Coûts et déshonneurs de la position canadienne

De Kyoto à Bali



À l'aube de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques de Bali, la position du gouvernement Harper n'a jamais semblé aussi éloignée des attentes de la communauté internationale et des populations.
Pour justifier un immobilisme qui déshonore les engagements de Kyoto, le gouvernement conservateur invoque généralement, comme l'administration Bush, des arguments économiques évasifs. Le protocole de Kyoto ou l'après-Kyoto seraient trop coûteux pour le Canada, un des pays qui émet le plus de gaz à effet de serre (GES) par habitant au monde, qui consacre seulement 0,8% de son budget au ministère de l'environnement, et qui génère des surplus budgétaires estimés à plus de 11 milliards de dollars pour 2007-2008.
Pourtant, ces coûts hypothétiques ne résistent pas à l'analyse, et pourraient être très inférieurs à ceux du statuquo actuel.
Quel marasme ?
D'abord, des pays comme l'Angleterre ou l'Allemagne ont déjà réduit de façon très significative leurs GES tout en modernisant leur économie et sont en bonne voie de respecter leurs engagements de Kyoto. Certains pays nordiques prospères, comme la Norvège, émettent deux fois moins de GES par habitant qu'au Canada. Aucun de ces pays riches n'a sombré dans le marasme économique évoqué par les conservateurs.
Ensuite, les impacts des changements climatiques auront des coûts globaux qui pourraient, selon le rapport Stern publié en 2006, se chiffrer à plus de 7500 milliards de dollars : perte de récoltes, inondations, désertification de zones arides, etc. Le fait que ces coûts toucheront surtout les pays pauvres du sud et les générations futures ne fait pas honneur à l'image de pays responsable que souhaite se donner le Canada.
Enfin, les mesures pour réduire les GES du Canada peuvent être profitables à de nombreuses entreprises voire à l'économie dans son ensemble. En effet, la majorité des études scientifiques sur la question montre que la réduction de la pollution est généralement associée à une amélioration de la productivité des entreprises. La pollution est en réalité une perte de matière et d'énergie. La réduire conduit donc souvent à des économies qui sont d'autant plus substantielles que les prix du baril de pétrole et des matières premières atteignent aujourd'hui des sommets.
Outre ces bénéfices économiques, la réduction des GES peut contribuer à améliorer l'image des entreprises, à favoriser l'innovation à travers la recherche de procédés moins polluants, et à motiver les employés. À l'heure où la rétention d'employés compétents est un enjeu majeur, où la responsabilité sociale des entreprises est sans cesse sous surveillance, et où l'innovation est indispensable à la compétitivité internationale, de tels arguments devraient nous interpeler.
Le jeu des mauvais élèves
Bien entendu, il n'y aura pas que des gagnants dans les efforts pour réduire les GES. Les entreprises ne forment pas un bloc monolithique favorable ou défavorable au protocole de Kyoto. La capacité d'adaptation aux défis environnementaux dépend des stratégies mises en oeuvre, de la vision des dirigeants, de la mobilisation interne autour de ces questions, de la recherche de nouveaux procédés, etc. En adoptant une position défensive sur la réduction des GES, le gouvernement Harper fait surtout le jeu des mauvais élèves de l'industrie et nuit au développement des entreprises plus proactives en la matière. Ces entreprises souhaiteraient plutôt des engagements nationaux clairs, la possibilité de tirer bénéfice de la vente de permis d'émissions de GES, et des investissements accrus dans les nouvelles technologies.
C'est d'ailleurs, en substance, le message du Conseil canadien des chefs d'entreprise qui déclarait, dans son rapport d'octobre 2007 sur la croissance écologique : "Nous partageons l'objectif de freiner, d'arrêter et de renverser la croissance des GES dans le délai le plus court qui soit raisonnablement possible (...) En tant que dirigeants d'entreprises, nous considérons les changements climatiques et le développement durable comme d'importantes possibilités économiques" (p.1-2).
Dans ce contexte, la position du gouvernement conservateur semble de plus en plus déconnectée des réalités économiques, environnementales, et sociales. Cette position devrait représenter les aspirations d'une large majorité de canadiens et les intérêts économiques du pays plutôt que ceux de quelques lobbyings anti-Kyoto plus préoccupés par leur avenir immédiat que par celui des générations futures.
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Boiral, Olivier
* L'auteur est titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les normes internationales de gestion et les affaires environnementales. Il a publié un ouvrage aux Presse de l'université Laval sous le titre "Environnement et gestion : de la prévention à la mobilisation"
Olivier Boiral*, Faculté des sciences de l'Administration , Université Laval

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Faculté des sciences de l'Administration , Université Laval

L'auteur est titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les normes internationales de gestion et les affaires environnementales. Il a publié un ouvrage aux Presse de l'université Laval sous le titre "Environnement et gestion : de la prévention à la mobilisation"





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