Oserions-nous? Je ne crois pas. Ce beau mot de la langue française, «dégage», qui est en train de bouleverser le Moyen-Orient, s'est retrouvé sur des centaines de pancartes durant les manifestations de citoyens en Égypte, en Tunisie, en Algérie et dans les autres pays environnants où le peuple a décidé de reprendre ses droits. Pour le moment, les résultats donnent 1 à 0 pour le peuple. Un beau «dégage» bien senti et la route s'est ouverte.
Ici, au Québec, on patauge plutôt dans un cul-de-sac. 250 000 signatures de citoyens réclamant une commission parlementaire sur la corruption et/ou le départ du premier ministre n'ont servi qu'à soulager une population écoeurée par l'entêtement d'un premier ministre qui trône sur ses certitudes, convaincu d'être le seul à avoir raison. Il n'en démord pas. Il n'y a rien de plus énervant que ces êtres qui sont convaincus de détenir toute la vérité tout le temps.
Jean Charest, seul sur son tas de sable, ne semble jamais douter de rien, convaincu que personne ne voit mieux que lui ce qui est bon pour tout le monde. Les seuls mots qu'il n'a jamais prononcés sont: qu'est-ce que tu en penses? Ça ne sort ni de sa bouche ni de son esprit.
Revenu souriant de ses vacances de janvier, il s'est fabriqué un nouveau personnage, espérant détourner l'attention de ses mauvaises performances. Il a choisi de plutôt se donner des airs de matamore que rien n'atteint. Il lance des millions de dollars par-dessus bord, à croire qu'il les imprime lui-même, car les grosses sommes ne lui pèsent pas au bout des doigts. Lui qui a toujours préféré afficher son petit côté paresseux n'a cessé de s'agiter depuis le retour de janvier comme s'il travaillait
24 heures sur 24. Il essaie de démontrer à quel point il est nécessaire au bon fonctionnement de ce petit pays, le Québec, bien trop petit pour son immense talent. Il s'amuse à construire un aréna, qu'importe le prix, mais il n'a pas d'argent pour faire fonctionner la justice. Difficile à suivre.
Cet homme a été profondément humilié par les derniers sondages. Et on dit qu'un homme humilié peut être dangereux. C'est mon ami, le psychiatre Denis Lazure, de regrettée mémoire, qui m'a expliqué un jour «qu'un homme humilié était toujours un homme dangereux parce que le désir de vengeance ne le quittait plus jamais...» Il faut donc garder Jean Charest à l'oeil pour contrer son désir de vengeance et éviter ainsi les dommages collatéraux qu'il pourrait avoir envie de nous laisser en cadeau de séparation.
Surtout que nous devinons déjà que «son héritage» n'aura rien pour susciter l'envie de qui que ce soit. Le drame, pour n'importe quel parti, sera de ramasser les ruines qu'il laissera derrière lui: les dettes d'abord et l'état lamentable des finances publiques, le puzzle des infrastructures, des universités au bord de la misère, des règles d'éthique violées à répétition, la corruption et sa boîte de Pandore qu'il ne veut pas ouvrir... des relations avec Ottawa sous zéro, vraiment pas de quoi faire rêver celui ou celle qui prendra la relève.
Il faudra aussi remettre Hydro-Québec sur les rails, lui rappeler pourquoi elle existe et garder toutes les autres sociétés d'État sous une lumière crue, jour et nuit, pour éviter que des araignées malfaisantes y fassent leur nid. Certains prétendent que Jean Charest est préoccupé par le jugement que l'Histoire portera sur lui. Ma foi, il aurait dû y penser avant. C'est un peu tard pour se refaire une beauté.
Il se pourrait qu'il choisisse de boire le calice jusqu'à la lie et qu'il se rende tout au bout de son mandat. Les citoyens naïfs que nous avons été n'ont jamais pensé qu'il serait bon de se donner les moyens de «remercier» un premier ministre dont on ne veut plus. C'est ainsi. J'imagine que cette situation sera corrigée dans les plus brefs délais.
Dans une démocratie, même imparfaite comme la nôtre, les citoyens ont des droits, mais ils ont aussi des responsabilités qu'ils se doivent d'assumer ne serait-ce que pour éviter que «des méchants» ne les assument à leur place, ce qu'ils n'hésitent pas à faire dès que l'occasion s'en présente. Quand ça se produit, on peut se retrouver comme en Égypte, ou en Afghanistan ou ailleurs. Ceux qui arrivent à se mettre en avant, règle générale, aiment bien y rester aussi longtemps que possible. C'est tellement facile de se prendre pour le maître du monde... et il faut bien le dire, l'humilité n'est que rarement une qualité exigée pour devenir chef de gouvernement. C'est bien dommage, mais c'est ainsi.
Au Québec, les citoyens ont trois ordres de gouvernement: le fédéral, le provincial et le municipal. C'est beaucoup trop. Surtout quand tous les dirigeants sont partis pour la gloire. DÉGAGE!
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