Des voyous, de jeunes naïfs, des hippies malodorants? Ou au contraire, de braves gens ayant perdu maison et emploi à cause du vent de folie qui a balayé le système financier il y a quelques années? Les médias américains ne manquent pas de qualificatifs pour décrire des protestataires qui commencent à déranger.
Certains s'étonnent (on se demande pourquoi) de voir les «indignés» qui ont pris d'assaut Wall Street utiliser massivement les moyens de communication modernes (blogues, sites d'échanges de vidéos, réseaux sociaux, etc.) à leur disposition.
Dans un reportage, CBS News y est allée de ce commentaire surprenant: «Il est remarquable de voir qu'on utilise les mêmes tactiques qu'au Moyen-Orient dans une société respectant la liberté d'expression [les États-Unis].» Comme s'il avait été plus normal, dans un pays où cette liberté existe, que les gens qui souffrent ne s'en prévalent pas.
The Economist, qui n'est pourtant pas reconnu pour ses idées de gauche, a mieux compris ou, du moins, a fait un effort pour y voir clair. Pour l'hebdomadaire britannique, il est faux de prétendre que les manifestants ne savent pas ce qu'ils font. Son équipe éditoriale écrit: «Ce qu'ils veulent est clair: des emplois, des soins de santé et une instruction moins onéreux, de l'aide pour se sortir de dettes étouffantes.» The Economist se base notamment sur les quelque 1100 courts articles affichés sur le blogue We are the 99 percent.
Ce nom, qu'on peut traduire par «Nous sommes les 99 %», fait référence aux statistiques qui indiquent que le centile le plus favorisé se partage près de 40 % de la richesse produite aux États-Unis.
The Economist note quand même que 1100 entrées, c'est relativement peu, et que les amis Facebook des différentes organisations contestataires, évidemment un peu plus nombreux, ne sont pas tous prêts à préparer la révolution.
La bataille de Wall Street ne se déroule pas seulement dans le lieu physique ainsi nommé. Durant le mois d'octobre, selon occupytogether.org, des événements sont prévus dans 1400 villes à travers le monde, dont 400 aux États-Unis. L'action se passe en grande partie dans les médias sociaux et dans d'autres provinces du Web 2.0. C'est le magazine canadien Adbusters qui, semble-t-il, a lancé le mouvement en hébergeant sur son site les messages d'Occupy Wall Street. Des sites Internet amis ont ensuite essaimé.
Le mouvement des indignés américains ne peut plus être ignoré. Il devient même risqué pour un politicien de le rejeter du revers de la main et surtout d'en insulter les membres, comme l'a fait le chef de file des républicains à la Chambre des représentants. Eric Cantor a dû faire amende honorable et dire qu'il comprend la frustration de ses concitoyens après avoir traité les manifestants new-yorkais de «mob», un terme qui peut aussi bien désigner une foule désordonnée que la pègre.
Les maires de Boston et de Seattle ont eu de bons mots pour les protestataires. Le président Obama aussi. Et hier, c'était au tour du président de la banque Citigroup d'exprimer sa «compréhension».
Les membres du Tea Party, mouvement populiste de droite, sont quant à eux montés au créneau pour critiquer les indignés et rejeter toute comparaison entre les deux groupes. Les Tea Partiers reprochent aux manifestants de Wall Street leur manque d'hygiène et de propreté, mais surtout le fait de s'en prendre au secteur privé plutôt qu'au gouvernement qui, selon leur évangile, est responsable de tous les maux.
Il est clair que les Tea Partiers peinent à convaincre qu'ils incarnent à eux seuls la classe moyenne américaine. Une récente analyse des messages circulant dans les médias sociaux révèle 39 % d'opinions favorables à l'occupation de Wall Street, contre 33 % d'opinions négatives. Des dérapages sont possibles, même dans le cyberespace. Ainsi, le groupe Anonymous, célèbre pour avoir piraté plusieurs sites Internet de multinationales, a cru bon de s'attaquer, avec un succès relatif, aux ordinateurs de la Bourse de New York en début de semaine.
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