Des projets «profiteurs»

En vertu de l'entente entre Harper et Charest sur l'environnement, le Québec recevra de l'argent pour des projets qu'il avait déjà annoncés.

Québec 2007 - Environnement




Le premier ministre Stephen Harper a eu droit à la une des journaux cette semaine après avoir annoncé que le Québec recevrait 350 millions pour ses projets destinés à combattre les changements climatiques.
Le paiement accordé au Québec et annoncé tout juste avant le déclenchement d'élections provinciales, était manifestement destiné à aider le premier ministre Jean Charest et M. Harper. Il en va de même pour toutes les autres sommes d'argent du gouvernement fédéral destinées au Québec: 1,5 milliard$ de plus au titre des paiements de péréquation, 49 millions$ pour les infrastructures de Montréal et encore beaucoup plus à venir dans le prochain budget fédéral.
Les 350 millions$ accordés au Québec, une somme plus importante que ce que la province avait demandé, sont tirés d'un programme national de 1,5 milliard$ appelé Ecotrust Canada. Quelques détails sont différents, mais le programme est essentiellement le même que celui annoncé en 2005 par Stéphane Dion, qui était alors ministre de l'Environnement. À ce moment-là, le programme s'appelait Fonds du partenariat.
Les deux programmes constituent de la mauvaise politique publique. Pourquoi?
Pour répondre à cette question, songez à ce que font ces programmes. Ils envoient de l'argent du gouvernement fédéral pour égaler les fonds que les provinces allouent à leurs projets. En d'autres mots, ils subventionnent certaines activités, de préférence des activités qui n'auraient pas lieu sans subventions.
«Free riders»
Dans la vraie vie, comme l'ont souligné nombre d'économistes, les subventions bénéficient souvent à ce que l'on appelle en anglais des «free riders», des profiteurs. Ces «profiteurs» sont des personnes ou des compagnies ou des gouvernements qui n'ont pas besoin de l'argent gouvernemental pour accomplir des choses parce qu'ils le font déjà ou parce qu'ils ont l'intention de faire quelque chose, subvention ou pas.
Prenez par exemple la promesse électorale des conservateurs d'accorder un crédit d'impôt aux personnes qui achètent une carte de transport en commun.
Toutes les personnes qui avaient l'habitude d'acheter une telle carte, pendant des années ou des décennies, bénéficient maintenant d'une subvention. Elles ne changent pas leur comportement. Elles continuent tout simplement à faire ce qu'elles avaient toujours fait et elles prévoient continuer de le faire. Aujourd'hui, toutefois, elles obtiennent une subvention sous la forme d'un incitatif fiscal. Ces gens sont des «profiteurs».
Quelques personnes, mais uniquement un très petit nombre, laisseront leur auto à la maison et opteront pour le transport en commun à cause du crédit d'impôt ou de la subvention. Mais pas beaucoup. La plus grande partie de l'argent lié au crédit d'impôt ne changera pas les habitudes de transport. On le versera plutôt à des «profiteurs». Dans une perspective de lutte contre les changements climatiques, cet argent est en grande partie gaspillé.
Analyses économiques
De nombreuses analyses économiques ont été consacrées à ce phénomène de «profiteurs». En règle générale, entre 50% et 80% des programmes de subventions vont à des «profiteurs».
(Ignorons pour l'instant l'autre problème soulevé par les subventions, soit qu'elles encouragent des activités antiéconomiques ou qu'elles protègent des activités inefficaces comme par exemple la régulation de l'offre en agriculture ou le renflouement des vieux chantiers navals.)
Revenons maintenant au programme Ecotrust des conservateurs qui, répétons-le, est essentiellement le même que le Fonds du partenariat de M. Dion, qui faisait partie de son Projet vert de 2005.
En ce qui concerne le Québec, il recevra de l'argent pour des projets qu'il a déjà annoncés. Le Québec avait réclamé de l'argent d'Ottawa pour régler une partie des coûts, mais le Québec avait l'intention de lancer ces projets de toute façon. Et le Québec allait entamer d'autres projets également, contribution d'Ottawa ou pas. Par conséquent, ces projets s'inscrivent dans la notion de «profiteurs».
Il est vrai que l'argent du gouvernement fédéral est susceptible de donner lieu à quelques projets qui n'auraient peut-être pas été réalisés autrement. Dans ces cas, il est possible que la subvention fédérale se traduise par quelque chose de nouveau. Mais au moins, la moitié de l'argent d'Ottawa sera consacré à des projets qui auraient été lancés de toute façon.
Le Québec n'est pas le seul à y aller de projets «profiteurs». En Ontario, par exemple, le gouvernement s'apprête à fermer deux centrales électriques qui utilisent du charbon. L'Ontario pourrait utiliser à cette fin une partie de l'argent reçu dans le cadre de Ecotrust. De nouveau, le phénomène de «profiteur».
Et pourquoi, en vertu du mythe du «déséquilibre fiscal», Ottawa réduirait-il le chèque destiné à l'Alberta tandis que la province nage dans l'argent? Dans le cadre de Ecotrust, toute la province sera une «profiteuse».
Une approche bien supérieure aux subventions serait d'avoir recours à des réglementations et à des impôts pour forcer ou encourager les changements de comportement des particuliers ou des entreprises. Les subventions ne modifient pas le comportement. Elles récompensent de trop nombreux «profiteurs» qui ont l'intention d'agir d'une certaine manière, de toute façon. Ou elles encouragent la poursuite de pratiques inefficaces qui nuisent, plutôt qu'elles n'aident, à la création d'une économie plus productive dont dépendent, au bout du compte, la croissance et les emplois futurs.
L'auteur est chroniqueur au Globe and Mail.


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