Dangereux coup de force

McGill - un corps étranger


(Québec) La hausse des droits de scolarité est un sujet tabou au Québec. Les politiciens hésitent toujours à exiger une plus grande contribution financière des étudiants. Lasse du sous-financement, l'Université McGill a décidé de donner un grand coup et de faire fi du gouvernement. L'automne prochain, elle exigera des droits de scolarité de 29 500 $ aux étudiants inscrits à son programme de MBA (maîtrise en administration des affaires). Ce coup de force est dangereux.
Certes, la procrastination des élus lorsque vient le temps de déterminer les droits de scolarité a de quoi exaspérer les dirigeants des universités. Son incohérence aussi. Un gouvernement ne peut prétendre que l'éducation est une priorité et qu'elle est la clé de son développement, et ne pas fournir à ses établissements d'enseignement les deniers publics nécessaires pour former ses étudiants et ses chercheurs selon les plus hauts standards de qualité. Les institutions québécoises doivent avoir les moyens de demeurer compétitives par rapport aux universités du Canada et de l'étranger.
Si les droits de scolarité sont limités et que le gouvernement n'assume pas une plus grande part du financement des universités, celles-ci se retrouvent dans un cul-de-sac et doivent trouver des façons de s'en sortir et de maintenir leur réputation d'excellence.
McGill a pris les grands moyens. Même si Québec a prévu une augmentation de 100 $ par année des droits de scolarité jusqu'en 2012 et balisé jusqu'en 2011 les frais afférents exigés aux étudiants, l'institution montréalaise passe outre aux règles du ministère de l'Éducation. À l'automne, elle fera passer de 1673 $ à 29 500 $ les droits de son programme de MBA. Québec aura beau lui retirer le financement pour ce programme, McGill semble déterminée à aller de l'avant. Elle joue la carte de l'offre et de la demande.
L'accessibilité aux études supérieures est en danger si la ministre de l'Éducation permet ce type de modèle et s'il inspire d'autres facultés et d'autres universités. Ce ne sont plus les étudiants les plus talentueux qui se retrouveront dans certains programmes à Québec, à Montréal ou à Sherbrooke. Mais bien ceux qui auront assez d'argent pour défrayer d'onéreux droits de scolarité. Même si un généreux programme de bourses d'excellence est instauré dans les établissements, un message sera néanmoins transmis dans la population : il faut être riche pour s'inscrire à l'université, pour faire un MBA ou sa médecine. Le talent et la persévérance ne suffisent plus.
Ce n'est pas le choix qu'avait fait le Québec. Et ce n'est pas à une poignée d'individus sur les campus de redéfinir quel doit être dorénavant la gouverne de la société québécoise en matière d'accessibilité aux études supérieures.
Le Québec ne compte pas trop de bacheliers et de détenteurs de maîtrise et de doctorat. Les élus doivent donc prendre leurs responsabilités et revoir avec sérieux le financement des universités. Que compte faire le gouvernement après 2012? Les frais de scolarité vont-ils être augmentés, gelés, indexés, ou modulés selon les programmes et les revenus potentiels des futurs diplômés?
Le budget de mars sera aussi révélateur. Comme pour tous les ministères, celui de l'Éducation est soumis à la limite du 3,2 % de croissance des dépenses. Quelle part obtiendront les universités par rapport aux écoles primaires, secondaires et aux cégeps?
Le statu quo condamne le Québec à voir dépérir ses institutions, à les rendre dépendantes du secteur privé, à faire déserter ses meilleurs professeurs, étudiants et chercheurs vers l'extérieur, et à priver de grands talents d'une formation supérieure.
Dans le discours officiel suivant la Rencontre économique de Lévis, la priorité a été donnée à l'éducation. Il faut rapidement faire la preuve que ce n'était pas un discours creux.


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