«Pas si facile» de rencontrer le ministre Dupuis

Corruption politique

Pour Jacques Dupuis, la sortie des avocats manque de crédibilité. Il a souligné qu'elle survient «au moment où le gouvernement est en négociation avec ses employés».

(Québec) L'homme d'affaires Luigi Coretti est-il un membre privilégié de la «clientèle» du ministre Jacques Dupuis? C'est ce que croient le syndicat des policiers de la Sûreté du Québec (SQ) et les procureurs de la Couronne.
Les deux groupes se plaignent de ne pouvoir rencontrer facilement le ministre de la Sécurité publique, contrairement à ce qu'a pu faire le grand ami de l'ex-responsable du ministère de la Famille, Tony Tomassi.
Au printemps 2008, le patron de BCIA a obtenu un tête-à-tête avec M. Dupuis pour lui parler de ses difficultés à décrocher un permis de port d'arme à feu à autorisation restreinte. Une simple demande de M. Tomassi avait suffi à organiser ce rendez-vous.
Mardi, le ministre de la Sécurité publique a expliqué qu'il était naturel qu'il rencontre Luigi Coretti puisque son agence de sécurité fait partie de la «clientèle» de son ministère. Un mot qui n'est pas tombé dans l'oreille de sourds.
C'est que la «clientèle» du ministre est nombreuse. Et elle estime ne pas être toujours traitée avec autant d'égards que M. Coretti.
En entrevue au Soleil, jeudi, Jean-Guy Dagenais, le président de l'Association des policiers provinciaux du Québec (APPQ), a confié sa déception de n'avoir pu rencontrer le ministre Dupuis depuis de nombreux mois. Il croit qu'il existe un lien entre la demande d'enquête publique sur l'industrie de la construction qu'il a formulée en novembre et la difficulté qu'il a, désormais, à obtenir un rendez-vous avec lui.
Quelques jours auparavant, alors que M. Dagenais avait déclaré qu'il ne fallait pas s'attendre à des résultats rapides dans l'opération Marteau, le chef de cabinet de M. Dupuis, Jocelyn Turcotte, l'avait appelé pour lui dire que ce n'était pas sa «meilleure sortie».
Lorsqu'il a ajouté qu'une enquête publique pouvait être menée concurremment à l'opération Marteau, M. Turcotte a, cette fois, gardé ses commentaires pour lui.
Depuis, les deux rendez-vous que le président de l'APPQ devait avoir (en mars) avec Jacques Dupuis ont été annulés.
L'entourage du ministre devait reprendre contact avec lui. Il attend toujours. «C'est pas si facile que ça de le rencontrer», note Jean-Guy Dagenais, qui aimerait bien sûr lui parler des «négos», mais également de la carte policière et - pourquoi pas aussi? - de leurs relations devenues rêches.
Il espère que le ministre daignera se rendre au congrès annuel des policiers de la SQ, qui se déroulera début juin à Saint-Sauveur - ce qu'il n'a jamais fait depuis cinq ans.
Des milliers de dollars perdus
De son côté, l'Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales soutient qu'elle a multiplié les correspondances et les demandes de rencontre avec Jacques Dupuis, qui a aussi été ministre de la Justice, pour discuter avec lui d'«enjeux importants», comme la sécurité dans les palais de justice. En vain.
Il a fallu que l'Association embauche un lobbyiste pour décrocher, quelques mois plus tard, en mai 2008, un prix de consolation : un rendez-vous avec son chef de cabinet. L'Association n'a pas eu plus de succès auprès de la nouvelle ministre de la Justice, Kathleen Weil.
Les procureurs de la Couronne du Québec disent avoir perdu plus de deux ans et des milliers de dollars. «Visiblement, les ministres du gouvernement du Québec ne semblent pas accorder aux procureurs de la Couronne la même importance que celle accordée par le ministre Dupuis à M. Coretti», écrivent-ils dans un communiqué de presse.
À l'Assemblée nationale, jeudi, le péquiste Bertrand St-Arnaud a enfoncé le clou : rappelant que la loi prévoit que les procureurs de la Couronne n'ont pas le droit de financer un parti politique, il a demandé si «c'est pour ça que le ministre les trouve moins intéressants que Luigi Coretti», un contributeur de la caisse électorale du Parti libéral du Québec.
Pour Jacques Dupuis, la sortie des avocats manque de crédibilité. Il a souligné qu'elle survient «au moment où le gouvernement est en négociation avec ses employés».
Par ailleurs, le ministre ne jure plus que son directeur de cabinet se soit contenté d'un seul coup de fil au contrôleur des armes à feu de la SQ, Yves Massé, au sujet du port d'arme de M. Coretti. Il faut dire que d'autres démarches ou conversations auraient été effectuées, selon des informations obtenues par La Presse et Le Soleil. «Il y a une chose qui est claire : aucune pression indue et aucune influence indue» n'ont été exercées auprès de la SQ, a simplement insisté le ministre.


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