Délit de mémoire

Nous n'avons pas été foutus de rendre dignement hommage comme collectivité à Félix Leclerc à l'occasion du vingtième anniversaire de son décès.

Vingtième anniversaire de la mort de Félix






Les Québécois soulignent avec excès les anniversaires du Grand verglas, ceux des inondations au Saguenay ou à Montréal et je ne sais plus trop de quels autres événements toujours dits «historiques», mais nous n'avons pas été foutus de rendre dignement hommage comme collectivité à Félix Leclerc à l'occasion du vingtième anniversaire de son décès.
Je ne réécrirai pas les biographies qui lui sont consacrées pour justifier que nous avons manqué comme Québécois à un devoir culturel national. Il suffit de rappeler que Félix Leclerc a écrit parmi les plus belles lignes de notre littérature moderne, qu'il a ouvert la voie à des dizaines d'autres créateurs d'ici et qu'il a lui-même contribué de façon exceptionnelle au rayonnement international du Québec à une époque charnière de notre émancipation. Le nationalisme prêché par Félix Leclerc, tout comme par Maurice Richard, un autre géant idolâtré par le peuple québécois, a par ailleurs influencé directement notre identité collective telle qu'elle s'est façonnée depuis le milieu du siècle dernier, au-dessus des options souverainiste et fédéraliste. Ce nationalisme qu'il a si bien su verbaliser est entré dans l'ADN de la société québécoise.
Les pages spéciales publiées à l'approche du 08-08-2008, les rappels télévisés et les quelques tentatives de rattrapage par des portions de spectacles qui lui sont consacrées sont insuffisantes. Il aura fallu une intervention convaincante de sa fille Nathalie pour que les FrancoFolies de Montréal sauvent la face in extremis, avec un spectacle louangé par tous les critiques depuis samedi. Ces manifestations ne comblent toutefois pas vraiment le délit de mémoire que constitue la non-tenue d'un «Événement Leclerc», centré sur un spectacle, de l'envergure des plus grands, offert dans le cadre du Festival d'été ou du 400e et entouré de présentations d'oeuvres théâtrales de Leclerc, d'une nuit de la poésie et de plusieurs petits récitals. Le tout aurait pu s'étirer sur une semaine.
Le Festival d'été, le 400e et le Comité organisateur de la fête de la Saint-Jean sont malheureusement passés à côté du 20e anniversaire du décès du poète de l'Île, comme si ces organisations n'avaient pas mesuré l'importance du personnage dans notre histoire culturelle et socio-politique. À moins qu'en raison du militantisme de Félix pour la souveraineté, l'on ait délibérément choisi de gommer son souvenir comme on a gommé cet été à Québec une foule de symboles de crainte d'une récupération politique.
Fins éducatives
Ce n'est pas un phénomène nouveau que Félix Leclerc, non seulement n'ait pas droit au tribut qu'il mérite, mais que son oeuvre ne soit pas davantage réactivée. Le ministère de l'Éducation, les commissions scolaires et les enseignants par exemple, montrent trop d'indifférence à l'égard de l'héritage culturel qu'il a laissé. L'Espace Félix-Leclerc à l'île d'Orléans a été sauvé et survit principalement grâce à l'implication du couple Péladeau-Snyder et de Quebecor.
Les enfants s'amusent et sociabilisent peut-être dans des glissades d'eau lors des sorties de fin d'année scolaire ou de camps d'été. Mais mieux, ils pourraient apprendre et former leur esprit avec des comédiens et des interprètes qui leur transmettraient l'oeuvre de Félix, tout en passant une journée très divertissante. Nathalie Leclerc doit elle-même solliciter les écoles, leur vendre son «produit», soit l'oeuvre de son père, et faire alors concurrence, en plus des mégaterrains de jeux, aux musées qui vivent de deniers publics. L'espace Félix-Leclerc s'inscrit pourtant très bien dans ce dernier volet de la mission du réseau scolaire.
Mme Leclerc doit toutefois travailler sans relâche pour en convaincre des responsables du milieu de l'Éducation, l'équipement est toujours sous-utilisé et elle mise maintenant sur un nouveau partenariat avec le Musée de la civilisation.
Félix Leclerc a toujours affiché une très grande liberté intellectuelle tout comme son indépendance vis-à-vis les élites culturelles et politiques. Il était aussi un être renfermé et reclus, contrairement aux personnalités artistiques beaucoup plus mondaines et charismatiques qu'il a pourtant le plus inspirées. C'est sans doute ce qui lui vaut aujourd'hui ce manque de reconnaissance publique.



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