D'un permis à l'autre

Corruption politique



(Québec) Lorsque la crédibilité d'un gouvernement frôle le zéro, il arrive ce qu'a vécu mardi le ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis. Quoi qu'il dise ou qu'il apporte comme preuve, personne ne croit et ne retient sa version des faits. Qu'il conserve la confiance du premier ministre n'y change rien. Bien au contraire. Les deux hommes ne réussissent qu'à entretenir la spirale d'allégations de favoritisme et de corruption dans laquelle s'enfonce leur gouvernement semaine après semaine.
Si Jean Charest pensait retrouver une certaine paix à l'Assemblée nationale avec l'expulsion du ministre de la Famille, Tony Tomassi, il n'a pas tiré la bonne carte. L'opposition avait une autre cible à sa portée : le ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis, qu'elle accuse d'être intervenu auprès de la Sûreté du Québec afin que celle-ci accorde un permis de port d'arme à feu au patron de l'agence de sécurité BCIA, Luigi Coretti. Après les permis de places en garderie, voilà que l'obtention d'un permis de port d'arme pourrait aussi être facilitée par de bons contacts.
Pour le premier ministre, cette autre affaire n'est bien sûr que «gonflement du langage » et simple incident qui devient grave crise à cause de l'opposition. Lundi, il s'est dit satisfait des explications fournies par son ministre de la Sécurité publique. «M. Dupuis a donné des réponses très claires. Il n'y a eu aucune intervention de sa part ni de son bureau dans le dossier de M. Coretti. Ça ne peut être plus clair que ça.»
À entendre mardi la défense de Jacques Dupuis, les choses n'étaient pourtant pas aussi limpides que veut bien le voir le premier ministre. À titre de ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis a accueilli Luigi Coretti à son bureau au printemps 2008, et son conseiller politique Jocelyn Turcotte (un ancien président de l'Association des policiers de la SQ) a bel et bien téléphoné à la Sûreté du Québec pour s'informer du dossier de M. Coretti. Simple fait du hasard, après des refus, le propriétaire de BCIA qui est aussi un donateur au Parti libéral a finalement obtenu le permis désiré.
M. Dupuis a répété mardi à maintes reprises qu'il n'y avait pas eu d'intervention «indue» de sa part ou d'un membre de son cabinet. Que signifie cette insistance sur le qualificatif «indu»? Il y a eu intervention, mais comme elle n'était pas «indue», cela ne vaut pas la peine d'en parler...
Le ministre ne peut s'en tirer en jouant simplement sur les mots et en affirmant qu'il est un honnête homme qui fait de la «politique honnête». Dans un contexte où des soupçons pèsent sur le financement du Parti libéral et sur l'éthique du gouvernement Charest, les zones d'ombre persistent et alimentent la méfiance de la population.
M. Dupuis affirme qu'il se fait un devoir comme ministre de la Sécurité publique de rencontrer «ses clientèles», notamment si elles se disent «mal traitées» par la SQ. Très bien, mais notons que le ministre n'a pas toujours la même sensibilité. Il lui a fallu pas mal de temps avant de réagir à l'affaire Villanueva. Il existe également une procédure de contestation pour les personnes dont la demande de permis a été refusée. Pourquoi M. Coretti a-t-il jugé qu'il valait mieux frapper à la porte du ministre de la Sécurité publique plutôt que de contester?
Le climat de suspicion laisse place à toutes les interprétations. Seule une enquête publique permettrait d'y mettre fin. Le supplice des allégations quotidiennes de favoritisme et de corruption va-t-il un jour convaincre le premier ministre de son utilité?


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