Des ONG réclament la fin de l’inquisition du fisc

Ottawa enquête toujours sur les activités politiques de certains groupes

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Espionnage fiscal, ou censure politique ?

Le gouvernement Trudeau doit mettre fin à la surveillance des activités politiques des organismes de bienfaisance lancée par les conservateurs par l’entremise de l’Agence de revenu du Canada. C’est ce que réclament plusieurs organismes dont la survie est toujours menacée par cette mesure, que les libéraux avaient pourtant promis d’abolir. Mais pour le moment, Ottawa se contente de mener des consultations en vue de « clarifier » les règles pour ces organisations.

Ouvertement hostile aux actions de différents groupes environnementaux, sociaux et liés aux droits de la personne, le gouvernement de Stephen Harper avait lancé en 2012 une campagne d’audits visant à vérifier les activités dites politiques de certains organismes de bienfaisance.

Les conservateurs avaient même accordé un budget spécial de 13,4 millions à l’Agence du revenu du Canada (ARC), qui a mené de tels audits auprès de 60 organismes. Sa mission était de s’assurer qu’ils respectaient scrupuleusement la règle qui veut que ces organismes ne consacrent pas plus de 10 % de leurs ressources à des activités politiques.

En cas de non-conformité, ils risquent de perdre leur statut d’organisme de bienfaisance. Cela signifie qu’ils auraient bien plus de mal à solliciter les donateurs, puisqu’ils ne pourraient plus rédiger de reçus aux fins d’impôt.

Le groupe Équiterre, qui fait la promotion de « choix socialement et écologiques responsables » depuis près de 20 ans, a subi une telle vérification dès 2012. Celle-ci n’est d’ailleurs toujours pas terminée, a confirmé mercredi son directeur général, Sydney Ribaux. « L’épée de Damoclès est toujours au-dessus de notre tête », a-t-il insisté.

« Nous sommes dans un échange de communications avec des fonctionnaires de l’Agence du revenu du Canada. Ils nous disent notamment qu’on fait trop d’activités politiques et qu’on fait des activités partisanes parce qu’on nomme les élus », a expliqué M. Ribaux.

« Lorsqu’un organisme vante ou critique la qualité du travail d’un représentant élu, il se peut que nous considérions qu’il appuie le parti politique du représentant ou qu’il s’y oppose indirectement », stipulent en effet les règles de l’ARC, citées dans le mémoire qu’Équiterre a rédigé en vue des consultations lancées par le gouvernement Trudeau et qui se tiennent à Montréal ce jeudi.

Cette interprétation de la partisanerie par l’ARC a déjà valu un reproche à Équiterre, qui avait mis le nom « Harper » dans le titre d’un communiqué de presse publié en 2012.

Censure

Le directeur général pour le Québec de la Fondation David Suzuki, Karel Mayrand, estime pour sa part que le processus d’audit est « long et laborieux ». Il a même dû fournir son emploi du temps professionnel, de façon à ce que les fonctionnaires fédéraux puissent déterminer quelles activités avaient un caractère « politique ». « Je me suis retrouvé dans des situations où je parlais du “ gouvernement fédéral ” pour éviter de parler du “ gouvernement Harper ”, alors même que le gouvernement se présentait ainsi dans toutes ses communications. »

Selon lui, mais aussi selon d’autres organismes contactés mercredi, de telles mesures de surveillance ont pu avoir pour effet de pousser certains à pratiquer une forme d’autocensure. L’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique, qui a elle aussi été visée, y voit carrément une tentative de censure du fédéral. « Ils nous ont dit qu’on ne pouvait pas critiquer les sables bitumineux ni appuyer le développement des énergies vertes. On a leur dit non », a laissé tomber son président, André Bélisle.

Le porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec, Gaël Morin-Greene, n’hésite pas à parler de « harcèlement » pour qualifier l’audit mené par l’ARC. Une mesure de surveillance qui a d’ailleurs forcé l’organisme à signer une « entente » qui l’oblige à produire, d’ici janvier 2017, plusieurs documents démontrant que le Regroupement respecte les règles de l’ARC.

« Ça ressemble à de l’acharnement. C’est aussi extrêmement lourd de passer au travers d’un processus comme celui-là. En fait, cette année, ça compromet une partie de nos activités. Ça demande une charge de travail supplémentaire à un groupe qui est déjà sous-financé. »
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