Discours controversé sur le bilinguisme : Justin Trudeau se fait rappeler à l'ordre

Le fils de l'ancien premier ministre est forcé de s'excuser publiquement

Trudeau Justaclown

Il n'aura fallu que cinq jours à Justin Trudeau, le nouveau et très médiatisé candidat PLC dans Papineau, pour mettre les pieds dans le plat. Son discours contre le bilinguisme traditionnel et les séparatistes québécois lui a valu des reproches voilés de son chef et l'a forcé à s'excuser.
Ottawa - C'était sa première sortie publique en tant que candidat libéral, et Justin Trudeau l'a ratée. Le fils de l'ancien premier ministre s'est non seulement attiré les foudres des gros noms du PLC au Québec, qui l'ont traité de «jeunot» et de «rock star» qui se prend «pour un autre», mais aussi de la communauté francophone entière du Nouveau-Brunswick.
À l'origine de tout ce brouhaha, le premier discours d'importance qu'a livré Justin Trudeau vendredi soir à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, dans lequel il a remis en question l'existence d'un système scolaire francophone distinct. Selon lui, il serait peut-être «moins cher» d'avoir un seul réseau, bilingue. La tempête a déferlé immédiatement.
Liza Frulla, qui a été ministre dans le cabinet de Paul Martin, ne digère pas ces déclarations, qui s'ajoutent au refus du jeune homme, cet automne, de reconnaître l'existence de la nation québécoise. Elle y voit la preuve que le fils Trudeau ne comprend pas les principes directeurs du Canada.
«C'est quelqu'un qui se prend pour un autre et qui vient condamner ces principes.» Mme Frulla, qui parlait sur les ondes de RDI, ne contenait pas sa rage envers celui qui joue à la «rock star» et invitait ses collègues libéraux à entendre ce que le bellâtre raconte avant de le propulser, dans leurs rêves, à la tête du pays.
«J'espère que les libéraux vont prendre sur eux et commencer à l'écouter.» Mme Frulla a ajouté que «ce n'est pas pour rien» qu'aucun député libéral du Québec ne s'était présenté à son assemblée d'investiture dans Papineau, il y a neuf jours, à part le lieutenant Francis Scarpaleggia qui était bien obligé d'y être.
Plus posé, le député Denis Coderre a mis cette erreur sur le compte de «l'apprentissage» du candidat. «On va jaser, Justin et moi», a-t-il confié au Devoir sur un ton rempli de sous-entendus. Mme Frulla, elle, n'en démordait pas. «J'espère qu'il va se faire rappeler à l'ordre parce que c'est un jeunot en politique même si papa a été là avant lui. Il faudrait que Stéphane Dion le rappelle à l'ordre parce que ce n'est pas bon pour les libéraux.»
Ce rappel à l'ordre est effectivement venu, Stéphane Dion y voyant une erreur de départ de la part de son candidat. «Il est nouveau. Il va sans doute avoir à préciser sa pensée davantage», a dit le chef libéral. «Il arrive à tout le monde de faire des déclarations qu'on a à clarifier par la suite, et il ne faudrait pas le juger à tout jamais pour une déclaration.»
Des excuses
Justin Trudeau a diffusé un communiqué de presse dans lequel il dit regretter la façon dont ses propos «ont été interprétés». «Si j'ai offensé les Acadiens et les francophones vivant en situation minoritaire, je tiens à m'en excuser publiquement», écrit-il. «Comme eux, je crois que les institutions francophones sont essentielles à leur épanouissement. La dualité linguistique et la gestion scolaire francophone au Nouveau-Brunswick sont enchâssées dans notre Constitution. C'est un héritage libéral dont je suis très fier.»
Ses propos de vendredi soir n'avaient rien d'improvisé. Cet ex-enseignant avait été invité à s'adresser à quelque 2000 enseignants du primaire réunis à Saint-Jean. «La ségrégation du français et de l'anglais dans les écoles est quelque chose qui devrait être reconsidéré sérieusement», a-t-il dit. «Cela divise les gens en leur apposant des étiquettes, a-t-il lancé avant d'ajouter que «Les discours de division ne sont pas les voies de l'avenir.» Il a aussi dit qu'il serait peut-être «moins cher» de n'avoir qu'un seul réseau scolaire.
À quelqu'un dans la salle qui lui demandait s'il croyait, dans ce cas, au bilinguisme, il a déclaré que non, avant d'ajouter qu'il préférait le «trilinguisme» ou le «quadrilinguisme». Ce discours, dans lequel il a aussi comparé les souverainistes québécois à des «enfants d'école» qui se lamentent pour obtenir ce qu'ils désirent, lui a valu une ovation. Le milieu scolaire francophone, lui, était moins heureux.
«J'ai eu beaucoup d'émotions au point d'en avoir des frissons», a dit Louise Landry, la présidente de l'Association des enseignants francophones du Nouveau-Brunswick (AEFNB). Je ne pouvais pas croire que ces propos étaient vrais. Je suis très déçue.» Mme Landry rappelle qu'avant la séparation des années 1970, les écoles étaient mixtes. «Ça ne fonctionnait pas. On se faisait assimiler très rapidement même si on formait le tiers de la population», souligne-t-elle. L'AEFNB réclamera une lettre d'excuses officielles de M. Trudeau.
La Société des Acadiens du Nouveau-Brunswick a quant à elle diffusé un communiqué reprochant à M. Trudeau d'avoir démontré «sa méconnaissance totale de la réalité culturelle et linguistique du Canada».
Justin Trudeau ne s'était déjà pas fait beaucoup d'amis au sein de l'aile québécoise du PLC cet automne, alors que celle-ci pilotait une motion reconnaissant la nation québécoise. «Malheureusement, avait-il dit sur le ondes de CTV, il y a des gens ces jours-ci qui se drapent de cette idée de reconnaître le Québec comme une nation, ce qui va à l'encontre de tout ce que mon père a toujours cru.» Il avait déclaré que «le Québec est une région incroyable du Canada.»


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