Conversons

Chronique de Patrice Boileau

C’est Gérald Larose qui est content. Le Coprésident du Conseil de la souveraineté du Québec, même s’il dit n’avoir aucune visée sur le trône péquiste, a tout de même agi et parlé comme un chef indépendantiste, depuis quelques semaines.
Force est d’admettre qu’il a été entendu en haut lieu, au Parti québécois. L’intelligentsia de la formation souverainiste a décidé en effet de mettre de l’avant quelques idées dont l’homme fait la promotion, dans les pages des journaux et sur les tribunes des médias.
Plus précisément, les deux chantiers qu’identifie Gérald Larose pourraient être mis en œuvre, si le PQ prend le pouvoir. Une éventuelle administration péquiste compte en effet se comporter comme un gouvernement national et non provincial. Elle s’affairera ainsi à concocter un projet de Constitution du Québec et créera aussi une citoyenneté propre à la majorité de langue française qui l’habite.
Ces projets structurants, Larose les voit débattus dans le cadre d’une élection, « afin de mettre le peuple québécois dans le coup. » La conversation nationale, il la situe donc dans ce processus démocratique qui donnerait alors légitimement, à un gouvernement du Parti québécois, le mandat explicite de mettre concrètement le Québec en marche vers sa souveraineté.
Le Coprésident du Conseil de la souveraineté va cependant plus loin que le Parti québécois. Il veut recourir à la clause nonobstant afin que la Charte québécoise des droits de la personne ait préséance sur celle du Canada, pour qu’également soient établies d’autres institutions nationales qui ignoreraient la Constitution canadienne. Ces derniers gestes n’auront cependant qu’un effet temporaire. La clause dérogatoire autorise en effet à une loi provinciale de faire fi de la Constitution canadienne que durant cinq ans. Gérald Larose parle alors de mesures « intérimaires » qu’une nouvelle élection confirmerait pour de bon. Alors serait rédigée la « Constitution du Québec indépendant. » Aucune précision n’est cependant apportée quant à l’obtention d’une majorité quelconque pour l’entériner. Voilà qui risque de régaler les opposants au projet souverainiste.
À deux reprises, le Coprésident du Conseil de la souveraineté aborde la question référendaire comme si cette mécanique n’était pas la seule à pouvoir sortir le Canada du Québec. À ses yeux, sa patrie deviendra un pays « par référendum, ou autrement. » Il aurait été intéressant que Gérald Larose précise davantage sa pensée à ce sujet. Cette lacune sera assurément exploitée par l’adversaire fédéraliste. Déjà, André Pratte, éditorialiste en chef du journal La Presse, utilise son quotidien fédéraliste -- comme d’habitude -- pour convaincre les Québécois d’exiger que le PQ les avise, à l’aube d’un scrutin, s’il prévoit organiser un référendum, une fois à la tête de l’État. Ce discours sera assurément martelé, dans l’espoir de neutraliser la « nouvelle démarche » péquiste.
Visiblement, l’étapisme référendaire demeure encore l’obstacle principal qui empêche les souverainistes de sortir de l’attentisme. Cela ne changera pas tant qu’il n’aura pas été décrété clairement que d’autres modes d’accession à l’indépendance que le référendum peuvent être employés. Gérald Larose aurait eu intérêt à le déclarer limpidement car manifestement, la « conversation nationale » à laquelle les Québécois sont conviés par la chef du PQ, Pauline Marois, semble vouloir se tenir durant un mandat péquiste, pas pendant une élection. L’action structurante risque ainsi de s’embourber dans d’interminables discussions, discussions qui irritent les Québécois parce que l’histoire démontre que pendant ce temps, rien ne bouge.
[->12134]Inutile de dire que la gouvernance nationale espérée pourrait en prendre pour son rhume. Illégitimes pourraient apparaître les chantiers que le Parti québécois veut entreprendre, si le travail des médias fédéralistes endoctrine efficacement la population. Ils confronteront probablement le PQ au texte que Gérald Larose a fait paraître dans [Le Devoir du samedi 1er mars dernier->12134].
Certes, certaines propositions, précisément celles qui nécessitent le recours à la clause nonobstant, sont susceptibles d’effaroucher une tranche de la société civile. Peut-être vaut-il mieux concentrer le travail uniquement sur la rédaction d’une constitution et l’établissement d’une citoyenneté québécoise. Voilà qui forcera d’ailleurs Mario Dumont à participer aux travaux, lui qui, à ce sujet, accuse justement le Parti québécois de s’être servi dans le « buffet adéquiste. » Le chef de l’Action démocratique ne pourra bouder, au risque d’éclabousser son propre programme politique. Une invitation officielle lancée à son endroit, tout en lui rappelant qu’il cautionne ces idées, calmera également la tempête que les fédéralistes cherchent à déclencher.
Reste à savoir si Pauline Marois estime que la voie élective, comme Gérald Larose, représente un instrument démocratique légitime pour octroyer à son parti le mandat d’une gouvernance « radicalement branchée sur les choix d’avenir pour le Québec. » Peut-être découvrira-t-elle que cet instrument démocratique possède d’autres vertus que le Coprésident du Conseil de la souveraineté du Québec a presque publiquement dévoilées. Voilà un sujet de conversation emballant, qui n’empêche aucunement l’implantation d’une gouvernance nationale en même temps.
Patrice Boileau


Laissez un commentaire



7 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    2 mai 2008

    C'est d'un plan d'action nationale dont le PQ et tous les indépendantistes de toute allégeance auraient besoin. Je trouve l'idée de la constituante qui se réunirait et regrouperait tous les acteurs de la sociéte, et rédigeraient une constitution et une démarche commune très intéressante. Elle vient de Québec Solidaire. C'est la meilleure idée. Au delà de la gauche ou de la droite, il faudra bien régler la question nationale et regagner notre force de frappe face au Canada qui se comporte toujours en colonisateur impérialiste.
    Mais voilà justement le problème épouvantable. Mario Dumont cet imposteur, bloque la route à l'émancipation du Québec. Il nous a fait reculé de 50 ans d'un seul coup avec son discours d'autonomisme à la Maurice Duplessis. Madame Marois n'a guère été habile non plus.
    De toute manière voilà qui devrait être la tâche à tous. Il faut convaincre de l'urgence d'avoir notre pays et que non d'avoir son pays à soi n'est pas un luxe ou un rêve mais une nécessité vitale.
    Cela a été l'échec de tous les indépendantistes; notre incapacité de prouver l'urgence d'être maître de notre navire. Et s'il vous plaît ce n'est pas le drame unique d'un seul homme ou d'un seul parti. C'est le mien, c'est le nôtre et c'est celui de tous les peuples minoritaires.
    C'est le drame du Québec lui-même en entier, qui s'est enlevé tout espoir de changer sa destinée et de négocier selon SES conditions. Oû est le sentiment d'urgence, qui est le seul moteur pour faire l'histoire.
    Conversons ? Ça fait des années que nous conversons. Le plan d'action chez tous, ADQ, Québec Solidaire, PQ, PI est bien mince. Et retenez une chose. Pas de pouvoir à Québec, tout ne restera que paroles creuses.

  • Lionel Lemay Répondre

    12 mars 2008

    Me. Pierre Cloutier,
    Dans votre premier paragraphe, vous soutenez que le Parti Québécois doit, avant l'élection, présenter à l'électorat un PROJET DE PAYS et un CADRE FINANCIER NATIONAL. A ce que je sache, le PROJET DE PAYS ainsi que les STATUTS DU PARTI QUÉBÉCOIS ont été adoptés par le Congrès National en Juin 2005. De plus, en Mai 2005, Monsieur Bernard Landry a présenté un cadre financier national, préparé par Monsieur François Legault, intitulé FINANCES D'UN QUÉBEC SOUVERAIN.
    Je ne vois aucune contradiction avec les propos de Monsieur Boileau. Rien n'empêche Madame Marois de présenter ces documents à l'électorat.
    L'Article 106a stipule que le Conseil National adopte les politiques visant à préciser et à compléter le programme et les engagements du Parti. En vertu de 106c, c'est bien le CONSEIL NATIONAL et non le CONGRÈS NATIONAL qui adopte la plate-forme électorale du Parti.
    Il faudrait aussi mentionner qu'en vertu de l'Article 105, le congrès fonctionne selon les règles adoptées par le Conseil National.
    Le Chapitre 1.2.3 du Programme parle de privilégier l'approche référendaire mais en s'y associant l'ensemble des citoyens.
    Je crois qu'une élection référendaire, suite à un accord avec les autres partis politiques, pourrait être interprétée dans le sens du Chapitre 1.2.3.
    Le Conseil National pourrait en décider en vertu des pouvoirs de précision qui lui sont conférés en vertu de l'Article 106a.
    Lionel Lemay

  • Archives de Vigile Répondre

    12 mars 2008

    Capiche, M. Cloutier qui écrit :« Ce n’est pas uniquement une question légaliste, c’est aussi une question politique et de légitimité.»
    Je sais tout ça mais, est-ce que vous voulez enfermer votre chef politique dans une camisole de force du programme voté il y a déjà un certain temps dans d'autres circonstances ? Un parti se choisit un chef qui doit être capable d'effectuer certains changements de moyens qui doivent être adaptables si il ou elle croit mieux arriver ainsi au but ultime recherché.
    Si vous trouvez que le moyen employé par Mme Marois n'est pas le bon, faudrait le défaire et diminuer ainsi l'initiative du chef et l'humilier en plus sur la place publique "sport national préféré de trop de membres du PQ" depuis le début et risquer ainsi de changer de chef encore une fois.
    Le problème numéro 1 du PQ n'est pas le mauvais chef ni la mauvaise tactique, c'est le nombre trop bas de souverainistes pour obtenir une victoire éclatante à un référendum sur cette question de façon à diminuer les problèmes de négociation et de la possible partition du Québec. Le meilleur moyen pour changer ça et combien de temps ça peut prendre ? Personne ne le sait M. Cloutier.
    M. Gilbert Paquette propose un moyen nouveau que je trouve très intéressant. Si le PQ et l'ADQ et même, Québec Solidaire, placent l'intérêt du Québec avant leur intérêt partisan, on peut faire un bon bout de chemin en bonne direction avec une coalition de ces partis qui représentent une bonne majorité de Québécois.
    Disons que les Québécois sont plus prudents que peureux parce que, des fois, la peur est le commencement de la sagesse.

  • Archives de Vigile Répondre

    12 mars 2008

    Monsieur Cloutier bonjour,
    Je répondrai, exceptionnellement, à monsieur Cloutier que j'ai rencontrai à Montréal lors d'une réunion d'indépendantistes à l'UQAM, il y a de cela environ deux ans.
    Bien sûr que vous avez raison: le Parti québécois ne peut modifier manu militari son programme politique sans la tenue d'un autre congrès. Malheureusement, il l'avait déjà fait à la dernière élection car aucun projet de pays, avec cadre financier national, n'a alors été présenté à la population. Les Québécois n'ont ainsi retenu qu'une impression d'obsession référendaire mal définie. Et comme on connaît dorénavant l'honnêteté démocratique du gouvernement canadien lors d'une consultation populaire, le résultat du dernier scrutin n'a surpris personne.
    Que faire si le gouvernement Charest devait être défait avant 2009, année prévue pour l'organisation du prochain congrès péquiste? N'y a-t-il pas présentement une belle ouverture pour enfin débattre de la voie élective, comme mode d'accession à l'indépendance?
    Salutations
    Patrice Boileau

  • Archives de Vigile Répondre

    12 mars 2008

    M. Bousquet,
    Ce que je dis est fort simple et si vous ne voulez pas le comprendre, je ne peux pas vous brûler au fer rouge, car y a rien de pire qu'un sourd qui ne veut pas entendre ou qu'un aveugle qui ne veut pas voir. Aucun dialogue n'est possible avec quelqu'un qui ne respecte pas les exigences de la bonne foi.
    Le programme officiel du Parti québécois voté lors du XVè Congrès exige que le PQ, AVANT L'ÉLECTION, propose à l'électorat québécois un "projet de pays" comprenant une déclaration de principes, des politiques nationales pour le pays et un cadre financier national.
    C'est ce qui a été voté et c'est ce qui existe et existera tant et aussi longtemps que ce programme n'aura pas été modifié par un autre congrès.
    Le Conseil National n'a pas le pouvoir de défaire le programme, car seul un congrès peut le faire.
    Ce n'est pas uniquement une question légaliste, c'est aussi une question politique et de légitimité.
    Il n'y a pas péril en la demeure. Le prochain congrès aura lieu en 2009, soit l'année prochaine. Les membres de la base auront alors l'occasion de modifier le programme à leur guise. Pas avant.
    Tout ce que peut faire actuellement le Conseil National c'est adopter des politiques qui viennent préciser et compléter le programme voté en congrès. Mais pas défaire ce qui a été voté.
    Si vous prétendez que la règle de droit que s'est donné lui-même le Parti québécois n'a pas d'importance et qu'elle peut être violé en tout temps, alors c'est le règne de l'arbitraire qui la remplace et c'est ce qui va arriver en fin de semaine.
    Capiche ou pas capiche?
    Pierre Cloutier

  • Archives de Vigile Répondre

    12 mars 2008

    Me Pierre Cloutier est porté, déformation professionnelle oblige ?, à poser des questions embêtantes aux intervenants de VIGILE sur les aspects légalistes du programme du PQ au sujet du pays et de la façon d'y accéder pour prouver que les chefs du PQ sont dans l'erreur.
    Si on considère son degré d'appréciation du Québécois moyen, qu'il qualifie de mouton peureux, on se demande bien pourquoi il ferait d'autres efforts pour le libérer en cherchant les poux un peu partout.

  • Archives de Vigile Répondre

    12 mars 2008

    M. Boileau,
    J'apprécie grandement vos analyses en général. Mais avant d'aller plus loin, je vais vous demander un peu de rigueur intellectuelle.
    1 - Pouvez-vous prendre le temps et mettre l'effort nécessaire pour lire le chapitre 1 du programme du Parti québécois voté lors du XVè Congrès, en juin 2005, particulièrement le chapitre 1.2.3 qui oblige le Parti québécois, AVANT L'ÉLECTION à présenter à l'électorat un PROJET DE PAYS, constitué de la déclaration de principes et des politiques nationales sur le pays, avec un cadre financier national.
    2 - Une fois que vous l'aurez lu, pouvez-vous lire les articles 92,93, 106a) et 106c) et me dire en vertu de quoi le Conseil National de ce parti possède le pouvoir de défaire ce programme et d'en adopter un nouveau, sans recourir à un autre congrès?
    J'attends votre réponse.
    Pierre Cloutier ll.m
    avocat
    Ex-président du PQJohnson