Dis-moi qui tu présentes...

Dion - le défi Québec



"Dis-moi qui tu fréquentes et je te dirai qui tu es", dit le proverbe. En politique, ce serait plutôt "dis-moi qui tu présentes..." L'une des choses les plus importantes pour un chef de parti est de constituer une équipe de candidats et, éventuellement, de gouvernement. Pour Stéphane Dion, c'est un défi particulier, surtout au Québec.
Disons-le tout de suite, il est à peu près inévitable que les libéraux fassent des gains aux dépends du Bloc québécois à la prochaine élection. Il y a un certain nombre de circonscriptions que le Bloc a gagnées, ces dernières années, non pas grâce à une formidable machine électorale, mais parce que les électeurs libéraux sont restés à la maison.
Le scandale des commandites a fait mal aux libéraux, en janvier dernier, mais il n'a pas, pour autant, transformé des électeurs fédéralistes traditionnels en souverainistes convaincus. Ces électeurs peuvent être convaincus de retourner aux libéraux lors de la prochaine élection si le message du Parti est attrayant sur le plan national et si, dans leur circonscription, ils ont un bon candidat. On parle aussi de circonscriptions traditionnellement libérales qui ont été perdues au dernier scrutin, comme Jeanne-LeBer, Papineau-Saint-Michel, Brossard-LaPrairie ou Gatineau.
Cela est tout aussi vrai de circonscriptions qui ont échappé aux libéraux lors de l'élection de juin 2004, alors que les commandites faisaient déjà mal, comme Ahuntsic ou Vaudreuil. Enfin, il y a des circonscriptions très sûres pour les libéraux où le député sortant a déjà indiqué ou pourrait indiquer sous peu qu'il quitte la politique, soit LaSalle-Émard, Outremont, Westmount-Saint-Louis et Mont-Royal. Des circonscriptions faites sur mesures pour des vedettes.
Voilà une bonne dizaine de bonnes circonscriptions pour les libéraux, où un candidat aurait d'excellentes chances d'être élu et où M. Dion pourrait présenter des candidats qui auraient toutes les chances d'être nommés au cabinet.
Pour M. Dion, qui, dans la course à la direction, n'a eu l'appui que d'une seule députée du Québec - Marleen Jennings, de Notre-Dame-de-Grâce-Lachine - le recrutement d'une équipe québécoise revêt une importance particulière puisque pratiquement tous les gros noms libéraux du Québec se sont retrouvés dans les autres camps. Certains, comme l'ex-ministre Martin Cauchon, faisant même le geste d'aller vers Michael Ignatieff au dernier tour, alors que cela ne changeait plus rien, juste pour ne pas être vu aux côtés de M. Dion.
Il importe donc pour M. Dion, de se réconcilier avec certaines vedettes libérales existantes, mais encore plus de dénicher de nouvelles candidatures attrayantes au Québec. Cela est d'autant plus important que les libéraux n'ont plus qu'un seul député hors de la région de Montréal et que le caucus actuel des libéraux québécois ne regorge pas exactement de ministres potentiels.
Il va être très important pour M. Dion de recruter de bons candidats francophones puisqu'il a été le premier à reconnaître, à sa toute première conférence de presse comme chef, dimanche dernier, qu'il commençait à y avoir un problème de bilinguisme et de présence de francophones au sein du Parti qui a fait adopter la Loi sur les langues officielles.
C'est crucial puisque c'est en partie sur la qualité de son équipe que les Québécois jugeront de la capacité de M. Dion de renouveler son Parti, et aussi de donner une voix forte au Québec à Ottawa. Non seulement dans la région de Montréal, mais aussi dans le reste de la province.
Cette dernière variable est particulièrement importante et elle explique, en bonne partie la différence d'attitude qu'ont pu avoir les Québécois envers Pierre Trudeau et Jean Chrétien. M. Trudeau était à la tête d'une forte équipe de ministres québécois qui ne s'appelait pas le "French Power" pour rien. M. Chrétien, pour sa part, était à la tête d'une équipe québécoise beaucoup plus modeste.
M. Dion étant le premier chef de parti de l'histoire du Canada à être originaire de la ville de Québec, il sera intéressant de surveiller les candidats qu'il pourra recruter dans la seule région du Québec à avoir voté pour les conservateurs.
En même temps, M. Dion devra s'arranger pour que ses trop rares vedettes n'en viennent pas à s'éliminer l'une l'autre en se présentant pour l'investiture dans la même circonscription. C'est ce qui semble vouloir se produire dans LaSalle-Émard, le siège que va abandonner Paul Martin, où l'on dit que l'ancienne ministre Liza Frulla et Marc Garneau, le premier astronaute canadien, veulent tous deux être candidats.
Et puisqu'on parle de candidatures, il sera intéressant de voir ce que M. Dion fera si, comme le veulent de persistantes rumeurs, Justin Trudeau reluquait soit la circonscription d'Outremont, soit celle de Mont-Royal. Ce chef, dont la grande force est d'être un homme de contenu, voudra-il dans son équipe d'une recrue au nom certes prestigieux, mais dont le contenu est, disons-le gentiment, pas vraiment considéré comme la qualité principale ?


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