Comprendre les Québécois

La tentation de la mort






On a beaucoup parlé récemment du Code Québec, la grande enquête menée par Jean-Marc Léger pour comprendre un peu mieux les Québécois.




Avec raison.




L’entreprise est originale. Alors que notre époque n’en a que pour l’individu et les infinies variations de son désir, Léger et ses collaborateurs ont voulu entrer dans l’intimité d’une collectivité.




Poussons plus loin: ils ont fouillé nos rêves, nos secrets, nos contradictions. Qui sommes-nous comme peuple?




Contradiction




Le portrait n’est pas gênant.




Nos vieilles qualités comme nos vieux défauts sont encore là.




Nous sommes joyeux, bons vivants. Les étrangers le disent souvent, d’ailleurs. Il y a une énergie particulière à Montréal. Un peuple encabané six mois par année doit avoir le sens de la fête.




Mais nous sommes timorés, indécis. Les Québécois se spécialisent dans l’art du «ni oui ni non, bien au contraire». Ils tergiversent. Ils espèrent quelquefois qu’en reportant d’une année à l’autre les grandes décisions, ils n’auront plus à les prendre.




On a quelquefois l’impression qu’ici, il ne se passe rien.




Je me permets d’ajouter ma touche à l’analyse.




Drôle de peuple, les Québécois.




D’un côté, ils sont fiers de leur culture. Il y a 400 ans, nous avons fondé ce pays.




Malgré la conquête, malgré le dénuement, nous avons résisté. Théoriquement, nous aurions pu disparaître. Le Canada avait programmé notre disparition.




On voulait effacer notre langue, notre culture. L’identité québécoise? Un archaïsme en Amérique. Et pourtant, nous sommes encore là. C’est un exploit. C’est la tentation de la vie.




De l’autre, nous portons notre culture comme un fardeau.




Parler français, en Amérique, n’est-ce pas contre-intuitif? On se demande si notre culture ne nous coupe pas du monde. On associe le succès à l’anglais.




On désire secrètement notre assimilation. On croit même que sans la péréquation canadienne, nous serons condamnés à la pauvreté.




Les Québécois aiment se mépriser. Ils aiment se trouver petits, trop petits. Avoir un pays? Nous n’en serions pas capables. C’est la tentation de la mort.




Léger est un optimiste. Il croit au peuple québécois. On sent qu’il l’aime et veut nous réconcilier avec nous-mêmes.




J’avoue une inquiétude: je suis de ceux qui croient que le peuple québécois pourrait bien disparaître.




Évidemment, il y aura toujours sur une carte un endroit nommé Québec et une population l’habitant. Mais s’agira-t-il encore du peuple québécois ou d’une population anonyme ayant perdu son âme?




Disparaître




Comme peuple, nous sommes en train de nous dissoudre.




Mais cette peur de disparaître ne ressort pas vraiment de l’enquête de Léger.




On ne lui en voudra pas. S’il ne la trouve pas, c’est qu’elle est absente pour l’instant. On ne s’imagine plus menacés même si nous le sommes. Mais se dire menacé, c’est négatif. Alors on fait semblant de rien.




Un jour, notre hymne national pourrait bien ne plus être Gens du pays, mais Mommy Daddy, cette chanson triste racontant l’assimilation d’un peuple. Ces temps-ci, je l’écoute souvent.



 



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