COUPES EN SANTÉ PUBLIQUE

De l’accessoire

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Harper, Couillard, blanc bonnet et bonnet blanc

Alors, on coupe ou pas en santé ? À chaque nouvel exemple de budget sabré, la réponse gouvernementale est implacable : l’objectif est « purement administratif » et il y a moyen de l’atteindre « sans toucher aux services ». Mais que ceux qui, de l’intérieur, prétendent le contraire se le tiennent pour dit : c’est la porte s’ils protestent. Bonjour le débat éclairé !
Interrogée mardi sur les compressions budgétaires en santé publique révélées par Le Devoir, la ministre Luce Charlebois, déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse et à la Santé publique, avait du mal à cacher son agacement. Il s’agit simplement d’« efforts d’optimisation » demandés à tous, a-t-elle dit, ajoutant que si « les autres sont capables, pourquoi pas eux ». Il n’est « nullement question de couper dans la prévention », que la santé publique trouve autre chose. Air connu.

Pourtant, l’impression reste qu’on joue sur les mots, ne serait-ce qu’en raison du silence imposé à tous ces dirigeants du réseau que la réforme de la santé du ministre Gaétan Barrette bouscule sans ménagement. Ce silence est politique : ce n’est pas pour rien qu’en coulisse, des ministres menacent de congédiement les opposants de l’intérieur à leurs projets.

En santé publique, c’est pire car ils doivent se taire à un autre titre : fini la portion de leur mandat qui leur enjoint d’aborder des sujets sensibles, de ceux qui dérangent les politiciens et les brasseurs d’affaires. Les mines, le jeu, les îlots de chaleur en ville, toute la panoplie des questions environnementales, le gouvernement ne veut plus rien entendre de la part de ses spécialistes en santé publique ! Au lieu de voir là des avis d’experts, les libéraux ont décidé de les considérer comme des politiciens en devenir qui n’ont qu’à se faire élire s’ils veulent parler. « Mettez votre face sur un poteau », aurait dit la ministre Charlebois. Bonjour liberté professionnelle : l’air d’Ottawa souffle bel et bien sur le Québec.

Donc le gouvernement Couillard se sent menacé par ses cadres de la santé, autant dès lors les accuser du pire des péchés, celui que les populistes aiment nommer : la bureaucratie. Tous des technocrates ! Ça aide à leur enlever toute crédibilité, à faire oublier, par exemple, qu’un directeur de santé publique, c’est un médecin, pas un diplômé d’une faculté de gestion. Ses décisions ont un impact direct sur la santé des populations : 30 % de coupes dans leurs budgets (à noter que la ministre Charlebois jouait mardi sur les chiffres, histoire de mieux noyer la coupe à venir), ce sont des services qui partent.

Mais ce sont des services qui n’intéressent pas le gouvernement. Comme le notait la protectrice du citoyen lors de son passage en commission parlementaire sur le projet de loi 10, en vertu duquel le ministre Barrette entend modifier toute la gouvernance du réseau de la santé, on voit déjà les budgets destinés aux besoins psychosociaux glisser vers « la mission médico- hospitalière ». Avec le projet de loi, le risque est accentué de façon majeure. La prévention en santé a toujours eu du mal à tenir sa place, elle relève maintenant de l’accessoire. Le ministre Barrette répète qu’il veut se concentrer sur l’essentiel, et on comprend bien il s’agit des soins, rien d’autre. Déjà cet été, on avait appris que la santé publique subirait plus de compressions que bien d’autres enveloppes de son ministère.

« En santé, ce n’est pas un endroit où on fait de la petite politique », avait dit le ministre Barrette quand, fin juin, il avait ouvert la séance d’étude de crédits de son ministère. De fait, ses choix relèvent plutôt de la politique avec un grand P, celle dont Stephen Harper trace depuis des années le sillon : on ne discute plus, on suit le meneur car il est le seul à avoir raison.


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