Le chef conservateur, qui avait le plus à perdre du débat des chefs en anglais hier soir en raison de sa récente percée dans les sondages, a réussi à présenter l'image d'un futur premier ministre, estiment les deux analystes consultés par Le Devoir.
«La performance de Stephen Harper a été suffisamment honnête pour qu'il ne soit pas démonisé et que les gens continuent d'écouter ce qu'il a à dire», croit le communicateur-conseil Michel Fréchette, estimant qu'il a bien réussi à se présenter comme un «porteur de changement». Le chef conservateur et celui du NPD pourraient par ailleurs sortir gagnants des échanges plus émotifs entre Paul Martin et Gilles Duceppe sur l'unité canadienne vers la fin du débat, qui s'apparentent aux «vieilles chicanes qui exacerbent l'impatience des Canadiens anglais», estime M. Fréchette, consulté quelques minutes après le débat.
Thierry Giasson, politologue de l'Université de Montréal spécialisé en analyse d'image, relève que M. Harper s'est même risqué avec succès à utiliser à son avantage l'image d'homme froid et distant qui lui colle à la peau. «Il a été cohérent tout au long du débat et a maintenu sa ligne d'argumentation. Il est passé à l'attaque uniquement pour remettre les pendules à l'heure.» Il s'est selon lui montré rassurant envers des électeurs qui pourraient être inquiets du changement qui se produit ces jours-ci.
Du côté de Paul Martin, le débat d'hier soir ne permettra probablement pas de tirer un trait sur une dernière semaine difficile. «Sa performance a été correcte» mais sans plus, croit M. Giasson. «Je ne sais pas jusqu'à quel point cela va permettre de le tenir à flot, mais cela ne lui permettra pas de faire des gains. Il n'a pas brillé ce soir», note le politologue, qui le trouvait néanmoins plus à l'aise sur le thème de l'économie et des valeurs sociales.
Michel Fréchette a quant à lui trouvé Paul Martin plutôt affaibli par l'actualité politique et les tirs de barrage de ses opposants pendant la première partie du débat, bien qu'il se soit ressaisi vers la fin. «Quand il entre dans le discours libéral traditionnel sur l'unité nationale, il est plus à l'aise. Cela ne veut cependant pas dire que cela a beaucoup de prise sur le public. [...] Je ne suis pas persuadé que sa performance permettra de changer l'élan du momentum qui favorise les conservateurs», estime le communicateur-conseil.
M. Fréchette constate par ailleurs que Gilles Duceppe a opéré un changement de stratégie hier, commençant à cibler le conservateur, jusque-là plutôt épargné dans ses attaques. «Avec un 'jab', il essaie d'en frapper deux, Paul Martin d'abord, puis Stephen Harper. Les sondages doivent commencer à lui dire qu'il ne faudrait pas que le momentum en faveur des conservateurs continue de grossir.»
Le chef bloquiste a par ailleurs réussi trois bons coups, estime M. Giasson: ramener la controverse d'Option Canada sur le plancher; forcer le premier ministre à utiliser le terme déséquilibre fiscal et amener Paul Martin à reconnaître l'existence d'une nation québécoise.
Le spécialiste en analyse d'image réservait aussi une très bonne note à Jack Layton, qu'il qualifie de «roi de la clip». Il souligne qu'il a bien réussi à positionner son concept du NPD comme «troisième voie» pour les électeurs lassés des libéraux mais qui ne sont pas prêts à voter pour les conservateurs.
Les deux experts se réjouissaient des aménagements apportés à la formule par le consortium des télédiffuseurs, qui ont évacué les questions préenregistrées du public au profit de celles préparées par des journalistes. «Cela a libéré les joueurs», illustre M. Fréchette, précisant par ailleurs que cela rend la vie un peu plus difficile à Paul Martin.
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