Commissaire aux langues officielles - Le français poursuit sa lente érosion au Canada

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La méthode canadienne : la mort lente, par asphyxie

Ottawa — Le commissaire aux langues officielles, Graham Fraser, a déposé jeudi un septième rapport annuel qui arrive à une conclusion similaire aux précédents : le bilinguisme subit une « érosion subtile » au pays et ce sont une fois de plus les francophones qui en font en grande partie les frais.

Les grands pôles d’insatisfaction restent les mêmes : les services dans les aéroports ne sont pas offerts en français en dehors du Québec, l’accueil des services gouvernementaux, lorsqu’en personne, n’est pas bilingue dans la trop grande majorité des cas, et les fonctionnaires fédéraux francophones sont beaucoup moins en mesure que leurs collègues anglophones de travailler dans leur langue maternelle.

« Lorsque les employés fédéraux fournissent des services aux Canadiens, l’offre active est toujours une exception, et non pas la règle, a déploré Graham Fraser en conférence de presse. Il est aussi difficile pour les passagers du transport aérien d’être servis dans la langue officielle de leur choix. » Y a-t-il recul ? « On ne peut pas parler de recul parce que cela n’a jamais été instauré comme un réflexe », a admis le commissaire.

Aéroports

En 2012, le Commissariat aux langues officielles a effectué 1792 observations dans les huit aéroports internationaux du pays. La conclusion est accablante. Seuls les deux aéroports québécois obtiennent des notes de passage (de 85 % ou plus). Les six autres échouent avec des notes globales sous les 30 %. À Ottawa, la note globale du bilinguisme de l’aéroport et de ses locataires commerciaux s’établit à 47 %. Le score est gonflé par l’affichage bilingue impeccable. L’offre bilingue en personne n’est, elle, que de 5 %. Notons toutefois que les services offerts par l’Agence canadienne de la sûreté du transport aérien et Air Canada dans ces huit aéroports sont de loin meilleurs, avec des notes de passage presque partout.

L’accueil des ministères fédéraux n’est guère meilleur, nous apprend le commissaire. En sept ans, l’équipe de Graham Fraser a effectué 142 séries d’observations anonymes totalisant 6673 cas. Les institutions n’ont obtenu une note de 60 % ou plus qu’une fois sur dix.

Pour ce qui est de la langue de travail des fonctionnaires fédéraux, la situation n’a pas changé. Les francophones qui travaillent à Ottawa-Gatineau se disent encore insatisfaits de leur droit réel de rédiger des documents dans leur langue, et/ou encore de prendre la parole en français dans les réunions. Les taux de satisfaction à cet égard s’établissent à 63 % et 70 %. Les taux correspondants de leurs collègues anglophones se situent plutôt à 93 % ou plus. Cependant, les anglophones du Québec se disent aussi mal lotis. Ils sont seulement 73 % à se dire satisfaits de leur droit de rédiger dans leur langue, quoique les francophones sont presque aussi mécontents dans la province (77 %).

Selon Graham Fraser, c’est toute une culture qui s’est installée par laquelle les gens sentent qu’ils doivent presque s’excuser de parler français. Trop souvent, dit-il, les orateurs de la fonction publique diront quelques mots en français en ouverture, puis parleront en anglais pendant 40 minutes « comme si l’utilisation du français dans un événement public n’était qu’un geste symbolique ». « Même ici, à Ottawa, j’ai l’impression que les orateurs, mêmes s’ils sont bilingues, hésitent à prendre la parole en français en public. » C’est, reconnaît le commissaire, « une situation qui me frustre ».

La langue de l’ambition?

L’éternel optimiste n’en conclut pas moins que « le français est devenu la langue de l’ambition ». Il cite à cet égard le bilinguisme de plusieurs premiers ministres provinciaux et l’engouement soutenu pour l’immersion. Il rappelle que depuis 10 ans, il y a un demi-million de bilingues de plus au pays, même si ce sont très majoritairement des francophones devenus bilingues. La ministre du Patrimoine, Shelly Glover, a sauté sur ces notes positives pour encenser son bilan. « Je suis très fière de notre gouvernement parce que nous avons mis des fonds sans précédent dans nos langues nationales. Nous allons continuer dans cette veine. » Mentionnons que le rapport de M. Fraser nous apprend que le gouvernement n’a pas encore répondu… à son rapport de l’an dernier.
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Séance d'information unilingue

Le commissaire aux langues officielles s’offusque de la tenue, il y a deux semaines, d’une séance d’information unilingue anglaise pour expliquer un projet de loi budgétaire aux députés. Ce n’est que lorsqu’une députée francophone s’est plainte, que des fonctionnaires ont regimbé et qu’un élu anglophone a déploré ne pas comprendre l’échange que la séance a été annulée, avait rapporté Le Devoir. « Sincèrement, je pensais que les séances de breffage unilingues étaient chose du passé, comme les machines à écrire et la formule “ français à venir ” », a lancé M. Fraser. Le gouvernement s’en était excusé et avait organisé une nouvelle séance.


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