Évitons de prendre la situation à la légère

Dans ce genre de situation, les Anglais disent : ACTION IN DISASTER

Parlons de stratégie

Pacte électoral - gauche et souverainiste

De toutes les choses qui ont été dites ce matin par les démissionnaires il y a l'affirmation très grave selon laquelle la chef du parti Québécois n'est pas à l'écoute de ses commettants. Elle n'écouterait qu'une garde rapprochée.
Si cela est exact, cela veut dire entre autres choses que toutes les discussions sur Vigile qui est le principal lieu d'échange libre sur l'indépendance du Québec ne se rendent pas jusqu'à elle. C'est inquiétant parce que la confiance que l'on a envers un chef politique est construite sur sa capacité à maintenir un dialogue avec les personnes de qui elle détient un mandat.
Or j'affirme que depuis les six dernières semaines assez d'idées intéressantes ont été émises sur Vigile pour constituer le programme de l'indépendance du Québec. Jamais aucune constituante ne pourra rivaliser avec le travail qui a été fait volontairement ici. Il ne reste qu'à relire l'ensemble des textes, mettre les idées en ordre et nous verrions apparaître le dessein du pays libre et démocratique que nous souhaitons.
La chef du parti Québécois doit répondre dans les plus brefs délais à cette accusation autrement cela démontrera 1.) qu'elle n'a pas étudié le détail de ce qui a été affirmé par les démissionnaires ou qu'elle n'en a pas mesuré la gravité 2.) ou alors qu'elle croit que la force de son leadership fait en sorte qu'il ne lui soit plus nécessaire d'écouter ce que ceux qui l'ont mandatée ont à lui dire. Dans ce dernier cas, ce serait une bonne chose que cela ait été découvert avant qu'elle accède au pouvoir.
La situation est grave parce que, à moins que je ne me trompe le parti Québécois a été fondé pour servir de véhicule au projet d'indépendance qu'il doit conduire à l'Assemblée Nationale, notre seule institution à pouvoir organiser un référendum et déclarer légalement l'indépendance. Québec Solidaire avec son processus de constituante, son orientation de gauche et la porte demeurée ouverte sur un nouveau fédéralisme nous mènera dans une nouvelle impasse. Il y a pourtant des indépendantistes sincères dans cette formation qui seraient prêts à mettre en veilleuse leur orientation politique de gauche pour nous permettre de réaliser l'indépendance.
Je remarque au passage l'efficacité des prêches sur la corruption morale du moine Khadir sur les âmes intelligentes et sensibles. Les trois démissionnaires d'aujourd'hui comptent parmi les membres les plus raffinés et aussi les plus sensibles (donc vulnérables aux leçons de morale) de l'équipe du parti Québécois. Ils faisaient partie du petit nombre en mesure d'apporter les transformations nécessaires dans le parti Québécois pour qu'il retrouve la confiance d'une majorité d'électeurs. Ceux qui, s'ils avaient été écoutés lui auraient redonné le panache de 1976. Ceux qui, de ce fait, menaçaient le plus Québec Solidaire qui se prétend le seul parti capable de défendre les valeurs humanistes au Québec.
[[Pic de la Mirandole, l'un des plus grands érudits de la Renaissance italienne fut lui même séduit et ébranlé pour un temps par les prêches théocratiques de Savonarole. Il y a un peu de cela quand Pierre Curzi nous parle de sa relation avec son miroir, un problème de conscience. Le moralisme efficace de Savonarole a fait le jeu des ennemis de Florence. Une fois de plus, celui d'Amir Khadir a fait le jeu des ennemis de l'indépendance et en conséquence comme l'affirmait ce soir Jean-François Lisée, de ceux qui craignaient l'institution d'une commission d'enquête publique sur la corruption une fois le parti Québécois au pouvoir. Je me demande parfois comment il se fait que les Québécois ont tellement de difficulté à décoder les stratégies politiques de leurs adversaires. Ils se livrent pieds et poings liés, abandonnant leur grand projet politique, incapables de s'apercevoir qu'on manipule leur conscience (la non affaire PKF-Labaume), ou qu'on les envahit (Love in de 1995) ou qu'on leur fait peur (Brinks, Loi des mesures de guerre etc.).]]
N'oubliez pas qu'ici il est question de l'existence ou de la non existence de notre pays. Que les enjeux politiques et économiques sont immenses. Ce n'est pas seulement de mots et d'émotions dont il est question mais de quelque chose de bien plus grave.
En résumé, la première des choses à laquelle on est en droit de s'attendre au lendemain de ces démissions, c'est que la chef du parti Québécois revienne en détail sur chacune des affirmations des démissionnaires de façon à montrer qu'elle les comprend et qu'elle s'explique sur chacun de ses points et apporter les correctifs nécessaires.
À défaut de quoi, quatre situations pourraient se produire:

-* les électeurs et militants libérés de leur confiance, ne tarderont pas à prendre le même chemin que les démissionnaires. Mais il est loin d'être certain que la diversité de chemins empruntés nous conduira à l'indépendance
-* une fronde au sein du parti Québécois pourrait survenir mais les chances en sont amoindries par le retrait des trois démissionnaires
-* un mouvement indépendantiste spontané comparable aux mouvements tunisiens et algériens refusant le piège de la division entre la gauche et la droite et faisant de la réalisation de l'indépendance sa seule raison d'être pourrait regrouper l'ensemble des personnalités et des militants indépendantistes mettant de côté leurs différents jusqu'à la naissance de notre pays libre et démocratique.

Si rien n'est fait, un mélange des trois premières possibilités surviendra tôt ou tard.
à suivre...


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2 commentaires

  • Gérald McNichols Tétreault Répondre

    7 juin 2011

    @ Père Léon
    Monsieur,
    Merci d'avoir pris la peine de commenter avec soin mon article.
    Je ne pense pas que nous soyons aussi éloignés l'un de l'autre que vous semblez le penser. Vous pouvez lire tout ce que j'ai écrit depuis quelques semaines sur Vigile et vous verrez que j'ai renvoyé dos à dos autant les idéologies de gauche que celles de droite.
    Je ne pense pas avoir tort d'affirmer - et les récents évènements le prouvent - que Québec Solidaire est un parti de gauche avant d'être un parti indépendantiste. J'ai aussi dit qu'il y avait certainement dans ce parti des personnes qui étaient d'abord indépendantistes avant d'être de gauche.
    Je suis d'accord avec vous sur le fait que le tournant à droite du PQ sous Lucien Bouchard a fait le lit de la remontée de la gauche qui a dû se trouver un véhicule politique et loin de moi l'idée de censurer la gauche ou la droite. Depuis cet épisode, les militants du parti Québécois ont continuellement besoin d'être rassurés par leurs chefs à ce sujet. La moindre période de silence de leur chef à ce sujet est perçue comme un abandon du projet.
    Inversement, rejoindre le mouvement indépendantiste ne veut plus dire obligatoirement être membre du parti Québécois. Tous conviennent maintenant que le projet de faire du Québec un pays libre et démocratique est l'affaire des Québécois et plus seulement d'un parti.
    L'indépendance ne sera ni de gauche, ni de droite. Il y a malheureusement, de mon point de vue d'indépendantiste, des partis et des leaders de droite et de gauche qui préfèrent mener leurs combats respectifs de droite et de gauche en priorité sur la réalisation de l'indépendance. Tout projet d'assemblée constituante sombrerait automatiquement dans un interminable débat entre la droite et la gauche qui entraînerait la perte de l'objectif de libérer notre pays. Nous n'allons pas enfermer notre pays enfin libéré dans le carcan d'une idéologie de droite ou de gauche. Ce sera aux Québécois de choisir entre les candidats de gauche, du centre ou de la droite lors de chaque élection. Les gouvernements qui en découleront construiront le pays au fil des années, des décennies et des siècles à venir et personne ne peut dire ce que sera la société québécoise dans un siècle.
    Voilà pourquoi je fais appel aux indépendantistes de la gauche autant que ceux de la droite, pour qu'ils aient la générosité de mettre de côté une fois de plus - je vous le concède - leur débat idéologique pour que nous puissions unir les Québécois en vue de réaliser l'indépendance. Par la suite, je pense que nous serons en mesure de reprendre en main notre destin qui est entre les mains des autres depuis la Conquête du pays et nous aurons à mettre en chantier la construction de notre pays qui demandera le concours équilibré des forces de la gauche, du centre et de la droite.
    Vous dites que la gauche fut mise en veilleuse à la mort du RIN. Je le comprends, cependant vous conviendrez avec moi qu'elle a aussi été secouée par la chute des régimes communistes et socialistes, par les gains sociaux des syndicats, tout comme l'idéologie de droite est présentement secouée elle aussi par la crise et l'échec du capitalisme financiarisé et les scandales bancaires.
    Ce qui devrait nous unir c'est l'indignation devant le scandale que représente la pauvreté et l'exclusion toujours présents dans notre société, le combat à mener pour arrêter l'exploration et l'exploitation des gaz de schistes, la main mise du crime organisé et des oligarchies sur certaines activités économiques et politiques. En ce sens-là la grande majorité des Québécois se reconnaît depuis la fondation du pays au 17e siècle, une grande sympathie avec les valeurs de partage, de justice et d'égalité. Ils veulent aussi maintenir leur liberté et c'est l'équilibre entre ces objectifs qu'il faut rechercher.
    Enfin, nulle part je n'ai demandé qu'un parti politique se saborde qu'il s'agisse du parti Libéral, du parti Québécois, de Québec Solidaire, ni même du Parti communiste du Québec, puisque le pays libre du Québec sera démocratique et se construira avec l'apport de tous ceux qui voudront y contribuer.

  • Archives de Vigile Répondre

    7 juin 2011

    Vous déclarez, je vous cite que "Québec Solidaire avec son processus de constituante, son orientation de gauche et la porte demeurée ouverte sur un nouveau fédéralisme nous mènera dans une nouvelle impasse. Il y a pourtant des indépendantistes sincères dans cette formation qui seraient prêts à mettre en veilleuse leur orientation politique de gauche pour nous permettre de réaliser l’indépendance."
    Avec la tendance qui se dessine présentement, vous devriez plutôt vous poser cette question: Est-ce qu'il y a des indépendantistes sincères au sein du PQ qui seraient prêts à mettre en veilleuse leur orientation politique de droite pour nous permettre de réaliser l'indépendance ? car sachez qu'il y a plusieurs nouveaux adhérents de Québec Solidaire qui se pose cette question.
    Ce que vous ne semblez pas comprendre c'est que pour un grand nombre de gauchiste au Québec, la gauche fut mis en veilleuse au profit du PQ depuis la mort du RIN où on retrouvait en son sein les éléments les plus à gauche du Québec et lorsque j'analyse l'histoire de la gauche au Québec, un des éléments déclencheur de la création de Québec Solidaire fut le sommet socio-économique de 1996 du PQ qui a mis un terme à cette mise en veilleuse de la gauche au sein du PQ.
    Je doute fortement que les membres de Québec Solidaire accepte de faire un sabordage de leur organisation politique comme l'a déjà fait le RIN.
    Imaginer ce qui serait advenu du PQ, si le RIN avait refusé de se saborder et bien c'est exactement la même question que vous devez vous poser pour le PQ d'aujourd'hui par rapport à QS.
    Si nous avons des démissionnaires aujourd'hui au sein du PQ, c'est que la base électoral c'est désormais déplacé. Les députés démissionnaires n'ont fait que suivre le mouvement de leur électorat.
    Merci de publier ma réponse.