Coupes à l’aide sociale - Pas d’ajout de personnel prévu

Les rencontres individuelles promises sont irréalistes, jugent fonctionnaires et bénéficiaires

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Les explications d'Agnès Maltais ne tiennent pas la route

Aucun agent additionnel ne viendra prêter main-forte au personnel d’Emploi-Québec pour tenir ces rencontres individuelles promises par la ministre Agnès Maltais aux 11 300 personnes et ménages touchés par les coupes projetées à l’aide sociale.
Un contexte qui met en péril le succès de la mesure annoncée, croient les groupes représentant à la fois les agents d’emploi chargés de mener ces précieux entretiens et les prestataires d’aide sociale. Le Syndicat de la fonction publique du Québec juge « irréaliste » ce surcroît de travail sans ajout de personnel. Le Front commun des personnes assistées sociales estime « impossible » la tenue de telles rencontres sans ressources additionnelles.
Les compressions touchent déjà durement le personnel : seuls 4 départs à la retraite sur 10 sont actuellement remplacés, et les efforts exigés du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale pour atteindre le déficit zéro sont imposants (121 millions pour l’année 2013-2014). Selon nos informations, des employés occasionnels dont les mandats étaient sur le point de se terminer ne seront pas rappelés. Des étudiants qui venaient habituellement prêter main-forte l’été ne seront pas embauchés.
« Il y a présentement 4278 personnes dans les directions régionales d’Emploi-Québec pour répondre aux besoins des clientèles », a expliqué lundi par courriel Mélanie Harvey, attachée de presse de la ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Agnès Maltais. Ajoutera-t-on des ressources pour faire face à la nouvelle demande ? « Non. Le réseau est capable d’absorber cette nouvelle clientèle. »
Une approche personnelle
Le projet de règlement imaginé par Québec prévoit la disparition d’une allocation de contrainte temporaire pour deux groupes (les 55 à 57 ans, et les couples ayant à charge un enfant d’âge préscolaire). Il limite aussi l’accès aux services d’hébergement pour toxicomanes. En coupant une allocation de 129 $ par mois, Québec compte inciter au travail et promet de verser à ceux qui se lanceront dans un parcours d’emploi un montant de 195 $ par mois le temps que durera le programme.
Mardi, alors qu’elle répondait aux questions de l’opposition, Agnès Maltais a promis que l’accessibilité aux services ne serait pas atteinte. Elle a proposé de « ne plus travailler par automatismes, mais par une approche personnelle ».
Dans un document mis en ligne sur le site d’Emploi et Solidarité sociale (Principaux éléments constitutifs de l’analyse d’impact des quatre mesures réglementaires), on prévoit que « l’impact opérationnel potentiel » pour les services d’Emploi-Québec en 2013-2014 serait, en moyenne par centre local d’emploi (CLE), de 70 couples (ceux qui bénéficiaient de l’allocation liée à la garde d’un enfant de moins de 5 ans) et de 14 ménages composés d’un adulte âgé de 55 à 57 ans, eux aussi visés par les changements prévus.
Au SFPQ, ces chiffres suscitent l’inquiétude. « Les agents peinent déjà à faire leur travail avec la demande actuelle, alors nous nous demandons vraiment comment ce sera possible de suivre tous ces gens-là à moins d’offrir un service complètement déshumanisé, déplore Denise Boileau, vice-présidente du SFPQ. L’objectif de rencontrer tout le monde pour les mettre en mouvement vers l’emploi est louable, mais complètement irréaliste. »
Amélie Châteauneuf, porte-parole du Front commun des personnes assistées sociales, abonde. « Comment madame la ministre peut-elle promettre que ces milliers de personnes auront toutes accès à une rencontre individuelle alors qu’on sait, sur le terrain, que c’est déjà difficile, sans les coupes annoncées ? S’il n’y a pas de personnel de plus, c’est complètement impossible. »
Si la pression augmente sur le personnel, le service rendu pourrait perdre en « humanité ». « Ça n’est pas facile et magique comme la ministre semble le présenter, poursuit Denise Boileau. On rencontre la personne, on lui propose un emploi et hop ! c’est fini ? Au contraire, c’est parfois très long, et à la base de ces rencontres, il y a l’écoute et la confiance. Dans les conditions actuelles, c’est impossible à faire comme il faut. »
Marie-Claire Baigner a longuement travaillé comme agente d’emploi dans un CLE. Elle a mené plusieurs de ces rencontres individuelles destinées à évaluer l’employabilité d’un prestataire d’aide sociale. « Déjà, au fil des ans, on a dû faire plus avec moins, et en fin de compte, on prend moins le temps d’aller au fond des choses, explique-t-elle. Les gens ont l’impression qu’on doit rendre le service rapidement. »
Évaluer un dossier, c’est rencontrer une personne qui a une histoire à raconter. « Ce sont souvent des gens qui ont vécu toute une vie à la dure. Ce dont ils manquent beaucoup pour aller sur le marché du travail, c’est l’estime d’eux-mêmes. Et ça, on ne peut pas recréer ça en faisant une petite rencontre rapide. »


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