Une élève qui poursuit son prof en brandissant des ciseaux. Un autre qui donne un coup de poing en plein visage à une intervenante. Plus de la moitié des enseignants de la Rive-Sud de Montréal sont victimes ou témoins de ce genre de violence au quotidien, révèle un sondage.
« Crisse de folle » est le genre d’insulte que Martine a l’habitude de recevoir de la part d’un de ses élèves. Parfois, il lui lance un cahier à la tête, des crayons ou une boîte à lunch. Elle préfère taire son vrai nom, de peur de perdre son emploi.
« Dans la classe d’à côté, un élève a donné un coup de poing en plein visage à une éducatrice spécialisée. Moi-même, j’ai mangé des coups à la mâchoire en voulant aider une collègue avec un enfant désorganisé. »
Elle enseigne pourtant dans une classe ordinaire au sein d’une école primaire d’un quartier moyennement favorisé de la Rive-Sud.
Ce genre de situations, la majorité des enseignants en ont vécu, révèle un sondage réalisé auprès de 500 personnes qui travaillent dans les écoles des commissions scolaires Marie-Victorin, des Patriotes et Vallée-des-Tisserands.
Un enseignant sur deux a été victime ou témoin de violence physique dans la dernière année. La proportion grimpe à trois sur quatre quand on se penche sur la violence verbale.
Par ce sondage, le Syndicat de Champlain souhaite dénoncer le manque de « leadership » des directions et commissions scolaires, et interpeller le ministère de l’Éducation. Une campagne intitulée Pu capable sera d’ailleurs lancée aujourd’hui.
Ce portrait reflète probablement la réalité dans l’ensemble des écoles du Québec, croit Éric Gingras, président du syndicat. « Maintenant, vous allez faire quoi ? »
Banalisés
La recrudescence de la violence envers le personnel scolaire est un phénomène que M. Gingras observe depuis une dizaine d’années. Ce qui est nouveau, c’est que ces incidents sont de plus en plus niés ou banalisés par les directions d’école, remarque-t-il.
« Des profs se font dire : ce n’est pas si pire. C’est un enfant [de maternelle]. Il ne lance pas aussi fort qu’en 6e année. »
Plus d’un sur trois (37 %) a d’ailleurs l’impression que son employeur ne prend pas les moyens nécessaires pour empêcher cette violence.
Or, certains incidents sont si graves ou si répétitifs que des enseignants peuvent vivre un choc post-traumatique et en viennent à craindre d’entrer dans leur classe (voir citations). Certains vont tomber en maladie, alors que les écoles sont déjà en pénurie de personnel.
« Grafigne »
« J’ai beau savoir que l’élève ne cherche pas à me faire du mal et que je ne dois pas le prendre personnel. Mais je reste humaine. Ça me fait une grafigne [psychologique] », témoigne Martine.
VIOLENCE À L'ÉCOLE
Proportion d’enseignants victimes ou témoins :
- Violence physique : 57 %
- Violence verbale : 77 %
TÉMOIGNAGES D’ENSEIGNANTS*
« Une élève m’a fait des menaces de mort : “Je vais te poignarder.” Elle s’est avancée vers moi avec des ciseaux à la main et elle a tenté de m’atteindre. Elle a couru après moi dans le corridor pour me blesser. »
– école secondaire, janvier 2017
« Un élève [...] sort et prend une pelle pour enfant qui est accrochée dans le corridor et il me frappe aux côtes. »
– école primaire, janvier 2018
« Lors de la récréation, j’interviens auprès d’un enfant qui agresse d’autres enfants [...] Il me donne de multiples coups à la tête. J’ai été transportée en ambulance, je suis en arrêt de travail : commotion cérébrale et choc psychologique. »
– école primaire, mars 2018
« Je ne peux plus vivre dans une atmosphère de travail aussi inquiétante et peu sécurisante [...] Je suis à bout de tout ça ! »
– école primaire, novembre 2017
*Tirés de déclarations d’enseignants, de techniciens ou d’éducateurs en service de garde sur des événements reliés à la santé et la sécurité au travail.