De moins en moins de Juifs au Québec

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Accommodements raisonnables post-commission B/T


Un juif hassidique rue Jeanne Mance, à Montréal. La communauté juive serait de moins en moins nombreuse au Québec, mais cette affirmation est contestée par certains experts. (Photo Robert Skinner, La Presse)

Jean-François Cloutier - Le fort taux de natalité des juifs hassidiques d’Outremont et le tumulte de la commission Bouchard-Taylor masquent une réalité moins connue: la communauté juive québécoise est en déclin. Alors qu’on dénombrait plus de 101 000 Juifs au Québec au recensement de 1991, en 2001 on n’en comptait plus que 82 500. En 2006 ce nombre était passé à 71 400, une baisse de 15%.

Des experts contestent cependant l’ampleur de cette dernière baisse, révélée en avril avec la diffusion des statistiques sur l’origine ethnique et les minorités visibles du recensement de 2006.
«Quand ces chiffres sont parus, ça a causé tout un émoi dans la communauté. On compte beaucoup sur le recensement pour nous connaître et ces données ont eu un impact important sur le moral de nos membres. Mais après une analyse poussée, on se rend compte que cette baisse ne peut pas avoir eu lieu», explique Jack Jedwab, directeur des études canadiennes à l’Université McGill et auteur d’une série d’articles sur le recensement.
L’apparente «saignée» s’expliquerait en partie par un changement dans la manière de poser la question de l’origine ethnique en 2006.
«Une modification à la question a fait chuter le nombre de Juifs partout au Canada. On s’est aperçu en même temps qu’il y avait une hausse significative de citoyens d’origine polonaise, russe et roumaine dans des quartiers comme Hampstead et Côte-Saint-Luc, quand dans les faits, il n’y a pas eu d’immigration marquée de ces pays récemment», souligne M. Jedwab.
Le professeur James Torczyner, spécialiste de l’interprétation des données du recensement à l’Université McGill, partage le même avis. «Pour qu’il y ait eu une telle baisse, il aurait fallu qu’un événement catastrophique se produise, ce qui n’est pas le cas.»
Une tendance à la baisse
Reste que la diminution du nombre de Juifs québécois entre 1991 et 2006 est trop importante pour ne s’expliquer que par des variations méthodologiques, surtout dans la mesure où elle tranche avec ce qui s’est produit en Ontario et dans le reste du Canada.
«Les données nous disent qu’il y a une tendance à la baisse en ce qui concerne le nombre de Juifs au Québec», affirme Hélène Maheux, analyste à Statistique Canada.
Si on comptait plus de 101 000 Juifs au Québec en 1991, il y en avait 318 000 au Canada. En 2006, on n’en dénombrait plus que 71 000 au Québec alors qu’il y en avait encore 315 000 au Canada.
«Les migrations interprovinciales ont sûrement joué. Il y a beaucoup d’anglophones qui sont partis au cours des années 90, et la majorité des Juifs du Québec sont anglophones», reconnaît Jack Jedwab.
Le boom pétrolier dans l’ouest du pays et l’exode des cerveaux vers les États-Unis expliqueraient les départs récents de Montréal, selon M. Torczyner. «La situation est très différente de celle des années 60 ou 70, où il y avait un sentiment de panique. Aujourd’hui, les Juifs s’en vont pour des raisons économiques.»
Ces données contrastent avec l’augmentation du nombre de Juifs à Outremont.
En dépit de leur fort taux de natalité, les communautés orthodoxes ne représentent cependant que 12% de la population juive québécoise, remarque le président du Congrès juif canadien, Victor Goldbloom.
«Le taux de natalité du reste de la communauté est similaire à la moyenne québécoise», précise-t-il.
Les accommodements
Le récent débat sur les accommodements raisonnables aura-t-il eu l’effet d’accélérer le déclin démographique de la communauté juive québécoise?
«Il faudra attendre le recensement de 2011 pour le voir. J’étais convaincu au départ qu’il y en aurait un, mais je ne le pense plus, au regard de l’évolution du débat», avance Jack Jedwab.
«Des interventions ont pu en déranger certains, mais la communauté juive dans son ensemble sait faire la part des choses entre ces quelques voix et sa forte intégration dans le milieu québécois», croit James Torczyner, qui reste optimiste sur l’avenir à long terme des Juifs au Québec.


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