis-Saint-Laurent.
Cet appui au seul député bloquiste réellement menacé de perdre son siège pour l'instant sera suivi de deux journées complètes de campagne dans les régions de Québec et de Chaudière-Appalaches, là où le parti de M. Harper représente une sérieuse menace.
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