L'éthique médiatique provinciale

Chronique de Sylvain Deschênes



Dans mon enfance, le lutteur Michel « Justice » Dubois enrageait la foule en proclamant « JUSTICE! » après ses mauvais coups les plus réussis. Il rejouait ainsi, pour les amateurs de lutte entre les bons et les méchants, l’un des traits les plus exaspérants des mauvais joueurs.

Affirmer très fort le contraire de la vérité est une vieille manie qui doit nous venir du bas Moyen Âge alors que l’autorité ne s’embarrassait que très grossièrement de sa légitimation. Les barons de GESCA d’aujourd’hui, et leurs mercenaires fraîchement débauchés, ne font pas autrement en sommant le chef du PQ de s’attaquer à l’un des siens, en l’occurrence Robin Philpot, pour crime contre l’humanité, ou quelque chose dans le genre, comme Pierre Elliott Trudeau aimait à le faire. La façon mesquine des poltrons au service du pouvoir.

Ils nous avaient pourtant fait le même coup le jour du débat des chefs en 2003, en publiant sur le site internet de la Corporation du Pouvoir que Jacques Parizeau avait réitéré ses propos sur les votes ethniques. Landry avait mordu. Son entourage s’était montré incapable de réagir assez rapidement.

Mais cette fois-ci, il était question d’un livre publié il y a trois ans par Philpot. Un livre qui avait fait un certain bruit, comme celui qu’il avait publié quelques années avant sur la crise d’Oka « alibi du Canada anglais ». Comment se fait-il que ni le chef ni son entourage n’aient su ce qu’il y avait dans les livres publiés par Philpot? Comment a-t-il pu croire et commenter la nouvelle fabriquée par GESCA avant de se rétracter quelques heures plus tard?

Il ne s’agit pourtant là que des premières salves du consortium des médias.

Pendant ce temps, Jean Lapierre, ministre libéral quand son rôle de relationniste au sein des médias ne lui plait plus, se promène dans « la province » pour nous inventer autant d’histoires de « bastions péquistes en danger », et de grands gains libéraux que son imagination peut en produire.

Paul Cauchon du Devoir rapportait en début de campagne : « L'expérience qui fait le plus jaser depuis hier est sûrement celle de TVA, qui, en plus de suivre les chefs de parti dans les autobus électoraux comme tous les autres médias, a son propre autobus électoral, qui se rendra partout au Québec pour le compte de TVA, du Journal de Montréal et du groupe radiophonique Corus, associé au projet. »

La convergence Quebecor s’étend donc à la radio par le truchement du groupe Corus maintenant. Comme le président de Corus au Québec (une succursale bien sûr), Pierre Arcand se présente dans la circonscription de Mont-Royal — ce qui veut dire qu’il aurait un certain poids dans un cabinet libéral — il est difficile d’imaginer une situation de convergence des médias plus antidémocratique.

« Jean Lapierre rendra compte de son voyage quotidiennement chez Paul Arcand, au 98,5 FM (la radio du groupe Corus), ainsi qu'à LCN et à TVA. » poursuit Cauchon.

Et le journaliste de se demander :

« Comme M. Lapierre était encore tout récemment ministre libéral, n'y a-t-il pas un problème d'éthique à le mettre ainsi en valeur? »

La réponse qu’il a obtenue n’a pas besoin d’être commentée :

«Nous nous sommes posé la question, explique Nicole Tardif, porte-parole de TVA. S'il s'agissait d'une élection fédérale, on ne lui aurait pas donné un tel rôle. Mais pour une élection provinciale, nous n'avons pas de problème d'éthique.»

Sylvain Deschênes



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