Ciel, ma sacoche!

Elle, si jalouse de sa «sacoche», viendrait tout juste de découvrir que celle-ci est vide?

Budget de MJF - mars 2009

Depuis la fin de l'automne, la question n'était pas de savoir si le Québec allait renouer avec les déficits en 2009-10, mais plutôt combien de temps il faudrait à la ministre des Finances pour le reconnaître, après l'avoir formellement exclu durant la campagne électorale.
Hier, Mme Jérôme-Forget était prête à jurer que rien de tout cela n'était prévisible en novembre dernier. Le premier ministre Charest s'était même engagé à ce qu'il n'y ait aucun déficit durant toute la durée du mandat.
Peu importe que les États-Unis, qui absorbent 65 % de nos exportations, aient déjà sombré dans la pire crise financière depuis les années 1930, la clairvoyance d'un gouvernement visionnaire allait permettre au Québec de traverser la tempête presque indemne.

Il est vrai que l'ampleur de la catastrophe était difficile à prévoir et que la situation s'est détériorée de façon dramatique en janvier, mais promettre qu'il n'y aurait pas de déficit pendant cinq ans était franchement loufoque.
Dès le mois de décembre, les prévisionnistes avaient déjà commencé à sonner l'alarme: il y avait de fortes chances que le Québec entre à son tour en récession. Pourtant, à la mi-janvier, Mme Jérôme-Forget maintenait toujours le cap du déficit zéro. Elle, si jalouse de sa «sacoche», viendrait tout juste de découvrir que celle-ci est vide?
Hier, il était savoureux de l'entendre déclarer que le gouvernement ferait preuve de responsabilité en enregistrant un déficit, puisque cela éviterait de sabrer les services à la population. De la réingénierie de l'État à cette redécouverte de la social-démocratie, l'évolution est tout à fait remarquable.
La ministre des Finances n'a pas voulu chiffrer, même approximativement, le déficit appréhendé. Entre la campagne électorale de l'automne dernier et la présentation de son budget, son homologue fédéral, James Flaherty, est passé d'un surplus de quelques centaines de millions à un déficit de 34 milliards. Les paris sont ouverts.
Tout le monde déplore le recours systématique au mensonge en politique, mais pourquoi diable y renoncerait-on quand les gens ne demandent qu'à y croire? En 2003, les libéraux avaient promis de baisser les impôts d'un milliard par année, d'éliminer les listes d'attente, de désencombrer les urgences, de régler le problème du décrochage, etc. Ils n'en ont rien fait et ils viennent d'obtenir un troisième mandat d'affilée.
Inversement, durant la campagne fédérale de 1993, Kim Campbell avait refusé de promettre une baisse du taux de chômage à laquelle elle ne croyait pas et les conservateurs ont presque été rayés de la carte. Les Canadiens ont plutôt accordé trois mandats consécutifs à Jean Chrétien, qui promettait d'abolir la TPS et de déchirer l'accord de libre-échange.
Paradoxalement, les plus gros mensonges sont peut-être ceux que les électeurs pardonnent le plus facilement. Précisément parce qu'ils sont trop gros. Qui croyait réellement que le gouvernement Chrétien reviendrait sur la TPS ou le libre-échange?
À voir les plus grandes banques du monde faire faillite et l'administration Obama distribuer les milliards par centaines, quelqu'un pouvait-il encore penser que le Québec pourrait être épargné? Si la stratégie du gouvernement Charest consistait à attendre que les esprits soient suffisamment conditionnés au caractère inévitable d'un déficit, il faut reconnaître que c'est réussi.
Au cours des dernières années, Mme Jérôme-Forget a amassé un capital de crédibilité appréciable. Même les défauts qu'on lui reprochait au départ se sont transformés en qualités. Ce qui était considéré comme de la rigidité idéologique est devenu de la rigueur budgétaire. Malgré tout, aux yeux de la population, elle demeure sans doute la plus apte à limiter les dégâts.
Il commence néanmoins à devenir agaçant de la voir jouer à celle qui tombe des nues. Comment peut-on croire que les cracks du ministère des Finances ont mis des semaines à mesurer les conséquences des modifications à la formule de péréquation alors que le PQ a tout de suite vu qu'il en coûterait un milliard au Québec?
Cette semaine, le directeur de la Direction des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale au ministère fédéral des Finances, Alfred Leblanc, a déclaré à la Chambre des communes qu'il avait été établi dès la mi-novembre que la nouvelle formule priverait le Québec de 991 millions en 2009-10.
Or c'est seulement un mois plus tard, après les élections générales au Québec, que Mme Jérôme-Forget a officiellement découvert le pot-aux-roses et commencé à s'indigner, accusant finalement le gouvernement Harper d'avoir largué le Québec.
Curieusement, elle a réagi à l'inverse devant le fiasco de la Caisse de dépôt: d'abord l'indignation, ensuite la temporisation. Le mois dernier, elle accusait ses dirigeants d'incompétence pour avoir englouti des milliards dans les PCAA sans savoir ce qu'ils achetaient.
Depuis la fuite d'une lettre qui annonçait le congédiement de sept des onze vice-présidents et nommait même leurs remplaçants, Mme Jérôme-Forget entend les défendre «bec et ongles» pour préserver l'image de l'institution. Défendre des incompétents?
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mdavid@ledevoir.com


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