La crise et la chute des rendements sur les marchés financiers produisent un double effet sur les régimes de retraite. Ainsi, pas étonnant que des géants en difficulté tels GM et AbitibiBowater annoncent qu'ils se retrouvent devant l'incapacité de respecter les exigences en matière de prestations de retraite. Déjà en voie d'extinction, la formule des régimes à prestations déterminées pourrait ne pas survivre dans le secteur privé, ce qui vient ajouter de la pression sur des régimes publics affichant déjà une santé financière préoccupante.
Ottawa et Québec tiennent des consultations sur les régimes de retraite. Mais la réflexion pourrait finalement amener une réforme plus vaste du système de pension au Canada. Dans l'exercice, l'idée a été lancée que les régimes publics puissent constituer le coeur ou la pierre angulaire de cette réforme. Or leur état de santé précaire, notamment en ce qui a trait au RRQ, vient limiter toute contribution positive à la solution recherchée.
Il n'est probablement pas loin le jour où les seuls bénéficiaires de ces «riches» régimes à prestations déterminées (RPD) seront les politiciens et les fonctionnaires. Cette allusion vient de Claude Lamoureux, ex-président du régime de retraite des enseignants de l'Ontario (Teachers) et aujourd'hui conseiller spécial pour l'Institut canadien des actuaires. M. Lamoureux a soulevé le malaise que cette situation pourrait alors engendrer. «Il s'agit d'une situation intenable pour les contribuables et les électeurs, qui n'accepteront vraisemblablement pas que leurs impôts servent à financer des régimes auxquels ils n'ont pas droit.»
Car le nombre des RPD est en chute libre depuis les années 1980-90, plutôt fastes avec leur rendement annuel de l'ordre de 10 à 15 %. Aujourd'hui, seulement 21 % des travailleurs participent à de tels régimes, qui garantissent les prestations à la retraite. Choix et transformation en régime à cotisations déterminées, qui transfèrent le risque de placement et l'incertitude des prestations aux cotisants, ont été la norme ces dernières années. Sans oublier que le tiers des travailleurs ne sont pas couverts par un régime complémentaire de retraite.
Aussi, les RPD existants, déjà une espèce en voie de disparition, sont soumis à une carence de capitalisation devenue chronique. Ces régimes étant déjà sous-capitalisés avant l'éclatement de la crise, leur ratio moyen de solvabilité n'était plus que de 0,85 au 31 décembre dernier.
Il est donc permis d'imaginer qu'il sera impossible de renverser la tendance vers les régimes à cotisations déterminées. Ce constat étant, des experts ont avancé l'idée d'augmenter les prestations des régimes publics, ce qui devrait se traduire par des contributions additionnelles volontaires ou forcées au Régime de pension du Canada (RPC) et au Régime des rentes du Québec (RRQ). Mais c'est vouloir ajouter beaucoup de pression sur des régimes publics déjà fragilisés.
La santé financière du RRQ se veut déjà plus vacillante que celle du RPC, le régime québécois étant soumis plus qu'ailleurs à une population vieillissante et à un solde migratoire peu accommodant. Dans un document de consultation déposé en juin dernier, la RRQ a rappelé que la dernière analyse actuarielle, celle faite au 31 décembre 2006, révélait déjà que «la situation financière est de plus en plus préoccupante». Avec une réserve de 33 milliards à cette date, on prévoyait devoir utiliser une partie des revenus de placement pour couvrir l'excédent des sorties de fonds sur les cotisations dès 2011. C'était avant la contre-performance dramatique de la Caisse de dépôt en 2008.
Dans une étude dévoilée mardi, l'analyste Alexandre Laurin, de l'Institut CD Howe, a défendu l'idée que le rendement négatif moyen de 25 % affiché par la Caisse l'an dernier «pourrait entraîner l'épuisement complet de la réserve du régime 12 ans plus tôt que prévu, soit dès 2037». Déjà le taux de cotisation d'équilibre, mesuré à 10,54 % à la fin de 2006, devrait passer à 10,70 % en 2011 si l'on tient compte des récentes modifications apportées aux bénéfices du régime. Au taux de cotisation actuel de 9,9 %, l'écart dépasse le 0,3 considéré comme étant une zone de tolérance acceptable. Le RRQ indique qu'un écart supérieur à 0,3 «se traduit par une réserve inférieure à deux fois les sorties de fonds annuelles au terme de la période de projection».
Mais en ce qui a trait à la Caisse, une année de mauvais rendements pourrait ne pas être aussi dramatique. Surtout que plus de la moitié des pertes affichées l'an dernier, soit 22,4 des 39,8 milliards, ne sont que des pertes sur papier. Espérons-le, car le RRQ n'avait pas besoin de cela.
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