Duceppe aurait suivi les règles

Les budgets de la Chambre des communes attribués aux chefs élus peuvent servir au financement d'activités partisanes

Paillé s'est acheté une réputation de "paillasse", un chef "propre", qui ne se mouille pas... même pour survivre... et Marois girouettise à qui mieux-mieux!


Les chefs péquiste et bloquiste, Pauline Marois et Daniel Paillé, étaient à Montréal hier pour annoncer la création d’un comité sur la souveraineté. Ils se sont montrés peu enclins à offrir un appui ferme à l’ancien chef du Bloc, Gilles Duceppe, qui a été attaqué sur sa gestion des fonds publics.

Photo : Jacques Nadeau - Le Devoir


Guillaume Bourgault-Côté , Hélène Buzzetti Ottawa — Contrairement à ce qu'allèguent ses adversaires politiques, il semble a priori que Gilles Duceppe n'ait pas contrevenu aux règles de la Chambre des communes en rémunérant à même son budget parlementaire le directeur général du Bloc québécois. En outre, cette structure de rémunération n'a pas coûté un sou aux contribuables canadiens.
La polémique qui a cours depuis samedi a toutefois incité hier le successeur de M. Duceppe, Daniel Paillé, à prendre ses distances avec son ancien chef. M. Paillé a indiqué que M. Duceppe devra répondre de ses choix budgétaires.
Un coup de fil au service des communications de la Chambre des communes à Ottawa a donc permis au Devoir de constater que les règles régissant les finances des chefs élus de partis politiques sont extrêmement floues, mais qu'elles n'interdisent pas le financement d'activités partisanes.
La Presse révélait samedi qu'entre 2004 et 2011, le salaire du directeur général du Bloc — Gilbert Gadner — avait été payé non pas par le parti, mais par le cabinet de M. Duceppe. Les trois partis officiels à Ottawa ont tous vertement dénoncé cette situation.
Or, chaque chef de parti reconnu à la Chambre des communes se voit allouer un budget supplémentaire pour «remplir des fonctions parlementaires additionnelles». Selon les documents de la Chambre des communes, les activités parlementaires sont définies comme étant «les obligations et activités qui se rattachent à la fonction de député, où qu'elles soient exécutées, y compris les affaires publiques ou officielles et les questions partisanes.»
Seules les «activités relatives aux intérêts commerciaux privés du député ou de sa proche famille» sont spécifiquement citées comme ne pouvant pas être financées par les budgets de la Chambre des communes.
«L'utilisation des fonds qui leur sont donnés est laissée à la discrétion des chefs», confirme la porte-parole de la Chambre, Heather Bradley. «Les chefs et les députés peuvent vraiment recruter qui ils veulent, congédier qui ils veulent et ils peuvent leur demander de faire ce qu'ils veulent.»
Notons en outre que l'enveloppe budgétaire est fermée. Si M. Duceppe n'avait pas utilisé près de 100 000 $ par année pour rémunérer le directeur général du Bloc québécois, Gilbert Gardner, il aurait utilisé cette somme pour embaucher d'autres personnes à Ottawa ou ailleurs. Les contribuables n'auraient pas économisé un sou.
De plus, selon l'ancien leader parlementaire du Bloc, Pierre Paquette, M. Gardner ne faisait pas que du travail partisan à la permanence du parti à Montréal. «Il avait des responsabilités parlementaires, a-t-il dit. C'était notre analyste de sondages, il était présent à tous les caucus et passait deux à trois jours par semaine à Ottawa. C'était un peu un chef de cabinet adjoint.»
Débat
Comme Gilles Duceppe, M. Paquette a soutenu hier que le Bloc a respecté toutes les règles établies. «Tout député ou employé de député fait un peu de travail partisan, ça vient avec la politique. Si on veut faire le débat éthique autour de cette question, on va le faire. Mais on va alors aussi s'interroger sur les sénateurs qui sont nommés pour faire de l'organisation et du financement partisan.»
M. Paquette faisait référence aux nominations au Sénat du président du Parti conservateur, Don Plett, du responsable des finances du PC, Irving Gerstein, ainsi que du directeur national de campagne, Doug Finley. Les conservateurs estiment la comparaison «sans fondement», les sénateurs ayant été nommés «de façon conforme à la Loi» alors que «M. Duceppe est accusé d'avoir violé les règlements», selon le porte-parole Carl Vallée.
Le néodémocrate Joe Comartin a demandé hier à ce que le Bureau de régie interne de la Chambre soit convoqué lundi prochain pour «déterminer si des fonds ont été dépensés de manière inappropriée et, si cela est le cas, d'indiquer les recours possibles pour récupérer toutes les sommes dépensées». Le Bloc québécois a demandé à être admis comme participant pour pouvoir intervenir dans les discussions et ainsi éviter un «procès à caractère partisan».
M. Duceppe n'a pas rappelé Le Devoir hier. Mme Bradley n'a pas pu confirmer hier que M. Duceppe avait demandé à l'époque l'approbation de la Chambre des communes avant d'accorder un salaire à M. Gardner. «On cherche cette information pour l'instant.»
Pas d'appui de Paillé
Chose certaine, la polémique entourant ces fonds a révélé une certaine tiédeur de la famille souverainiste à l'égard de Gilles Duceppe. De passage à Montréal pour annoncer la création d'un comité sur la souveraineté — le groupe de réflexion aura le mandat de «préparer un plan d'action pour faire du Québec un pays dans les meilleurs délais» —, Daniel Paillé et Pauline Marois se sont montrés peu enclins à offrir un appui ferme à l'ancien chef du Bloc, hier.
M. Paillé a ainsi indiqué qu'il «appartient à chaque parlementaire de gérer le budget [octroyé par la Chambre]. Alors à savoir comment M. Duceppe gérait les fonds à Ottawa comme parlementaire, c'est la juridiction de M. Duceppe.»
M. Paillé a ajouté que M. Duceppe est «redevable devant la Chambre», où il aura «à répondre de la gestion de ses fonds». Interrogé à savoir si le stratagème employé par le Bloc respectait selon lui l'esprit des règles du Parlement, le nouveau chef a répondu que, comme député, lui avait à «respecter le fait que les travaux parlementaires étaient séparés des travaux partisans. Est-ce qu'il y a d'autres règles pour un chef de parti? Je ne sais pas.»
Il a esquivé quelques questions en laissant entendre que ce qui s'est passé sous l'administration Duceppe ne «regarde» que l'équipe qui était en place à ce moment.
À ses côtés, la chef du Parti québécois, Pauline Marois, a souligné que «M. Duceppe est un homme intègre et de bonne foi. C'est à lui maintenant de faire la démonstration des décisions qu'il a prises en respectant les règles de la Chambre des communes».
Le matin, elle avait affirmé au 98,5 FM que «pour certains, de l'extérieur», [les ennuis de M. Duceppe] pourraient signifier que ça m'arrange. Mais dans les faits, je pense que ça n'arrange personne quand on tire sur des gens qui peuvent être utiles à la souveraineté. Et ça vient au contraire entacher encore une fois notre formation politique.»
La réaction de Daniel Paillé a été critiquée par son ex-collègue Pierre Paquette. «Il a été très frileux et aurait dû se porter à la défense de M. Duceppe», a indiqué M. Paquette. «Mme Marois a eu une réaction à la hauteur de ce qu'on peut s'attendre de quelqu'un qui a travaillé avec M. Duceppe», estime-t-il.
Dans les circonstances, M. Paquette s'interroge sur l'identité de l'informateur qui a divulgué cette histoire. «C'est sûr que c'est quelqu'un qui avait de l'information de l'intérieur», dit-il. Selon lui, la «coïncidence est forte pour indiquer que c'est une opération qui a été menée pour déstabiliser Gilles Duceppe. Et ça a réussi.»


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