Crise étudiante: le feu aux poudres

Beauchamp reproche aux étudiants d’avoir choisi la perturbation, une excuse, répondent les étudiants

Conflit étudiant - grève illimitée - printemps 2012


Québec – L’annonce par Line Beauchamp de l'«auto-exclusion» de la CLASSE des pourparlers entre le gouvernement et les associations étudiantes a eu l’effet d’une bombe hier dans une crise déjà aiguë.
Les représentants étudiants ont tout de suite vertement dénoncé le geste de la ministre de l’Éducation, annonçant la suspension des négociations, soutenant qu’elle « jetait de l’huile sur le feu » et même qu’elle devait être remplacée.
Se disant « extrêmement déçu », Léo Bureau-Blouin, le président de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), a accusé la ministre de « court-circuiter » le processus de négociation avant même l’expiration du délai de 48 heures pourtant fixé par elle.
La FECQ et la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) ont rejeté l’offre de la ministre de poursuivre les pourparlers en l’absence de la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE), exercice auquel quatre de ses membres prenaient part depuis lundi après-midi. Au contraire, la présidente de la FEUQ, Martine Desjardins, a offert à la CLASSE deux des quatre places que son organisation occupait à la table des négociations. Offre que la CLASSE a acceptée. Le cabinet de la ministre Beauchamp a refusé de commenter cette décision en début de soirée hier. Mais déjà en début de semaine, Line Beauchamp avait précisé qu’elle s’attendait, à la table, que les représentants de la FEUQ « parlent pour la FEUQ » et non une autre association.
En début d’après-midi, la ministre a fait valoir que la CLASSE s’était « exclue elle-même de la table de discussion » puisque celle-ci avait annoncé sur son site Web une manifestation pour mardi soir, laquelle fut déclarée illégale et fut ponctuée par « des gestes graves de vandalisme, de violence ». Cette annonce sur bloquonslahausse.com, a expliqué Mme Beauchamp, consistait en une rupture de la trêve présentée lundi par elle comme condition préalable à tout pourparler. La ministre a souligné que d’autres manifestations étaient annoncées sur le site de la CLASSE « sur un ton provocateur ». Elle a déploré les mots « qu’on pourrait mettre dans la catégorie des blasphèmes et vous ne m’entendrez pas les dire dans un micro avec mon statut de députée ». La ministre faisait référence au titre de celle prévue aujourd’hui à 20 h 30 et intitulée « osti de grosse manif de soir pour la fin de la trêve ». Une paraphrase du célèbre Osstidcho, a opiné plus tard Martine Desjardins de la FEUQ.
S’en prenant à la CLASSE, la ministre a déclaré : « On ne peut plus jouer sur les mots, on ne peut plus utiliser l’ambiguïté pour échapper à ses responsabilités. On ne peut pas dire qu’on se dissocie d’un événement et en faire la promotion en même temps sur son site Internet. »
En conférence de presse par la suite, le porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois a répliqué à la ministre en expliquant que la manifestation dont le titre l’a fâchée n’avait pas été organisée par la CLASSE. Selon lui, le site Internet de la CLASSE contient un calendrier proposant une « diffusion ouverte ». Ainsi, pour M. Nadeau-Dubois, la ministre s’est trouvé l'« excuse » qu’elle cherchait pour exclure la CLASSE.
Line Beauchamp a aussi reproché à la CLASSE de tenter d’élargir le conflit en embrassant « de soi-disant causes » dépassant la question de l’éducation, des droits des étudiants, du financement des universités ou des droits de scolarité. M. Nadeau-Dubois a répondu que la hausse des droits de scolarité était un « enjeu social fondamental » qui ne peut être coupé du reste. Quant au vandalisme de mardi soir et les bombes fumigènes lancées hier dans un centre commercial, le porte-parole de la CLASSE a qualifié ces gestes d'« éléments périphériques » au débat auxquels la ministre « s’attarde » excessivement.
Haussant le ton, Léo Bureau-Blouin a soutenu que la ministre avait sombré hier dans l'« enfantillage » et les « petits jeux sémantiques ». « On n’est pas dans une classe », a clamé Martine Desjardins, et la ministre devrait « arrêter de jouer les maîtresses d’école » qui « distribue les punitions ».
Quant à la Table de concertation étudiante du Québec (TaCEQ, un regroupement d’étudiants de l’Université Laval, de McGill et d’une partie de l’Université de Sherbrooke), son président, Simon Gosselin, a réclamé hier de retourner à la table de discussions avec le gouvernement, mais « seulement si les autres associations y retournent ».
Réactions politiques
La chef péquiste, Pauline Marois, a dénoncé pour sa part hier le caractère « boqué » [entêté] de Jean Charest qui s’est à son sens « traîné les pieds » dans ce dossier. À ses yeux, le premier ministre « l’a provoquée, la crise », car devait savoir qu’il y aurait une « opposition importante ». « Au lieu de prendre le taureau par les cornes dès le départ, il a laissé dégénérer la situation. » Elle a réclamé la suspension de la hausse des droits de scolarité pour l’année 2012.
Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, a déploré la lenteur du gouvernement à réagir à la crise hier, mais l’a au final appuyé dans sa décision d’exclure la CLASSE. « Il revient maintenant à la FECQ et à la FEUQ d’agir de façon responsable et de poursuivre les négociations sans la CLASSE », a soutenu M. Legault.
Le porte-parole de Québec solidaire Amir Khadir a qualifié l’exclusion de la CLASSE de « geste irresponsable ». Il a salué les étudiants qu’il a qualifiés d'« admirables […] de sagesse et de clairvoyance de ne pas avoir été dupes et d’être tombés dans ce piège ».
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Correspondant parlementaire à Québec


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