Colonne vertébrale ou Mort cérébrale

Autour de la prestation scénique SLĀV à Montréal

70029e25d9297b53a1b54a6e6ab75f32

Tribune libre

« Vous aviez le choix entre la guerre et le déshonneur. Vous avez choisi le déshonneur, et vous aurez la guerre. »


─ Winston Churchill à Neville Chamberlain, alors Premier ministre du Royaume-Uni (Septembre 1938 / au lendemain des «Accords» (!) de München)


...


Précision : réflexion proposée initialement, mais en vain, au journal Le Devoir ] 


Concernant ce que j’appellerai le dossier SLĀV, le texte de Patrick Moreau (revue Argument), paru en page «Idées» du Devoir des 7 et 8 courant, m’apparaît, parmi moult interventions analogues, singulièrement pertinent. À la faveur d'un libellé concis et finement ramassé, l’auteur parvient, en effet, à restituer ce qui constitue l’essentiel dans ce «débat» (pour m’en tenir en l’occasion à un euphémisme). Robert Dutrisac s’est par ailleurs montré particulièrement heureux dans son choix éditorial en retenant, pour ainsi dire en complément, ou en appoint, le papier de Yves Théorêt (École des médias / UQÀM). Puisque l’intervention de celui-ci, mutatis mutandis, nous offrira en quelque sorte l’illustration factuelle des propos du premier. 


((Dommage, a contrario, que la rédaction du Devoir la «joue» tout de même profil bas en laissant les propos critiques articulés aux «externes» ponctuels publiés en cette page «Idées», en prenant bien garde pour sa part de se mouiller véritablement sur le Dossier. Nous assistons du coup à une forme de dédouanement idéologique qui aura laissé au vestiaire un authentique courage intellectuel. Si on a déjà lu par le passé une Marie-Andrée Chouinard en meilleure forme quant au fond des choses, par exemple (mais peut-être, et je ne serais pas contre, faut-il laisser à la toute nouvelle rédactrice en chef, que j’apprécie par ailleurs, le temps d'apprivoiser à nouveau le pianissimo de son Mac), le velléitaire complaisant à l’égard de nos talibans de service, qui éclate de tous ses pétards mouillés sous la plume d'Annabelle Caillou et Catherine Lalonde, Guillaume Bourgault-Côté aussi, à la Une (!) de la même édition de la fin de semaine, a vraiment, quant à lui, de quoi laisser pantois. Un Devoir aussi pusillanime, pour ne pas dire mollasson, disons-le froidement, c’est franchement consternant. Mais que voulez-vous, pourrait enchaîner ici un certain John Christian : On est provincial, pour ne pas dire provincialeux, et tous sens confondus, ou on ne l’est pas.)) 

Revenons donc, après cette incise un peu longuette, aux fermes idées accessibles dans l’espace éditorial qui se voit chapeauté de cette dénomination même. À eux deux, messieurs Moreau et Théorêt parviennent en effet, et ce dans une économie de mots remarquable, à déconstruire par le verbe ce bêtisier de la rectitude politique tyrannisante qui chaque jour un peu plus, à l'échelle de la société tout entière, asphyxie tout en un, en sol québécois, et l’intelligence et la liberté

Le véritable problème ne réside pas, toutefois, stricto sensu, ce me semble, dans ces groupuscules qui ne représentent qu’eux-mêmes, tout en n'évitant pas au passage l'extrême ridicule de s’auto-proclamer pompeusement gardiens de la moralité publique de notre époque (et in English first, and foremost. Pour faire plaisir à Valérie Plante, sans doute. Et ce en pleine Métropole de la Francité des Amériques, SVP! – de la Tierra del Fuego à Kuujjuaq, et de la Guyane à l’Acadie, par Port-au-Prince et Baton Rouge la décirconflexée). 

Le coeur du problème, au contraire (ou en vis-à-vis), m’est-il d'avis, loge chez les imputables en exercice (de l’artistique au politique, par le détour d'un solide segment de la gent journalistique, des «faiseurs d’opinions» ad hoc par médias sociaux interposés, également, et autres intervenants présumés éclairés de leurs milieux intellectuels et/ou sociaux respectifs) qui, tel le Festival International de Jazz de Montréal (FIJM), dans notre cas de figure, s’écrasent, ou s’effondrent (les déclarations ultérieures de Jacques-André Dupont ne m’ont pas du tout convaincu), comme des enfants effrayés et démunis face au premier adolescent vaguement menaçant venu, et en mal de pouvoir, qui dans les ruelles du quartier croise leur route au retour de la petite école. 

Se soumettre passivement au bâillon c’est non seulement frapper sa propre coulpe par le bâton - circonflexé celui-là - de la culpabilité imaginaire. C’est, plus dramatiquement encore, offrir méthodiquement un stock illimité de cravaches à tous les indigents du penser de ce monde. À commencer par les fanatiques de tout acabit. Et ce, pour les décennies à venir. 

Le dialogue dont parle madame Chouinard, je veux bien : après tout, moi aussi j’adore la tarte aux bleuets nappée de crème fraîche. Mais comment «oser», madame, sans tomber illico dans le simplisme intellectuel, le nez écrasé sur l’immédiat du n’importe quoi, réclamer le dialogue des Robert Lepage et des Betty Bonifassi, alors que leur est postillonné au visage (pour demeurer dans le cadre d'un lexique plus aimable que conséquent) un discours de haine dont l'insupportable n’échappe à personne? Ou presque… Un discours obtus, décousu et complètement déconnecté de la société québécoise, et proféré par une poignée d’ados de l'esprit qui hurle à tous vents que ces artistes d’envergure (ainsi que le public! - l’outrance absurde dans toute sa nudité - désirant assister à la performance scénique) ne seraient rien moins que de lamentables «racistes». 

Or du haut de mon ingrate sexagénie, j’affirme ne jamais de ma vie avoir été témoin, en Québec, d’un racisme aussi décomplexé que le racisme à la fois anti-Québécois et anti-français de ces soi-disant... «anti-racistes». De profession. 

En clair -. Tout «dialogue» n’est plus que flatus vocis, comédie au mieux, si mon Je se révèle d’emblée incapable du plus élémentaire respect de lui-même (à savoir: se tenir droit dans ses bottes, comme l’eût dit naguère, d’outre-Atlantique, un certain Juppé. Ou était-ce plutôt Fabius…?). Or, et voilà tout le paradoxe, c’est par le truchement d’une attitude veule de cette sorte que du coup, et de mon propre chef, je me métamorphose moi-même en «esclave»* consentant des lubies d’un interlocuteur dont l’essentiel de l'univers mental réside nulle part ailleurs - appelons cela l’illettrisme de l’intelligence - que dans la violence aveugle du propos

[* Esclave : vocable élaboré au Moyen Âge, depuis Slave : «Qui appartient à ce groupe ethnique, ou à l'un de ses membres, ou à l'une de ses langues - Russe, Polonais, Ukrainien, Tchèque, Slovaque, Serbe, Croate, Slovène, Bulgare…» (Rien à voir alors, prenons acte, avec la pigmentation de la peau…)

En outre, un autre paradoxe dudit «événement» se révèle en creux par le biais du caractère bien spécifique à ce type de colligement d’individus. Caractère selon lequel au nom même de la défense (y compris lorsque nullement agressés) des bruns de peau (c’est que, voyez-vous, je n’ai jamais vu un humain «noir» de toute mon existence, hormis au sortir d’une mine de charbon. Surtout - ô révoltante «appropriation culturelle», toute minérale qu’elle fût - lorsque se voit subodoré un visage pâle dessous le costume de fines poussières anthracite) ces dits individus se vêtent mentalement de chemises de semblable couleur pour parvenir à leurs fins. À savoir: «Dikter» à tous (sous réserve de stigmatisation, puis d’ostracisme, et quoi encore à venir… : la rééducation en camps de travail aux abords du cercle polaire?) la recte conduite à adopter. 

Du spectacle gommé à la pensée gammée – les bras en croix comme dans le poème d’Aragon sur mélodie du grand Brassens, interprété plus tard par Françoise, mais détournés jusqu’à l’infâme, en l’occasion, vers le dextrogyre – la nuance ne serait-elle plus, à nouveau, désormais, que de l’ordre de l’échelle...??? 

Comme de fait, cette atmosphère extrêmement délétère, on l'aura deviné, n’est pas sans rappeler – et je l’affirme sans intention d’appuyer le trait (il y a décidément comme une ambiance, sombre, une tendance, lourde) – les années qui suivirent un certain 30 janvier de 1933. Comme si, dans ce cas de figure, le FIJM s’amusait (sans faire pour autant de celui-ci, ce serait fort maladroit, et même malhonnête, l’arbre qui à lui-seul cacherait la forêt) à jouer les Chamberlain contre (c’est-à-dire avec) les petits Joseph Goebbels en bras… de chemise de notre temps. 

Toutes couleurs de peau confondues, comme dirait Brel (mais Georges aussi), sur un même champ d’horreurs. 

* * *

Question plus générale, en terminant, en continuité rigoureusement conséquente, par delà le vernis aveuglant (et dissimulant par là-même le grain et l’essence du bois dudit arbre en ladite forêt), avec le «phénomène» ici en délibéré : 







Ce « Quelque chose comme un grand peuple », dont nous entretenait René Lévesque naguère, en 1976, aurait-il – après quinze années de trahison systématique des intérêts supérieurs du Québec par ses délitées élites politiques (hormis courte parenthèse de quelques mois) – éradiqué définitivement toute colonne vertébrale chez cette Nation des descendants des Cartier, Champlain, Talon, Jeanne Mance, Marie Guyart, Frontenac, Marguerite Bourgeoys et Maisonneuve? Et autres Félix Leclerc. 

Dont nous ne manquerons pas incidemment, dans quelques jours, cela dit au passage, d’o(u)blitérer la commémoration des trente ans de sa disparition. Idem pour Pauline Julien la superbe, qui nous a quittés sciemment, dans les extrêmes douleurs de la conscience du sans-fond, il y aura vingt ans le 1er octobre prochain… Je pense aussi, bien sûr (pendant qu’on y est), quelques jours plus tard, à peine, logé identiquement dans ce mois-symbole, aux quarante ans de l’après-auteur de Jef, des Vieux amants et de Jaurès. Mais ne nous égarons pas, tout de même, jusqu’aux Marquises en Pacifique. 







Bref. N’oublie pas d’oublier, chantait par antiphrase l'intemporel Vigneault… 

Comme nous nous serons gardés d'ailleurs, dans la même veine, tout récemment, de rappeler à la mémoire de la Nation le quinzième anniversaire de la mort de l’un des Québécois les plus deboutés (le contraire quasi-absolu de débouté) qui ne soient jamais nés en sol français d’Amérique. J’ai nommé Pierre Bourgault. Ce Jacques Parizeau qui aura troqué (chacun son rôle en vertu et de ses qualités et de ses talents propres) le porte-feuilles collectif pour un porte-voix parmi les plus hautement significatifs. Et signifiants. De notre Histoire d’éternels minoritaires dans notre propre Maison. 

Eh oui. Le choix est clair : Colonne vertébrale ou Mort cérébrale

De laquelle «survivraient» tout de même les corps. On peut le présumer. Mais réduits pour le coup - énucléés de toute conscience et dignité - à simple chair à canon pour la consommation. In English, for sure

De quoi mettre en transe de jouissance il est vrai – qui de quelque âme sous les tissus se soucie, même noble icelle, lorsque bien en main il tient le bistouri? – notre Philippe Pétain de service pour encore trois éternités dans l’ivraie. En compagnie de Valérie, comme de bien entendu. 

Cette mairesse, n’est-ce pas, et je terminerai là-dessus, qui, en permanence le «sourire meurtrier» aux lèvres (dixit Cioran), essarte systématiquement, sinon avec rage, les Fleurdelisés des édifices municipaux, en territoire montréalais, comme autant de plants d’herbe à poux en juillet.

Les fachofanas aux portes de SLĀV ont fort bien compris le message… 

Le déni radical de Soi – chez les Couillard et les Plante de notre actuel – en guise de parangon de la vertu publique. 

Trahison suprême ou abyssale Stupidité ??? 


Pour ma part, entre table et armoire, à la manière du Ferrat d’On ne voit pas le temps passer, je n’ai vraiment pas le coeur à le dire.** 


 


** Oh ! Shame on him ! « Appropriation culturelle » du féminisme par ce salaud de Jean, Juif d’origine russe de surcroît, et ce dès 1965, ne manqueront pas de vociférer – s’ils sont cohérents (ce qui, il est vrai, serait beaucoup présumer) – nos illuminés incultes du Quartier des spectacles 

 

Featured 9d70efc13bfcf28a347710d42fbdde90

Jean-Luc Gouin94 articles

  • 113 474

Chambrelan du verbe et indocile citoyen de la Cité (les dossiers de la Francité et de la « Question » nationale du Québec l’occupent – et le préoccupent – tout particulièrement), mais également docteur en philosophie diplômé de l'Université Laval et spécialiste nord-américain du penseur allemand Hegel, JLG a publié ouvrages et maint article portant pour la plupart sur celui-ci.



Hegel. De la Logophonie comme chant du signe, son dernier opus, fruit de trente ans de recherche, a été publié simultanément, en 2018, et aux PUL, à Québec, et chez Hermann à Paris.

 

Textes « citoyens » choisis de Jean-Luc GOUIN ( 1995-2018 )

( parmi quelques centaines, qui hélas ne vieillissent pas )

 

•• Les Bilinguistes. Grands sorciers des langues phagocytaires

•• Débat sur la langue dans le quotidien Le Devoir (Été de 1998)

•• Qui sort, digne ! Franchir le miroir de notre schizophrénie collective

•• Le Franc Pays. Québécois ou Québec coi ? (+ de 20 ans plus tard, rien n’a changé...)

•• Le Lys dans le lisier (Ou pourquoi l’Indépendance du Québec, en quelques mots)

•• Aux larmes citoyens ! (anthropoème en hommage à Gaston Miron)

•• Philippe Couillard : Le Philippe Pétain de notre temps (Lettre à mon premier sous - ministre)

•• Autres espaces de réflexion (Société, Culture, Politique... dont : Ouvrez le Feu ! , Liquider pour argent liquide , Halloween. Plaie ou plaisir de l’enfance ? , Interdit de ne pas fumer ! ...) 

•• De l’humain travesti en divin (modeste contribution au projet d’une Charte de la laïcité)

•• Précis sur la malhonnêteté intellectuelle (aussi nommée mauvaise foi)

•• L’Homme Prométhée (une forme de « CQFD » irrésistible aux textes qui précèdent...?)

 

 





Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé