Maintenant que le mal est fait

Des excuses pour un génocide culturel ?

La riposte linguistique doit se préparer pour 2017

Chronique de Gilbert Paquette

Les récentes et tardives excuses de la première ministre de l’Ontario, Kathleen Wynne ont ravivé de vieux souvenirs. Ma mère n’a jamais été indépendantiste, mais elle a toujours gardé, jusqu’à sa mort en 1985, un souvenir vivace de l’odieux règlement 17 de 1912 qui avait interdit le français dans les écoles d’Ontario. Elle m’a raconté comment certains professeurs de son école d’Ottawa résistaient en demandant aux enfants de ressortir les livres français, malgré l’interdiction légale qui leur était faite, et les risques que cela comporte.

C’est au début du siècle dernier que les gouvernements Canada ont décidé d’éradiquer le français et ce, pas seulement en Ontario, mais dans toutes les provinces hors Québec. Le caractère systématique de ces interventions montre clairement que jamais le Canada anglais n’a voulu que se réalise le soi-disant pacte entre deux peuples fondateurs, avec lequel Georges-Étienne Cartier a convaincu 26 députés francophones d’adhérer à l’arrangement de 1867. Comme on le sait, ce mythe des « peuples fondateurs » a été démasqué lors du rapatriement de 1982, le Canada anglais imposant unilatéralement sa vision du Canada multiculturel au Québec et aux franco-canadiens.

On peut parler d’un véritable génocide culturel à l’égard des francophones du Canada perpétré partout au Canada entre 1864 et 1945, préfiguré par le déportement massif des acadiens entre 1755 à 1763. Dans les Maritimes, suppression des écoles catholiques (et donc françaises) en Nouvelle-Écosse (1864), au Nouveau-Brunswick (1871) et à l’Île-du-Prince-Édouard (1877); en Ontario, règlement 17 supprimant l’enseignement en français (1912); au Manitoba, suppression de la langue française comme langue officielle (1890) et suppression de l’enseignement en français (1916); en Saskatchewan et en Alberta, élimination du français comme langue officielle (1905) et suppression de l’enseignement du français (1929 à 1944).

On parle beaucoup ces temps-ci du génocide culturel des autochtones, mais le maintient du français au Québec et dans certaines régions de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick ne peut faire oublier cet autre génocide culturel qui a en grande partie réussi. Le dernier recensement canadien de 2011 démontre que dans toutes les autres provinces, entre 50% et 75% des personnes qui se disent de langue maternelle française [[ Statistiques Canada, Recensement 2011, Langue maternelle par province : http://www.statcan.gc.ca/tables-tableaux/sum-som/l02/cst01/demo11b-fra.htm]] ne parlent plus le français à la maison [[ Statistiques Canada, Recensement 2011, Langue parlée à la maison par province : http://www.statcan.gc.ca/tables-tableaux/sum-som/l02/cst01/demo61b-fra.htm]] .

En 2016, l’anglicisation prend une autre forme. Partout au Canada, sauf au Québec et au Nouveau-Brunswick, le français n’est plus une langue officielle, ni même une deuxième langue après l’anglais. Il passe après le chinois en Colombie Britannique, l’ukrainien dans les Prairies, ou de plus en plus l’arabe ailleurs au Canada. Un exemple significatif est fourni par le maire de Windsor qui affirmait en décembre dernier qu’il lui était « difficile d’offrir des services en français dans une communauté aussi multiculturelle sans faire de favoritisme ». Rappelant que le sud-ouest ontarien a été fondé largement par des francophones, le commentateur souligne : « Ce n'est pas la première fois que des Canadiens français sont accusés d'être une minorité privilégiée. Mais surtout, ce ne sera pas la dernière, si leur poids démographique continue de péricliter »[[ Alex Boissonneault , « Le privilège des services en français », http://ici.radio-canada.ca/regions/ontario/2015/12/11/017-francais-ontario-boissonneault-billet.shtml]].

Des excuses ? Non merci ! Il est vraiment trop tard. Notre riposte doit se préparer maintenant en réponse au 150ème anniversaire de la soi-disant confédération que s’apprêtent à fêter en 2017 canadiens anglais et fédéralistes assimilés du Québec. Nous n’avons absolument rien à fêter. C’est plutôt l’occasion de nous mobiliser pour dénoncer le génocide culturel subis par les francophones. L’indépendance est affaire d’économie mais aussi d’identité et de langue. En 2017, parlons économie ET identité, entamons la campagne pour l’indépendance !

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Gilbert Paquette68 articles

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Ex-ministre du Parti Québécois
_ Président des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO)

Gilbert Paquette est un chercheur au Centre interuniversitaire de recherche sur le téléapprentissage (CIRTA-LICEF), qu’il a fondé en 1992. Élu député de Rosemont à l’Assemblée nationale du Québec le 15 novembre 1976, réélu en 1981, Gilbert Paquette a occupé les fonctions de ministre de la Science et de la Technologie du Québec dans le gouvernement de René Lévesque. Il démissionne de son poste en compagnie de six autres ministres, le 26 novembre 1984, pour protester contre la stratégie du « beau risque » proposée par le premier ministre. Il quitte le caucus péquiste et complète son mandat comme député indépendant. Le 18 août 2005, Gilbert Paquette se porte candidat à la direction du Parti québécois. Il abandonne la course le 10 novembre, quelques jours à peine avant le vote et demande à ses partisans d’appuyer Pauline Marois. Il est actuellement président du Conseil d’administration des intellectuels pour la souveraineté (IPSO).





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1 commentaire

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    15 mars 2016

    Absolument: Surtout que ce 150ième s'apprête à bouffer vite fait le 375ième anniversaire de Montréal, qu'on laisse se noyer dans le PARTY, au détriment des projets culturels et historiques, qu'on nous refuse (pour avoir soumis trop tard, un an avant la fête)...