Comme une chanson à répondre

Chronique de Sylvain Deschênes


Il nous arrive toutes sortes de signaux difficiles à décrypter en provenance du Vieux Canada. Le pays ancestral, construit jadis en Côte-du-Sud autour d'une fière capitale d'Amérique, n'arrive pas à accepter son sort régional autour de ce qui n'est maintenant que le chef-lieu provincial d'un empire qui n'est pas le sien. On a parfois l'impression d'une bête prise au piège qui cherche à se libérer en se mangeant les pattes.
Il n'y a pas vingt pour cent de la population du Québec dans cette région aujourd'hui. Pourtant, quelque chose pousse ses habitants à revendiquer sa représentativité de la nation tout entière. Ils n'ont peut-être pas tort. Notre aliénation politique est continuellement visible à Québec. Et il n'y a pas moyen de blâmer l'occupant puisque sa présence est assurée par d'authentiques Canadiens, collaborateurs du régime depuis des siècles.
Cette situation particulière permet aux artistes de Québec de porter un regard singulier sur notre identité historique et son incarnation actuelle. La force du groupe Loco Locass réside justement dans cette lucidité du regard cru posé sur notre capitale nationale. Dans d'autres cas, comme dans celui de Jean Leclerc dit Leloup, le désir d'expression réprimé par une colonisation de l'esprit très poussée fait imploser le discours, échappant de lourdes vérités dans un langage où l'anglais, omniprésent, sert de caution à l'indigène maquillé en citoyen universel canadien.
Fils de coopérants - travaillant sans doute pour la très fédérale Agence canadienne de développement international - Leloup est un fils à papa et à maman qui a grandi en Afrique dans la conviction que ses parents étaient d'extraordinaires humanitaires alors que ses compatriotes, renfermés au Québec, ignoraient les grands bienfaits du Canada auprès de populations démunies.
Cette identité particulière n'empêche pas Leloup de nous entraîner dans de puissants délires poétiques, sans cesse réinterprétés dans des formes diverses. Un artiste authentique qui nous révèle parfois brillamment les mécanismes du consentement à l'indigence. C'est dans ce sens qu'il faut prendre sa déclaration en forme de couac sur l'âge d'or actuel présumé de notre chanson. Ce n'est pas tant ce que d'autres artistes font qui lui semble vain, c'est le consensus autoencenseur qui les reçoit.
Leloup est aujourd'hui dans la quarantaine. Il pourrait être le père de tous ces jeunes qui enrichissent aujourd'hui notre patrimoine culturel en retricotant, souvent brillamment, motifs traditionnels, modernité et cultures étrangères. Mais c'est en quelque sorte sa responsabilité artistique qui impose à Leloup de rappeler ce qui lui semble importer : la chanson doit être faite pour exprimer ce qui doit l'être, et non pour correspondre aux goûts du marché consensuel de la génération précédente.
Patrick Roy, autre natif de Québec et petit-fils du célèbre conservateur libéral Bona Arsenault, n'a pas fait autre chose en s'en prenant au nouveau jeune joueur du Canadien de Montréal Guillaume Latendresse. Dans la quarantaine également, Roy s'est permis, lui aussi, de casser du sucre sur un jeune prometteur dans sa discipline en raison de son appartenance nationale. Et juste avant de se voir intronisé au temple de la renommée du hockey, comme le jeune venait de marquer son premier but, il a persisté en raillant la facilité entourant l'exécution de la chose.
Deux jours plus tard, le soir de l'intronisation du grand arrogant à Toronto, le jeune Latendresse marquait deux buts et puis un autre encore le match suivant.
Il nous arrive toutes sortes de signaux difficiles à décrypter en provenance du Vieux Canada. Ceux qui nous provoquent ont peut-être quelque chose d'important à nous dire. Quelque chose d'aussi ancien que : « Viens donc te battre! » Comme une chanson à répondre.


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