Des camionneurs sikhs devront porter le casque, dit la Cour d'appel du Québec

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Un jugement contre le multiculturalisme d'État

Des camionneurs sikhs portant le turban qui voulaient avoir le droit de ne pas mettre le casque protecteur requis par leurs employeurs ont échoué devant la Cour d'appel du Québec.


Le plus haut tribunal de la province a rendu un jugement jeudi confirmant que, dans ce cas, la sécurité au travail doit primer sur les effets temporaires causés à leur liberté de religion.


Dans cette affaire, trois camionneurs de confession sikhe ont contesté – pour des motifs religieux – l'obligation imposée par leurs employeurs de porter un casque protecteur lorsqu'ils doivent se déplacer à l'extérieur de leurs camions sur le site des terminaux du port de Montréal.


Les employeurs disent avoir adopté cette politique concernant le casque afin de protéger la santé et la sécurité de leurs travailleurs. D'ailleurs, la loi les y oblige et ils peuvent même être reconnus coupables criminellement de ne pas les avoir protégés.



Cette politique n'oblige toutefois pas les travailleurs à retirer leur turban, écrit la Cour dans son jugement.


L'un des employeurs avait d'ailleurs tenté un accommodement raisonnable : le camionneur sans casque devait rester à l'intérieur du camion, alors que les tâches sur les lieux étaient effectuées par d'autres employés dûment protégés.


Mais de cette façon, un chargement de 10 à 20 minutes durait de 30 minutes à 2 heures. L'employeur l'a donc abandonné, puisqu'il n'était pas économiquement viable et était un casse-tête organisationnel, est-il relaté dans la décision.


Devant les tribunaux depuis 2006


En 2006, les travailleurs en question ont déposé une requête devant les tribunaux afin d'obtenir un jugement déclaratoire qui les aurait exemptés du port du casque.


Mais en 2016, le juge André Prévost, de la Cour supérieure, a refusé leur demande. C'est pourquoi les travailleurs ont interjeté appel.


La Cour d'appel du Québec commence par confirmer que la Charte canadienne des droits et libertés ne s'applique pas dans ce cas : cette Charte ne peut être invoquée que contre les décisions de l'État. Ici, la politique sur le port du casque a été dictée par des entreprises privées. La Charte québécoise des droits et libertés de la personne, quant à elle, s'applique.


La Cour énonce par la suite que personne ne conteste le fait que cette politique brime leur liberté de religion.


Mais le juge Prévost avait retenu de la preuve certaines choses cruciales : d'abord, ces travailleurs sont dans un environnement industriel. Mais aussi, les risques sont nombreux : recevoir un objet sur la tête, être touché à la tête par des objets en mouvement ou se heurter la tête contre un objet dur.


« Les statistiques démontrent que ce risque n'est pas purement théorique », écrit la Cour d'appel.


Elle estime aussi que la politique a cherché à porter atteinte le moins possible à la liberté religieuse des travailleurs de confession sikhe.


Le casque est seulement exigé lorsqu'ils sortent de leur camion, et la durée de ces déplacements est brève, selon la preuve : de 5 à 10 minutes.


Et puis, la politique ne leur impose pas d'enlever leur turban, mais seulement de porter le casque. D'autres travailleurs le portent sous le casque, notent les trois magistrats de la Cour d'appel.


Bref, selon la Cour, l'effet global de la politique est proportionnel et l'atteinte à la liberté de religion est justifiée. Elle rejette donc l'appel des travailleurs.



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